Les journaux saoudiens peuvent-ils être sauvés?

Lors d'un événement marquant le 100e anniversaire d'Umm Al-Qura, le ministre des Médias par intérim du Royaume, le Dr Majid Al-Qasabi, a annoncé le lancement de cinq nouvelles initiatives ministérielles à l'audience (Photo, SPA).
Lors d'un événement marquant le 100e anniversaire d'Umm Al-Qura, le ministre des Médias par intérim du Royaume, le Dr Majid Al-Qasabi, a annoncé le lancement de cinq nouvelles initiatives ministérielles à l'audience (Photo, SPA).
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Publié le Mardi 05 avril 2022

Les journaux saoudiens peuvent-ils être sauvés?

  • La nouvelle initiative du ministère des Médias visant à permettre la transformation numérique de la presse locale a été accueillie avec scepticisme par la communauté journalistique
  • Les journaux du Royaume sont des entreprises privées et sont au bord de la faillite, de nombreux rédacteurs en chef blâment leurs propres PDG et consultants

LONDRES : À l'occasion d'un événement prestigieux marquant le centenaire d'Umm Al-Qura, le journal officiel de l'Arabie saoudite, le ministre par intérim des Médias du Royaume, le Dr Majid Al-Qassabi, a annoncé le lancement de cinq nouvelles initiatives ministérielles devant un public comprenant de hauts fonctionnaires, des universitaires et, naturellement, un grand nombre de journalistes.

Ces initiatives prévoient la création d'un centre national d'archives des médias saoudiens et d'un musée des médias saoudiens, l'organisation d'un forum des médias Umm Al-Qura tous les deux ans, le lancement d'un « Médiathon » en partenariat avec la société nationale de télécommunications STC, dont l'objectif est de proposer des idées novatrices pour les médias de demain et, enfin et surtout, le lancement de la deuxième phase du Programme de soutien et d'aide à la transformation numérique des journaux saoudiens.

L'annonce d'un programme de soutien aux journaux en Arabie saoudite a été le point culminant de la soirée pour les nombreux journalistes présents. Les réactions ont été partagées entre ceux qui ont exprimé leur soulagement face à un plan qu'ils attendaient depuis des années, et ceux qui étaient sceptiques, affirmant qu'il s'agissait d'une nouvelle tentative ratée d'une mission que presque tous les ministres des Médias ont tentée ces dernières années.

« Si quelqu'un peut le faire (sauver les journaux saoudiens), c'est certainement Al-Qassabi », a déclaré à Arab News un journaliste présent à l'événement.

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Lors d'un événement marquant le centenaire d'Umm Al-Qura, le ministre par intérim des médias du Royaume, le Dr Majid Al-Qasabi, a annoncé au public le lancement de cinq nouvelles initiatives ministérielles. (SPA)

Al-Qassabi occupe ce poste depuis 2020, ainsi que celui de ministre du Commerce du Royaume. L'une de ses premières déclarations à sa prise de fonction a été de déclarer à ses collègues du ministère : « Vos performances n'ont pas été satisfaisantes ».

Quelques mois plus tard, il s'est arrangé pour rencontrer virtuellement les éditeurs de journaux locaux, écouter leurs difficultés financières et promettre d'étudier la possibilité d'un plan de sauvetage.

Al-Qassabi est réputé pour être un fonctionnaire expérimenté, digne de confiance et influent au sein de la Cour royale, à tel point que de nombreux employés juniors le qualifient de « ministre des ministres ». Outre les portefeuilles du commerce et des médias, il est également à la tête de plusieurs comités et s'occupe de dizaines de missions cruciales liées au gouvernement. 

Toutefois, la question du sauvetage des journaux saoudiens est un sujet controversé dans le Royaume depuis l'effondrement des prix du pétrole en 2015, qui a eu un effet négatif sur la publicité et les abonnements du gouvernement et des entreprises.

Les principales sources de revenu des quotidiens locaux ont été mises à mal, ce qui a accéléré leur déclin, en phase avec la tendance mondiale de l'époque, où des entreprises de presse mettaient la clé sous la porte chaque jour dans presque tous les pays en raison de l'impact de la révolution numérique.

