PARIS : Syrie, France, Belgique, Italie, le tribunal a retracé mercredi la vie de l'imam Bassam Ayachi, dans le viseur des autorités de plusieurs pays au fil des décennies mais dont le casier reste vierge de toute condamnation pour terrorisme.
"Je ne suis pas responsable de tous les criminels du monde!" En survêtement gris, baskets bleues et large parka verte, Bassam Ayachi, 75 ans, se tient à la barre du tribunal de Paris, où il comparaît pour association de malfaiteurs terroriste.
Il est jugé pour ses activités entre 2014 et 2018 dans la Syrie en guerre, où il est soupçonné d'avoir appartenu au groupe islamo-nationaliste Ahrar al-Sahm et d'avoir "pactisé" avec al-Nosra, filiale d'Al-Qaïda.
Né en 1946 à Alep, Bassam Ayachi part en France en 1968 - pour fuir la "dictature d'Assad" et sur les conseils de son père, "policier" sous le protectorat français en Syrie, dit-il.
Il étudie les "sciences politiques, puis l'architecture" et se marie avec une Française avec qui il part en Libye..
De retour en France au début des années 1980, il ouvre un restaurant à Aix-en-Provence, le "Café oriental", gère une mosquée, avant de partir en Belgique en 1990 pour fuir un contentieux fiscal.
Selon la police belge, il cofonde alors le Centre islamique belge (CIB) à Molenbeek et, se fait remarquer par "la virulence de ses discours", ses "positions anti-occidentales, favorables au groupe islamique armé (GIA) en Algérie par exemple".
Lui se présente comme un simple "enseignant", affirme: "C’est une fausse appréciation parce que la police à cette époque n’a pas de spécialiste du monde arabe musulman". "Être contre l'Occident ? Jamais de la vie!" assure-t-il d'une voix forte.
La présidente poursuit: en 1999, il bénit le mariage entre Abdessatar Dahmane, qui deviendra deux ans plus tard l'un des assassins du commandant afghan Massoud, et Malika El-Aroud, surnommée la "veuve noire du jihad".
"Le centre était ouvert 24/24" pour ceux qui voulaient "manger, ne pas dormir dans la rue", déclare-t-il. "Peut-être ils sont extrémistes et terroristes, mais pas à l’époque où ils étaient en Belgique", jure-t-il.
En 2004, un texte attribué à Bassam Ayachi est publié sur le site du CIB, au moment du débat sur le voile en France, avec des menaces envers le ministre de l'Intérieur d'alors, Nicolas Sarkozy.
Les «salopards» d'Al-Qaïda
"Je n’ai jamais menacé", répond le prévenu, assurant ne pas être l'auteur de ce texte.
La présidente cite d'autres noms auxquels il est associé, il balaye: "ça ne me dit rien du tout". Celui d'Oussama Atar, futur coordonnateur présumé des attentats du 13-Novembre?
"Il était ami avec mon fils, il venait voir mon fils à 10 ans. Je ne suis pas responsable de lui quand il devient, à 30 ans, un grand criminel!", répond le prévenu à la longue barbe blanche.
En novembre 2008, Bassam Ayachi est arrêté en Italie avec des sans-papiers dans son camping-car. La justice italienne lui reproche ensuite de projeter des attentats en lien avec Al-Qaïda, notamment contre l'aéroport de Roissy: il est condamné, puis blanchi après plus de 3 ans de prison.
Sur ce sujet, il évoque à la barre une confusion venant d'une conversation enregistrée dans sa cellule, alors qu'il regardait un match de foot en hurlant: "frappe" et "goal" - comme "Charles de Gaulle".
Son fils, Abdelrahman, a été condamné en son absence à Bruxelles pour avoir participé à une filière pour l'Irak et l'Afghanistan, notamment pour avoir diffusé de la propagande qaïdiste.
L'imam affirme n'avoir "ni lu, ni vu" ces publications, assure que son fils était "contre Ben Laden et contre l'attentat du 11-Septembre".
"Je n’ai jamais été favorable à Al-Qaïda, tous ceux qui ont détruit les Arabes et les musulmans, c'est Al-Qaïda", s'emporte-t-il plus tard, parlant des "salopards qui ont commis l'attentat aux Etats-unis d’Amérique", du "connard qui poignarde des gens en France".
Revenant à sa biographie, la présidente mentionne qu'il est père de 12 enfants et qu'il a été marié à six femmes, parfois en même temps - lui parle de "concubines".
Après la mort de son fils Abdelrahman en Syrie, il part à Idleb en 2013. Opposé au groupe EI, il affirme avoir travaillé à partir de là, "par conviction", avec les renseignements belge et français.
Fin du procès vendredi.