PARIS: Qu'a fait Salah Abdeslam jusqu'à son "exfiltration" en Belgique ? Au procès du 13-Novembre, un enquêteur a tenté de retracer lundi le parcours du seul membre encore en vie des commandos jihadistes dans les heures ayant suivi les attentats.
La chronologie "a son importance", insiste l'enquêteur de la brigade criminelle en déposant à la barre de la cour d'assises spéciale de Paris.
Elle commence dans son exposé le 13 novembre 2015 à "21H59", quand la voiture conduite par Salah Abdeslam jusqu'au Stade de France pour y déposer trois kamikazes, est abandonnée, portière ouverte et mal garée, sur une place du 18e arrondissement à Paris.
A cette heure-là, les explosions ont déjà retenti devant l'enceinte sportive, des terrasses de bars ont été mitraillées à l'est de Paris et le massacre au Bataclan a débuté douze minutes plus tôt.
Salah Abdeslam envisageait-il "autre chose" ? Le communiqué de revendication de l'organisation Etat islamique (EI) mentionne une attaque dans le 18e arrondissement de la capitale, et il est le seul membre des commandos à s'y être rendu.
Aurait-il pu viser le métro, comme le suggère un sous-dossier dans l'ordinateur déniché par la police belge près de l'une des planques de la cellule jihadiste après qu'elle a frappé Bruxelles le 22 mars 2016 ?
Salah Abdeslam n'ayant pas été "détecté" sur la vidéosurveillance, l'enquête n'a pas pu établir s'il avait pris le métro dans le 18e arrondissement, mais "il a pu y aller quand même", relève l'enquêteur, avant de poursuivre "l'emploi du temps" du principal accusé.
A 22H30, ce dernier active la puce téléphonique achetée dans un magasin, toujours dans le 18e arrondissement de Paris mais à plus d'un kilomètre du lieu où il a abandonné la voiture, et passe le premier d'une longue série d'appels pour qu'on vienne le chercher en France.
«Des barbares»
Son premier correspondant et coaccusé, Mohammed Amri, auprès duquel Salah Abdeslam aurait prétexté une "voiture accidentée", répond qu'il est au travail, au Samu social de Bruxelles, et indisponible, et lui donne le numéro d'Hamza Attou, également jugé à leurs côtés.
Mais ce dernier n'a ni voiture ni permis.
Après un "trou de trente minutes environ", le "bornage" de la ligne téléphonique de Salah Abdeslam permet de le situer après 23H00 à l'ouest de Paris, puis à Montrouge, au sud de la capitale, où son gilet explosif sera découvert dix jours après les attentats.
Aux environs de minuit, Salah Abdeslam est à Châtillon.
Il rappelle Mohammed Amri et a plusieurs échanges avec Hamza Attou, il contacte aussi un cousin dont il n'a pas de nouvelles depuis longtemps.
Il semble dans "une course contre la montre (...) pour se sortir du pétrin", fait valoir Me Negar Haeri, avocate de Mohammed Amri.
"Il cherche plusieurs solutions", convient l'enquêteur.
Salah Abdeslam va également passer trois heures dans une cage d'escalier avec deux adolescents. Il se présente à eux "comme Abdel, venant de Belgique", indique le policier de la brigade criminelle. Il explique avoir "eu un problème de voiture" et demande à se faire ouvrir la porte par un riverain pour attendre à l'abri après les attentats de Paris.
"Ce sont des barbares", commente l'un des adolescents sans que Salah Abdeslam n'aille "à l'encontre" de ses propos, souligne encore l'enquêteur.
A 5H30, Salah Abdeslam est "récupéré" à Châtillon par Mohammed Amri et Hamza Attou.
Le véhicule est contrôlé à trois reprises sur le trajet retour, et lors de l'un de ces contrôles, à 9H10, les identités des occupants sont vérifiées.
La voiture repart sans encombre. Les policiers ne feront le lien entre un véhicule abandonné près du Bataclan et Salah Abdeslam, nom qui figure sur le contrat de location, que vers 15H30 le 14 novembre 2015.
A leur arrivée en Belgique, Salah Abdeslam achète des vêtements, un téléphone, se rase la barbe et se coupe les cheveux. Il sera interpellé en Belgique le 18 mars 2016, après quatre mois de cavale.
Il sera interrogé une dernière fois le 13 avril, deux semaines après avoir fait usage de son droit au silence.
La veille, la cour entendra Mohammed Amri et Hamza Attou sur l'aide apportée au principal accusé.