Depuis, tous les ministres des Médias qui ont été nommés ont tenté de lancer des initiatives pour sauver le secteur, mais aucune n'a réussi et plusieurs journaux du Royaume ont dû soit licencier des employés, soit retarder ou réduire les salaires, soit cesser complètement d'imprimer.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, à l'exception du journal gouvernemental Umm Al-Qura, tous les autres journaux du Royaume sont des entreprises privées et ne reçoivent aucune aide financière du gouvernement.

Cela signifie − comme l'a déclaré dans une chronique controversée d'octobre 2021 le rédacteur en chef de longue date du journal Al-Jazirah basé à Riyad, Khalid Al-Malik − que l'Arabie saoudite risque de voir arriver « dans un avenir proche, un jour où nous n'aurons plus de journalisme ni d'établissements journalistiques ».

Al-Malik, qui est également président du conseil d'administration de l'Association saoudienne des journalistes − ce qui ressemble le plus à un syndicat de journalistes dans le royaume − a critiqué l'hésitation à trouver ce qu'il a décrit comme une « feuille de route pour sauver les journaux saoudiens ».

« Nous n'avons pas perdu et ne perdrons jamais l'espoir que le soutien aux établissements de presse arrivera », a-t-il écrit, ajoutant qu'il est convaincu que « le roi Salmane et le prince héritier Mohammed ben Salmane n'accepteront jamais la mort de notre journalisme... ou que les reporters et les chroniqueurs disparaissent de la scène médiatique au vu d'une crise mondiale de la presse à laquelle pas un seul pays n'a survécu ».

Les entités gouvernementales n'apprécient le rôle des médias que lorsqu'ils les louent gratuitement. Mais lorsqu'ils les critiquent, ils finissent par refuser la publicité des journaux, les limiter par des poursuites judiciaires et ne pas répondre aux demandes de renseignements.

Mowafaq Al-Nowaiser, rédacteur en chef du journal Makkah

Les demandes répétées d'Al-Malik et d'autres rédacteurs en chef de journaux importants pour un renflouement du gouvernement ont été rejetées par Abdelaziz Khoja, ancien ministre des médias et diplomate, qui a demandé aux journalistes « d'arrêter de mendier », dans une interview télévisée largement partagée.

Le point de vue de Khoja est représentatif d'une autre faction de conseillers du gouvernement qui estiment que, puisque la majorité des journaux sont des entreprises privées, les règles du marché libre doivent s'y appliquer ; et que s'ils ne sont pas en mesure de réaliser de bénéfices, ils doivent simplement sortir du marché.

 

Ce point de vue est conforté par le fait que, sans la mauvaise gestion des entreprises de médias saoudiennes au cours des dernières années, les journaux seraient aujourd'hui dans une situation plus favorable et plus résiliente.

Dans le secteur de la presse saoudienne, le terme « direction » fait généralement référence aux PDG ou aux directeurs généraux qui prennent les décisions financières, commerciales et administratives, tandis que les rédacteurs en chef se limitent à prendre des décisions éditoriales et sont responsables de la portée et de l'influence.

Selon Mowafaq Al-Nowaiser, rédacteur en chef du journal Makkah, un problème courant est que les PDG arrivent souvent sans aucune expérience des médias ni aucune compréhension des exigences du journalisme.

« Les murs des établissements de presse sont bas, de sorte que même un inconnu peut les escalader et jeter ses déchets dans la cour du journal », a-t-il écrit dans une chronique sur le sujet en février dernier.

Dans son article, Al-Nowaiser a tenté de démontrer en partie pourquoi les journaux du Royaume sont passés de la rentabilité à la faillite au cours de la dernière décennie.

Il explique que les journaux saoudiens ont connu leur âge d'or au cours des trois décennies qui ont précédé 2012 en raison de la « grande taille du gâteau publicitaire qui rapportait des bénéfices annuels à sept ou huit chiffres ».

