Ukraine : nouvelles sanctions américaines, Kiev appelle à évacuer l'Est

Un dépôt de pétrole proche de Dnipro, dans l'Est de l'Ukraine, a été bombardé et détruit par l'armée russe dans la nuit de mardi à mercredi (Photo, AFP).
Un dépôt de pétrole proche de Dnipro, dans l'Est de l'Ukraine, a été bombardé et détruit par l'armée russe dans la nuit de mardi à mercredi (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 06 avril 2022

Ukraine : nouvelles sanctions américaines, Kiev appelle à évacuer l'Est

  • Ces nouvelles mesures américaines, en réponse aux «atrocités » commises en Ukraine, visent les filles du président russe Vladimir Poutine
  • A Vougledar, une ville de 15 000 habitants à 50 kilomètres au sud-ouest de Donetsk, deux civils ont été tués et cinq blessés dans le bombardement d'un centre de distribution d'aide, selon le gouverneur de la région de Donetsk

SYEVERODONETS'K: Les Etats-Unis ont annoncé mercredi une nouvelle salve de sanctions "dévastatrices" contre la Russie, accusée de crimes de guerre, tandis que l'Ukraine appelait les populations civiles à évacuer l'est de son territoire, désormais cible prioritaire du Kremlin. 

Ces nouvelles mesures américaines, en réponse aux "atrocités" commises en Ukraine, interdisent "tout nouvel investissement" en Russie et vont appliquer les contraintes les plus sévères possibles aux grandes banques russes Sberbank et Alfa Bank, ainsi qu'à plusieurs importantes entreprises publiques. Elles visent également les filles du président russe Vladimir Poutine. 

Elles devaient être décidées en coordination avec le G7 et l'Union européenne, pressée par Kiev d'en faire plus contre Moscou, notamment en matière de sanctions énergétiques, un sujet qui divise l'UE, dont certains Etats membres sont très dépendants des livraisons russes. 

Le Royaume-Uni a dans la foulée annoncé interdire tout investissement en Russie et des sanctions dans la finance et l'énergie.  

Le président du Conseil européen Charles Michel a estimé mercredi que l'UE devrait "tôt ou tard" prendre des sanctions sur le pétrole et le gaz russes. 

"Nous ne pouvons tolérer aucune indécision après ce que nous avons traversé", a de son côté lancé le président ukrainien Volodymyr Zelensky, s'adressant au Parlement irlandais. 

Il faisait allusion aux accusations portées contre la Russie d'exactions sur les populations civiles, notamment dans la ville de Boutcha, près de Kiev. Mardi, il avait déjà lancé un appel passionné au Conseil de sécurité de l'ONU, sommé d'agir "immédiatement" face aux "crimes de guerre" dont il accuse Moscou. 

M. Zelensky a notamment fait projeter aux diplomates des images dramatiques montrant, selon Kiev, de nombreux cadavres des victimes civiles de violences filmées dans des localités récemment évacuées par l'armée russe. 

Des accusations formellement rejetées par Moscou, Vladimir Poutine dénonçant mercredi une "provocation grossière et cynique" de l'Ukraine à Boutcha. 

Mais l'Allemagne, très dépendante du gaz russe, a estimé que la thèse de Moscou d'une mise en scène ukrainienne n'était "pas tenable" au vu des photos satellites qui ont été diffusées. 

Conditions 

La Chine, très prudente sur le conflit, a de son côté évoqué des images "profondément dérangeantes", mais rappelé que "toute accusation" devait "être fondée sur des faits". 

Le pape François a fustigé "une cruauté toujours plus horrible (y compris) contre les civils, des femmes et des enfants".  

Les autorités ukrainiennes affirment de leur côté redouter la découverte d'autres massacres et que celui de Boutcha ne soit "pas le pire". 

Sur le plan militaire, elles craignent également une offensive russe de grande envergure dans l'est, sur les zones qu'elles contrôlent près de la frontière russe.  

La vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk a d'ailleurs appelé mercredi la population civile de ces régions, dont la grande ville de Kharkiv, à "évacuer (...) maintenant", pendant qu'il en est temps, sous peine de "risquer la mort". 

Sur le plan diplomatique, le Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orban, tout juste réélu et proche de Vladimir Poutine, a annoncé mercredi avoir suggéré au président russe de décréter un "cessez-le-feu immédiat" et de se rendre à Budapest pour des discussions avec les dirigeants ukrainien, français et allemand. "Il a dit oui, mais avec des conditions", a-t-il dit sans plus de détails. 

