WASHINGTON: Une offensive russe concentrée sur l'est du pays, mais sans que les attaques contre des cibles civiles ne faiblissent: les Etats-Unis estiment que la guerre en Ukraine aborde une nouvelle phase, appelant une nouvelle réponse des Occidentaux.
Comme il l'avait déjà fait peu avant que la Russie ne lance son invasion le 24 février, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan est venu lundi devant la presse détailler ce que seront, selon les Américains, les prochains mouvements de l'armée russe.
Selon lui, la Russie "est en train de repositionner ses forces pour concentrer son offensive sur l'est et des parties du sud de l'Ukraine". Elle "a essayé de soumettre toute l'Ukraine et a échoué", a-t-il jugé, estimant que cette nouvelle phase "pourrait durer des mois ou plus".
Selon Washington, "Moscou va continuer les frappes aériennes et les tirs de missiles sur le reste du pays pour causer des dégâts militaires et économiques et aussi, clairement, pour semer la terreur".
Sanctions et armement
Alors que les images de nombreux corps à Boutcha, localité de la banlieue de Kiev récemment reprise par les forces ukrainiennes, ont suscité un tollé international, le président américain Joe Biden a promis "des sanctions supplémentaires" contre la Russie.
Boutcha: le Canada dénonce des «crimes de guerre»
La ministre canadienne des Affaires étrangères Mélanie Joly a dénoncé lundi des "crimes de guerre" après la découverte de nombreux corps portant des vêtements civils à Boutcha, dans les environs de Kiev, et prévenu que le Canada allait imposer de nouvelles sanctions "sous peu".
Cette découverte a suscité de nombreuses indignations à l'étranger, y compris du président américain Joe Biden, qui a réclamé un "procès pour crimes de guerre".
"Ce qui s'est passé au cours du week-end est complètement scandaleux, injustifiable et choquant", a déclaré la ministre Joly lors d'un point presse en marge d'un déplacement en Finlande.
"Il s'agit clairement de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité", a-t-elle souligné, avant de les imputer aux soldats russes.
Elles seront annoncées "cette semaine", a précisé Jake Sullivan, insistant sur la volonté de "consensus" avec l'Union européenne, qui de son côté discute en "urgence" de nouvelles représailles économiques contre Moscou.
Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken se rend d'ailleurs à Bruxelles, mercredi et jeudi pour participer à des réunions de l'Otan et du G7.
Après avoir déjà annoncé plusieurs trains de mesures, il ne reste plus guère d'options aux Occidentaux, à part celle, majeure, qui consisterait à attaquer les ventes d'énergie russe à l'Europe, pour l'instant largement épargnées.
Au-delà des sanctions économiques, Jake Sullivan a promis "d'autres annonces d'assistance militaire supplémentaire dans les prochains jours" pour l'Ukraine, notant que les équipements pouvaient provenir des Etats-Unis eux-mêmes ou être acheminés depuis d'autres pays.
Les habitants de Kiev ayant fui appelés à ne pas y retourner «pour le moment»
Les habitants de Kiev ayant fui l'invasion russe ont été appelés lundi par le maire de la capitale ukrainienne Vitali Klitschko à ne pas y retourner avant "au moins une semaine", des bombardements russes pouvant encore, selon lui, s'y produire.
"Nous n'excluons pas la possibilité de tirs de roquettes. Oui, notre défense antiaérienne fonctionne parfaitement. Mais tout peut arriver. Je demande donc aux gens d'attendre pour le moment et de ne pas revenir", a-t-il dit dans un message sur Telegram.
"Le couvre-feu est (actuellement) en vigueur 24 heures sur 24 dans plusieurs zones de la région de Kiev. Dans les villes proches de la capitale, où les combats ont eu lieu, on trouve également un grand nombre d'engins explosifs. Ce qui peut constituer une grande menace", a par ailleurs déclaré le maire.
Il a évoqué des "systèmes de défense aérienne de longue portée, des systèmes d'artillerie et des système de défense côtière", sans donner plus de détails mais en assurant que déjà, les livraisons d'armes et de matériel à l'armée ukrainienne se déroulaient "à un rythme jamais vu."
En plus d'être économique et militaire, la réponse à la Russie doit aussi être judiciaire, estiment les Américains.
«Crimes de guerre»
"Nous devons rassembler les informations" et "nous devons avoir tous les détails" pour "avoir un procès pour crimes de guerre", a dit lundi Joe Biden, interrogé sur les événements à Boutcha.
"Vous vous souvenez peut-être que j'ai été critiqué pour avoir appelé Poutine un criminel de guerre. Hé bien la vérité (...) c'est qu'il est un criminel de guerre", a-t-il encore déclaré.
Jake Sullivan a indiqué que la Cour pénale internationale - dont les Etats-Unis ne font pas partie - était "l'un des lieux" où des crimes de guerre avaient été jugés mais a estimé qu'il existait aussi "d'autres mécanismes."
Le conseiller à la sécurité nationale a par ailleurs déclaré: "Nous avons vu des atrocités, nous avons vu des crimes de guerre, nous n'avons pas vu jusqu'ici un niveau d'attaque de la vie du peuple ukrainien qui atteigne le niveau du génocide. Mais c'est quelque chose que nous continuons à surveiller."
Le président ukrainien s'exprimera mardi devant le Conseil de sécurité de l'ONU
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, s'exprimera mardi lors d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU sur l'Ukraine, dominée par les récents événements à Boutcha, a annoncé lundi sur Twitter la mission diplomatique britannique qui préside en avril cette instance des Nations unies.
Interrogée, la mission n'a pas été en mesure de dire à ce stade si cette intervention par liaison vidéo, inédite à une réunion de l'ONU à New York depuis l'invasion russe du 24 février de l'Ukraine, serait en direct ou enregistrée à l'avance.
La session mardi du Conseil de sécurité était prévue de longue date avec notamment une participation du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lui accusé lundi les forces russes d'avoir commis des "crimes de guerre" qui seront "reconnus comme génocide".
Moscou a pour sa part démenti avoir tué des civils à Boutcha, le Kremlin et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov évoquant des "falsifications" et mises en scène à destination de la presse.