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Il reproche à la direction des entreprises d'avoir pris de mauvaises décisions et d'avoir dépensé inutilement pour tout, hormis le contenu, dans ce qu'il décrit comme des « investissements cosmétiques » tels que l'impression en couleur et le papier glacé.

De nombreux collègues d'Al-Nowaiser partagent son point de vue cynique sur la gestion des journaux saoudiens, estimant qu'ils sont la principale raison de leur destruction.

« Nous avons un cas avéré et transparent d'une entreprise de médias où les hauts responsables de la direction reçoivent des salaires et des primes comparables à ceux d'Aramco, la plus grande entreprise de production de pétrole au monde », a déclaré un rédacteur en chef de longue date, également membre de l'Association saoudienne des journalistes (SAJ).

« Les membres du conseil d'administration et les cadres dirigeants rémunérés de manière disproportionnée étaient et restent un problème courant dans les entreprises de médias saoudiennes, car ces mêmes cadres sont les premiers à réduire les budgets des rédacteurs et des journalistes, alors qu'ils dépensent des sommes sans fond dans des cabinets de conseil en stratégie et en gestion », a-t-il ajouté.

Dans la plupart des cas, ces consultants ont l'habitude de convaincre les conseils d'administration de stratégies recyclées qui ne fonctionnent pas. Le membre du SAJ avec lequel Arab News s'est entretenu a expliqué que sa pire crainte est que ces mêmes consultants et cadres supérieurs des entreprises médiatiques finissent par devenir des conseillers du ministère des Médias pour aider à sauver l'industrie.

« Ce serait désastreux, ce que nous obtenons souvent après avoir déversé des millions sur des consultants est une stratégie de réseaux sociaux glorifiée au lieu d'une stratégie pour sauver le journal », a-t-il ajouté.

« En d'autres termes, les entreprises de presse paient une fortune à des consultants en gestion et à leurs propres cadres pour créer une stratégie qui ne fera que rapporter de l'argent à des entreprises comme Facebook, Twitter et Google, qui sont la source du problème des journaux aujourd'hui ».

De tels arguments ne font que pousser les factions réticentes du gouvernement à intervenir pour sauver l'industrie de la presse, car elles craignent qu'avec une telle gestion à la tête des entreprises de médias, peu importe l'argent versé, le retour sur investissement ne sera que des solutions de rafistolage immédiates et le problème ressurgira dans quelques années.

Pour Al-Nowaiser, le problème est bien plus compliqué. Pour commencer, il pense qu’il n’y a pas suffisamment de personnes − que ce soit au sein du gouvernement ou du secteur privé − qui savent de quoi elles parlent, ou même ce que signifie la « transformation numérique » pour l'industrie de la presse alors que presque tous les journaux saoudiens ont déjà des sites web, des comptes sur les réseaux sociaux, des vidéos et des podcasts.

« Le terme (transformation numérique) est apparu il y a 10 ans, mais personne n'y a prêté attention. Cependant, lorsqu'il est revenu sur le tapis avec les réformes que connaît le Royaume, il est devenu une demande publique et officielle », écrit-il, estimant que peu de personnes sur la scène médiatique actuelle comprennent réellement ce que cela signifie.

« Je suis presque certain que si vous demandez à 100 acteurs différents en lien avec les médias, qu'il s'agisse de rédacteurs en chef, de directeurs généraux, de membres de conseils d'administration, de propriétaires, de fonctionnaires, de professionnels ou d'universitaires, ce qu'est le concept de transformation numérique, il sera impossible de trouver un consensus ne serait-ce que parmi 10 d'entre eux », conclut-il dans son article de février.

En quoi consiste exactement l'initiative du ministère des Médias visant à soutenir et à permettre la transformation numérique des journaux saoudiens ?

Arab News a tenté de contacter le Dr Abdullah Al-Maghlooth, porte-parole officiel du ministère des Médias, mais n'a reçu aucun commentaire ni explication.

