PARIS : Le procès de l'imam franco-syrien Bassam Ayachi, figure de l'islamisme belge jugée pour association de malfaiteurs terroriste, s'est ouvert mardi à Paris, le prévenu revendiquant d'emblée avoir été "au service de la France" en Syrie.
À 75 ans, Bassam Ayachi est jugé jusqu'à vendredi pour association de malfaiteurs terroriste: en cause, ses activités dans la région d'Idleb entre 2014 et 2018.
Le parquet national antiterroriste (Pnat) lui reproche d'avoir exercé des responsabilités au sein du groupe islamo-nationaliste Ahrar al-Sham et d'avoir "pactisé" avec le Front al-Nosra (branche syrienne d'Al-Qaïda), ou encore d'avoir fréquenté le groupe du Français Omar "Omsen" Diaby, considéré comme le recruteur de dizaines de djihadistes.
Depuis son arrestation en France en mars 2018, Bassam Ayachi soutient qu'il était un informateur des services secrets français et belges et que c'est pour cette raison qu'il a côtoyé al-Nosra.
Pendant l'instruction, des messages compatibles avec un tel rôle ont été trouvés sur ses téléphones. Deux demandes de déclassification du magistrat instructeur ont été rejetées par le ministère des Armées.
Au premier jour du procès, sa défense a soutenu une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur ce sujet, estimant que les dispositions légales liées au secret défense étaient contraires au droit à un procès équitable.
"Il y a probablement un carton rempli de pièces susceptibles de disculper M. Bassam Ayachi (...) auxquels vous n’aurez jamais accès, auxquels nous n'aurons jamais accès!", a plaidé Me Joris Monin de Flaugergues.
La représentante du parquet national antiterroriste s'est prononcée contre la transmission de cette QPC, mais elle a indiqué que le rôle d'informateur de Bassam Ayachi ne serait pas "contesté" pendant les débats.
Pour le juge d'instruction, qui a décidé de le renvoyer devant le tribunal, cet élément "ne fait qu'ajouter un mobile (plus noble)" à l'action de l'imam, mais ne fait "nullement disparaître l'infraction".
"J’étais au service de la France, comme mon père m’a appris", a lancé le prévenu à la barre, longue barbe blanche et crâne dégarni.
"J’ai appris la justice, la fraternité, l’égalité en France, celui qui touche à ma France, il touche à mon pays", a affirmé cet homme né à Alep et venu étudier dans l'Hexagone dans les années 1960.
"Je suis devant vous maintenant, madame la présidente, en tant que terroriste, or j’ai combattu les terroristes (...) j’ai perdu mon bras par eux!", s'est-il insurgé.
Sous la large parka verte qu'il porte à la barre, Bassam Ayachi est manchot depuis une explosion, en 2015 en Syrie, qu'il attribue au groupe Etat islamique auquel il s'est opposé.