Mais le conflit ne donne aucun signe d'affaiblissement, et l'Otan doit à nouveau se pencher dessus à l'occasion d'une réunion mercredi et jeudi à Bruxelles des ministres des Affaires étrangères des Etats membres de l'Alliance. 

"La guerre peut durer longtemps, plusieurs mois, voire des années. Et c'est la raison pour laquelle nous devons également être préparés à un long parcours, à la fois en ce qui concerne le soutien à l'Ukraine, le maintien des sanctions et le renforcement de nos défenses", a déclaré en ouverture son secrétaire général Jens Stoltenberg. 

L'Otan n'intervient militairement que pour défendre ses membres lorsque l'un d'eux est attaqué ou sous mandat de l'ONU. L'Ukraine n'en est pas membre, mais rien n'empêche les trente pays de l'Alliance de lui apporter une aide. 

Sur le terrain, Moscou poursuit sa nouvelle stratégie : concentrer les efforts sur le Donbass, le vaste bassin minier de l'est de l'Ukraine en partie aux mains depuis 2014 de séparatistes prorusses. 

"Surprises" 

Des journalistes de l'AFP ont constaté mercredi matin des pilonnages réguliers sur Severodonetsk, 100.000 habitants avant le conflit, la ville la plus à l'est tenue par l'armée ukrainienne dans le Donbass, tout près de la ligne de front. 

L'AFP y a vu un bâtiment en feu tandis que de très rares civils étaient visibles dans les rues, courant se mettre à couvert dès que les frappes reprenaient. 

Selon le gouverneur régional, dix immeubles, un centre commercial et des garages avoisinants ont au total été touchés, ce qui a provoqué un important incendie. 

A Vougledar, une ville de 15 000 habitants à 50 kilomètres au sud-ouest de Donetsk, deux civils ont été tués et cinq blessés dans le bombardement d'un centre de distribution d'aide, selon le gouverneur de la région de Donetsk, Pavlo Kirilenko. 

Un peu plus loin, les forces ukrainiennes se préparaient à défendre une route reliant Izioum, récemment prise par les forces russes, aux cités voisines de Sloviansk et Kramatorsk, la capitale de fait de l'Est contrôlé par Kiev. 

Encombrée d'obstacles antichars, la route est entourée de tranchées creusées au bulldozer. Pièces d'artillerie et autres engins blindés plus ou moins enterrés parsèment les environs et la forêt est truffée d'abris et autres matériels. 

"Les Russes s'activent, nous savons qu'ils se préparent à attaquer", a expliqué à l'AFP un officier supérieur, évoquant une multiplication des vols d'hélicoptères russes au-dessus du front. 

"Nous sommes prêts. (...) Nous leur avons préparé quelques surprises", a ajouté cet ancien combattant de la guerre de 2014, deux fois blessé. 

La logistique ukrainienne est également visée. Selon le ministère russe de la Défense, cinq dépôts de carburant qui approvisionnaient les forces ukrainiennes dans les régions de Kharkiv et de Mykolaïv (sud), ainsi que dans le Donbass et près de Dnipro (est) ont été détruits dans la nuit par des missiles. 

Les frappes aériennes russes ont au total atteint 24 sites militaires ukrainiens, selon le ministère. 

"Ma mère ou mes petits-enfants" 

Les forces russes continuent également à consolider leurs positions sur la bande côtière le long de la mer d'Azov, dans le sud de l'Ukraine, pour relier les régions du Donbass à la péninsule de Crimée, annexée par Moscou en 2014. 

Les combats se concentrent notamment toujours sur la grande ville portuaire de Marioupol, dont le maire qualifiait mardi à la situation comme ayant "dépassé le stade de la catastrophe humanitaire". 

Quelque 120.000 de ses habitants y sont toujours coincés, selon lui, et les évacués, après un éprouvant voyage de 200 kilomètres, se retrouvent dans des centres d'accueil à Zaporojie, dans les terres, où un convoi du CICR est arrivé mercredi avec plus de 500 réfugiés. 

Des personnes arrivées auparavant ont raconté à l'AFP l'enfer de Marioupol, comme Angela Berg, 55 ans, qui a tout laissé dans cette ville, y compris sa mère, trop âgée pour le périple. 