« J'aurais aimé qu'il y ait plus d'explications de la part du ministère ou du centre de communication du gouvernement », a déclaré Al-Nowaiser à Arab News, ajoutant qu'il est notable qu'en tant que rédacteur en chef de journal lui-même, il ignore tout des détails de ce programme.

« Par exemple, l'initiative indique qu'il s'agit de la deuxième phase du programme, ici je ne peux m'empêcher de demander : quels sont les éléments de la première phase qui ont été achevés et qui nous ont fait passer à la deuxième phase ? »

Cependant, pour Faisal J. Abbas, rédacteur en chef d'Arab News, discuter de la transformation numérique avant de parler des droits et des responsabilités des journalistes, d'une loi sur la liberté d'information convenue et de la mise à jour du cadre juridique et des directives gouvernementales sur les médias reviendrait à mettre « la charrue devant les bœufs ».

« La vérité de la question est que nous sommes dans l'industrie du contenu. Nous pouvons parler longuement de la transformation numérique et des plateformes, mais ce ne sont que des moyens pour atteindre une fin. La fin est le contenu ou l'information que nous produisons, et ce dont nous avons désespérément besoin de la part du ministère des Médias et du gouvernement dans son ensemble, c'est plus d'accès et davantage de transparence afin que nous puissions produire du contenu plus pertinent et plus utile pour notre public », a-t-il ajouté.

Dans une récente interview accordée à The Atlantic, le prince héritier Mohammed ben Salmane a indiqué qu'il souhaitait que les médias du Royaume défient davantage le gouvernement.

« Je crois que les médias saoudiens devraient critiquer le travail du gouvernement, les plans du gouvernement, peu importe, car c'est sain », avait-il déclaré au magazine américain.

Toutefois, il semble que pour que le journalisme renaisse dans le Royaume, il va falloir un important coup de pouce. La plupart des journalistes avec lesquels Arab News s'est entretenu ont déclaré que l'argent était important, mais que le plus important était d'avoir des responsables gouvernementaux qui comprennent les médias et leur fonctionnement, ainsi que des dirigeants d'entreprises médiatiques qui ont une expérience réelle de la gestion des entreprises médiatiques.

Ce dont nous avons désespérément besoin de la part du ministère des Médias, et du gouvernement dans son ensemble, c'est plus d'accès et davantage de transparence afin que nous puissions produire du contenu plus pertinent et plus utile pour nos lecteurs.

Faisal J. Abbas, Rédacteur en chef d'Arab News

Le 19 mars, Al-Nowaiser a signé une autre chronique intitulée « Nos ministères ont-ils autant confiance en nos médias que le prince héritier ? »

Il y explique comment la plupart des entités gouvernementales « n'apprécient le rôle des médias que lorsqu'ils les louent gratuitement ». Cependant, lorsque les journalistes font leur travail et sont critiques, alors ces entités gouvernementales finissent par « leur refuser leur part de publicité, limiter leur autorité par des poursuites judiciaires, ne pas répondre aux demandes de renseignements et les renvoyer au centre de communication du gouvernement ».

« Pour être honnête, sans accès à l'information, vous ne pouvez vraiment pas construire un organe de presse réussi », a ajouté Abbas.

« Si vous considérez le succès de gros sites comme WikiLeaks, BuzzFeed ou même d'un site aussi simple que Craigslist, vous vous rendrez compte que tout réside dans le contenu et non dans la transformation numérique, le design ou les applications. »

« Bien sûr, des dettes doivent être payées et une restructuration des entreprises de médias est nécessaire. Peut-être que le secteur devrait également envisager quelques fusions et acquisitions. Cependant, si tout ce que nous obtiendrons, ce sont différentes plateformes qui copient et collent toutes le même contenu posté sur l'Agence de presse saoudienne, alors pourquoi se donner la peine ? »

De leur côté, d'autres journalistes ont déclaré à Arab News qu'il était bon qu'une partie de l'initiative du ministère consiste à construire un musée, « car si cette nouvelle initiative ministérielle pour la transformation numérique ne fonctionne pas, c'est là que toutes les marques de journaux d'Arabie saoudite finiront », a déclaré un journaliste en faisant défiler son interminable fil Twitter. 

* Tarek Ali Ahmad est le chef de l'unité de recherche et d'études d’Arab News et co-auteur de deux rapports sur le sujet : « Le mythe de la transformation numérique » et « Sauvez la presse ».

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Jean Paul Gaultier nomme Ameni Esseibi première ambassadrice régionale de sa gamme de parfums

Ameni Esseibi, considérée comme la première mannequin grande taille au Moyen-Orient (Photo,  fournie)
Ameni Esseibi, considérée comme la première mannequin grande taille au Moyen-Orient (Photo, fournie)
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  • «Jean Paul Gaultier est plus qu’une marque pour moi», affirme-t-elle dans un communiqué
  • Ameni Esseibi a fait ses débuts internationaux en septembre 2022 en défilant pour la marque française Victor Weinsanto lors de la Fashion Week de Paris

DUBAÏ: La marque de luxe française Jean Paul Gaultier a annoncé que la mannequin tunisienne Ameni Esseibi a été nommée pour la première fois ambassadrice régionale de la gamme de parfums de la marque.

Ameni Esseibi, considérée comme la première mannequin grande taille au Moyen-Orient, a présenté le parfum emblématique Scandal de la marque dans les images de campagne, en portant divers ensembles.

Parmi ces ensembles figurait une robe bleue moulante ornée de motifs floraux roses. Sur un autre cliché, elle est vêtue d’une combinaison de la même couleur, avec des imprimés géométriques jaunes, orange, violets et roses.

Elle a également revêtu une robe noire ainsi qu’une robetransparente beige et or superposée sur une simple base noire.

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Ameni Esseibi a présenté le parfum emblématique Scandal de la marque dans les images de campagne. (Photo fournie)

«Jean Paul Gaultier est plus qu’une marque pour moi», affirme-t-elle dans un communiqué. «C’est un peu comme une famille. Son identité incarne tout ce que je représente: la rébellion, la force, l’audace, l’intrépidité, la sensualité et une touche de scandale.»

«En grandissant, le parfum préféré de ma mère était de la marque Jean Paul Gaultier, ce qui en fait un élément précieux de ma vie. Je suis très honorée d’entrer dans l’Histoire en tant que première ambassadrice arabe dans la région et cette marque fera toujours partie intégrante de ma carrière», ajoute-t-elle.

Ameni Esseibi a fait ses débuts internationaux en septembre 2022 en défilant pour la marque française Victor Weinsanto lors de la Fashion Week de Paris.

Elle a ensuite travaillé avec plusieurs marques réputées, dont H&M, et elle a figuré dans les pages de nombreuses publications.

En 2022, l’Arab Fashion Council, une organisation à but non lucratif représentant l’industrie de la mode au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, a nommé la mannequin basée à Dubaï comme ambassadrice.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Algérie: entre hockey et croquet, un jeu traditionnel pour fêter le printemps

Dans les montagnes du nord de l'Algérie, l'arrivée du printemps vient d'être fêtée avec le "thakourth", un jeu traditionnel, mélange de hockey sur gazon et de croquet, qui sert aussi à résoudre les conflits dans les villages berbères (Photo, AFP).
Dans les montagnes du nord de l'Algérie, l'arrivée du printemps vient d'être fêtée avec le "thakourth", un jeu traditionnel, mélange de hockey sur gazon et de croquet, qui sert aussi à résoudre les conflits dans les villages berbères (Photo, AFP).
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  • Ce jeu qui remonterait à l'Antiquité existe avec des variantes dans toute l'Afrique du nord, du Maroc jusqu'à la Libye
  • Il a aussi une connotation religieuse et la prière de la «Fatiha» est récitée avant chaque partie

BLIDA: Dans les montagnes du nord de l'Algérie, l'arrivée du printemps vient d'être fêtée avec le "thakourth", un jeu traditionnel, mélange de hockey sur gazon et de croquet, qui sert aussi à résoudre les conflits dans les villages berbères.