"Un homme armé d'une mitraillette nous a forcés à nous coucher au sol devant notre immeuble de 12 étages, sur des bouts de verre brisé. Puis ils ont commencé à tirer dessus avec des chars, l'immeuble a pris feu. Et l'homme à la mitraillette tirait sur les gens qui tentaient de sortir. Ils ne nous ont rien laissé récupérer jusqu'à ce que tout ait brûlé". 

Pire, elle explique avoir dû abandonner sa mère et sa belle-soeur invalide pour sauver le reste de sa famille, dont sa petite-fille de trois mois, malade. "C'est la plus pénible décision que j'aie jamais prise. J'ai dû choisir entre ma mère et mes petits-enfants". 


Le Parlement ukrainien déserté par crainte de frappes russes

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  • L'Otan et l'Ukraine doivent se retrouver mardi à Bruxelles pour évoquer la situation, selon des sources diplomatiques interrogées par l'AFP
  • La tension ne retombait pas en Ukraine, où le Parlement, la Rada, a "annulé" sa séance en raison de "signaux sur un risque accru d'attaques contre le quartier gouvernemental dans les jours à venir", ont expliqué plusieurs députés à l'AFP

KIEV: Le Parlement ukrainien a annulé vendredi sa séance par crainte de frappes russes en plein coeur de Kiev, au lendemain du tir par la Russie d'un nouveau missile balistique et de menaces de Vladimir Poutine à l'adresse de l'Occident.

Après ce tir, le président russe s'était adressé à la nation jeudi soir en faisant porter la responsabilité de l'escalade du conflit sur les Occidentaux. Il a estimé que la guerre en Ukraine avait pris désormais un "caractère mondial" et menacé de frapper les pays alliés de Kiev.

Le Kremlin s'est dit confiant vendredi sur le fait que les Etats-Unis avaient "compris" le message de Vladimir Poutine.

L'Otan et l'Ukraine doivent se retrouver mardi à Bruxelles pour évoquer la situation, selon des sources diplomatiques interrogées par l'AFP.

La tension ne retombait pas en Ukraine, où le Parlement, la Rada, a "annulé" sa séance en raison de "signaux sur un risque accru d'attaques contre le quartier gouvernemental dans les jours à venir", ont expliqué plusieurs députés à l'AFP.

En plein coeur de Kiev, ce quartier où se situent également la présidence, le siège du gouvernement et la Banque centrale, a jusqu'à présent été épargné par les bombardements. L'accès y est strictement contrôlé par l'armée.

Le porte-parole du président Volodymyr Zelensky a de son côté assuré que l'administration présidentielle "travaillait comme d'habitude en respectant les normes de sécurité habituelles".

"Compris" le message 

S'adressant aux Russes à la télévision jeudi soir, Vladimir Poutine a annoncé que ses forces avaient frappé l'Ukraine avec un nouveau type de missile balistique hypersonique à portée intermédiaire (jusqu'à 5.500 km), baptisé "Orechnik", qui était dans sa "configuration dénucléarisée".

Cette frappe, qui a visé une usine militaire à Dnipro, dans le centre de l'Ukraine, est une réponse, selon M. Poutine, à deux frappes menées cette semaine par Kiev sur le sol russe avec des missiles américains ATACMS et britanniques Storm Shadow, d'une portée d'environ 300 kilomètres.

M. Poutine a ainsi estimé que la guerre en Ukraine avait pris un "caractère mondial" et annoncé que Moscou se réservait le droit de frapper les pays occidentaux car ils autorisent Kiev à utiliser leurs armes contre le sol russe.

"Le message principal est que les décisions et les actions imprudentes des pays occidentaux qui produisent des missiles, les fournissent à l'Ukraine et participent ensuite à des frappes sur le territoire russe ne peuvent pas rester sans réaction de la part de la Russie", a insisté vendredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Il s'est dit persuadé que Washington avait "compris" ce message.

La veille, les Etats-Unis, qui avaient été informés 30 minutes à l'avance du tir russe, avaient accusé Moscou de "provoquer l'escalade". L'ONU a évoqué un "développement inquiétant" et le chancelier allemand Olaf Scholz a regretté une "terrible escalade".

La Chine, important partenaire de la Russie accusé de participer à son effort de guerre, a appelé à la "retenue". Le Kazakhstan, allié de Moscou, a renforcé ses mesures de sécurité en raison de cette "escalade en Ukraine".

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky a lui appelé la communauté internationale à "réagir", dénonçant un "voisin fou" qui utilise l'Ukraine comme un "terrain d'essai".

"Cobayes" de Poutine 

Au-delà du tir de jeudi, la Russie a modifié récemment sa doctrine nucléaire, élargissant la possibilité de recours à l'arme atomique. Un acte "irresponsable", selon les Occidentaux.

Interrogés jeudi par l'AFP sur le tir de missile russe, des habitants de Kiev étaient inquiets.

"Cela fait peur. J'espère que nos militaires seront en mesure de repousser ces attaques", a déclaré Ilia Djejela, étudiant de 20 ans, tandis qu'Oksana, qui travaille dans le marketing, a appelé les Européens à "agir" et "ne pas rester silencieux".

M. Poutine "teste (ses armes) sur nous. Nous sommes ses cobayes", a affirmé Pavlo Andriouchtchenko cuisinier de 38 ans.

Sur le terrain en Ukraine, les frappes de la Russie, qui a envahi le pays il y a bientôt trois ans, se poursuivent.

A Soumy, dans le nord-est du pays, une attaque de drones a fait deux morts et 12 blessés, a indiqué le Parquet ukrainien.

Le ministre russe de la Défense, Andreï Belooussov, s'est lui rendu sur un poste de commandement de l'armée dans la région de Koursk, où les forces ukrainiennes occupent, depuis début août, des centaines de kilomètres carrés.

Il s'est félicité d'avoir "pratiquement fait échouer" la campagne militaire ukrainienne pour l'année 2025 en "détruisant les meilleures unités" de Kiev et notant que les avancées russes sur le terrain se sont "accélérées".

Cette poussée intervient alors que Kiev craint que Donald Trump, de retour à la Maison Blanche à partir de janvier prochain, ne réduise ou stoppe l'aide militaire américaine, vital pour l'armée ukrainienne.


Record de 281 travailleurs humanitaires tués dans le monde en 2024, selon l'ONU

L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database. (AFP)
L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database. (AFP)
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  • L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database
  • "Les travailleurs humanitaires sont tués à un rythme sans précédent, leur courage et leur humanité se heurtant aux balles et aux bombes", a déclaré le nouveau secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires humanitaires

GENEVE: Un nombre record de 281 travailleurs humanitaires ont été tués dans le monde cette année, ont alerté les Nations unies vendredi, qui demandent que les responsables soient poursuivis.

L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database.

"Les travailleurs humanitaires sont tués à un rythme sans précédent, leur courage et leur humanité se heurtant aux balles et aux bombes", a déclaré le nouveau secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires humanitaires et coordinateur des situations d'urgence, Tom Fletcher, dans le communiqué.

Le Britannique souligne que "cette violence est inadmissible et dévastatrice pour les opérations d'aide".

"Les États et les parties au conflit doivent protéger les humanitaires, faire respecter le droit international, poursuivre les responsables et mettre un terme à cette ère d'impunité".

L'année 2023 avait déjà connu un nombre record, avec 280 travailleurs humanitaires tués dans 33 pays.

L'ONU souligne que la guerre à Gaza "fait grimper les chiffres". Il y a eu "au moins 333 travailleurs humanitaires qui ont été tués rien que dans la bande de Gaza" depuis le début de la guerre en octobre 2023, a indiqué le porte-parole de l'agence de coordination humanitaire de l'ONU (Ocha), Jens Laerke, lors d'un point de presse à Genève.

Nombre d'entre eux ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions alors qu'ils fournissaient de l'aide humanitaire. La plupart travaillaient pour l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), dont 243 employés ont été tués depuis la guerre à Gaza, a indiqué M. Laerke.

Parmi les autres travailleurs humanitaires tués depuis le début de la guerre à Gaza figure notamment du personnel du Croissant-Rouge palestinien, a-t-il relevé.

Mais les menaces qui pèsent sur les travailleurs humanitaires ne se limitent pas à Gaza, indique l'ONU, soulignant que des "niveaux élevés" de violence, d'enlèvements, de harcèlement et de détention arbitraire ont été signalés, entre autres, en Afghanistan, en République démocratique du Congo, au Soudan du Sud, au Soudan, en Ukraine et au Yémen.

La majorité du personnel humanitaire tué sont des employés locaux travaillant avec des ONG, des agences de l'ONU et le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

L'ONU explique que la violence à l'encontre du personnel humanitaire s'inscrit dans "une tendance plus large d'atteintes aux civils dans les zones de conflit", avec l'an dernier "plus de 33.000 civils morts enregistrés dans 14 conflits armés, soit une augmentation de 72% par rapport à 2022".

 


Mandats d'arrêt de la CPI : réaction outrées en Israël, un nouveau «procès Dreyfus» dit Netanyahu

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  • "La décision antisémite de la Cour pénale internationale est comparable à un procès Dreyfus d'aujourd'hui qui se terminera de la même façon", a déclaré le chef du gouvernement dans un communiqué diffusé par son bureau
  • "Israël rejette avec dégoût les actions absurdes et les accusations mensongères qui le visent de la part de la [CPI]", dont les juges "sont animés par une haine antisémite à l'égard d'Israël", ajoute M. Netanyahu

JERUSALEM: L'annonce par la Cour pénale internationale (CPI) de mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant a suscité des réactions outrées en Israël, M. Netanyahu comparant la décision de la Cour à un nouveau "procès Dreyfus".

"La décision antisémite de la Cour pénale internationale est comparable à un procès Dreyfus d'aujourd'hui qui se terminera de la même façon", a déclaré le chef du gouvernement dans un communiqué diffusé par son bureau.

Condamné pour espionnage, dégradé et envoyé au bagne à la fin du XIXe siècle en France, le capitaine français de confession juive Alfred Dreyfus avait été innocenté et réhabilité quelques années plus tard. L'affaire Dreyfus a profondément divisé la société française et révélé l'antisémitisme d'une grande partie de la population.

"Israël rejette avec dégoût les actions absurdes et les accusations mensongères qui le visent de la part de la [CPI]", dont les juges "sont animés par une haine antisémite à l'égard d'Israël", ajoute M. Netanyahu.

La CPI "a perdu toute légitimité à exister et à agir" en se comportant "comme un jouet politique au service des éléments les plus extrêmes oeuvrant à saper la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient", a réagi son ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, sur X.

La CPI a émis jeudi des mandats d'arrêt contre MM. Netanyahu et Gallant "pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024", et contre Mohammed Deif, chef de la branche armée du Hamas "pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre présumés commis sur le territoire de l'Etat d'Israël et de l'Etat de Palestine depuis au moins le 7 octobre 2023", date de l'attaque sans précédent du mouvement palestinien contre Israël à partir de Gaza ayant déclenché la guerre en cours.

"Jour noir" 

"C'est un jour noir pour la justice. Un jour noir pour l'humanité", a écrit sur X le président israélien, Isaac Herzog, pour qui la "décision honteuse de la CPI [...] se moque du sacrifice de tous ceux qui se sont battus pour la justice depuis la victoire des Alliés sur le nazisme [en 1945] jusqu'à aujourd'hui".

La décision de la CPI "ne tient pas compte du fait qu'Israël a été attaqué de façon barbare et qu'il a le devoir et le droit de défendre son peuple", a ajouté M. Herzog, jugeant que les mandats d'arrêt étaient "une attaque contre le droit d'Israël à se défendre" et visent "le pays le plus attaqué et le plus menacé au monde".

Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité nationale, et chantre de l'extrême droite a appelé à réagir à la décision de la CPI en annexant toute la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, et en y étendant la colonisation juive.

"Israël défend les vies de ses citoyens contre des organisations terroristes qui ont attaqué notre peuple, tué et violé. Ces mandats d'arrêt sont une prime au terrorisme", a déclaré le chef de l'opposition, Yaïr Lapid, dans un communiqué.

"Pas surprenant" 

Rare voix discordante, l'organisation israélienne des défense des droits de l'Homme B'Tselem a estimé que la décision de la CPI montre qu'Israël a atteint "l'un des points les plus bas de son histoire".

"Malheureusement, avec tout ce que nous savons sur la conduite de la guerre qu'Israël mène dans la bande de Gaza depuis un an [...] il n'est pas surprenant que les preuves indiquent que [MM. Netanyahu et Gallant] sont responsables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité", écrit l'ONG dans un communiqué.

Elle appelle par ailleurs "tous les Etats parties [au traité de Rome ayant institué la CPI] à respecter les décisions de la [Cour] et à exécuter ces mandats".

L'attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 a entraîné la mort de 1.206 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur les données officielles, incluant les otages tués ou morts en captivité à Gaza.

La campagne de représailles militaires israéliennes sur la bande de Gaza a fait au moins 44.056 morts, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas pour Gaza, jugées fiables par l'ONU.