"Nous l'avons hérité de nos ancêtres, il y a longtemps. Il est pratiqué par nos tribus berbères. Nous y jouons chaque année à l'arrivée du printemps, sept fois pendant le mois de mai", raconte fièrement à l'AFP Ahmed Yettou, 22 ans, un jeune villageois.

Il se joue avec le "medjghaf", mot berbère pour désigner la crosse en bois et une balle ("thakourth") balle taillée dans le bois dur de bruyère.

Ce jeu qui remonterait à l'Antiquité existe avec des variantes dans toute l'Afrique du nord, du Maroc jusqu'à la Libye. Il a aussi une connotation religieuse et la prière de la "Fatiha" est récitée avant chaque partie.

"Ce jeu, nous l'avons appris de nos pères et grands-pères dès notre enfance. Aujourd'hui nous cherchons à le faire connaître à la nouvelle génération", confie Rabeh Zaghmim, 68 ans, un joueur de thakourth.

Extension de la nature 

"Nous préparons manuellement les +Medjghaf+, ces bâtons utilisés pour jouer (de taille différente) selon les âges et (qui restent) légers afin que tout le monde puisse jouer confortablement. Si Dieu le veut, eux (les jeunes) et leurs proches continueront à s'entraîner et à jouer", explique M. Zaghmim.

"Nous préférons les petits troncs car ils sont faciles à manipuler, contrairement aux grands", explique Omar Darbal, 50 ans, un autre joueur, qui fabrique "six ou sept balles (par saison) selon le nombre de semaines de jeu".

Le but du jeu, qui se pratique avec une équipe se trouvant à l'est d'un terrain et l'autre à l'ouest, est de ramener la balle dans le camp adverse. Il exige une grande force physique pour courir et frapper fort avec le "Medjghaf" dans la balle en bois.

Le contact direct est interdit mais il est possible de frapper la crosse de l'adversaire. Si un joueur parvient à faire s'envoler la balle et à l'attraper pour l'envoyer dans le camp adverse, son équipe marque le point. Ainsi de suite jusqu'au score de sept points.

"Ce jeu est une extension de la nature, il symbolise l'accueil et la joie à l'arrivée du printemps", souligne l’historienne et chercheuse en patrimoine, Radhia Beljedoui.

Le jeu peut aussi servir à résoudre des problèmes entre des gens "qui passent parfois un an sans se voir", souligne Omar Hamadouch, 76 ans.


Le film Everybody Loves Touda, présenté à Cannes, est un brillant exemple du travail de Nabil Ayouch

Le film Everybody Loves Touda, réalisé par Nabil Ayouch et projeté dans le cadre du festival de Cannes, raconte l’histoire d’une mère célibataire (Photo, fournie).
Le film Everybody Loves Touda, réalisé par Nabil Ayouch et projeté dans le cadre du festival de Cannes, raconte l’histoire d’une mère célibataire (Photo, fournie).
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  • La projection du film s’est terminée par une standing ovation
  • Comme les autres films de Nabil Ayouch, Everybody Loves Touda fait preuve d’un réalisme fascinant qui peut parfois sembler un peu trop dur

CANNES: Le film Everybody Loves Touda, réalisé par Nabil Ayouch et projeté dans le cadre du festival de Cannes, raconte l’histoire d’une mère célibataire, Touda (Nisrin Erradi), qui estime que «tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir».

Dans la petite ville dans laquelle elle habite, elle apporte de la musique et de la gaieté, et ses danses répandent la bonne humeur parmi son public. Cependant, elle fait bientôt l'objet d'une attention non désirée.

La projection du film s’est terminée par une standing ovation et la quatrième participation de M. Ayouch au festival a semblé susciter bien plus d'intérêt de la part du public que les années précédentes. En 2012, son drame Les Chevaux de Dieu, acclamé par la critique, a été présenté dans la section «Un certain regard», deuxième en importance après la compétition principale et largement considérée comme une plate-forme pour le cinéma expérimental. Mais Nabil Ayouch a également présenté un film dans la section «En compétition» pour la très convoitée Palme d’or : sorti en 2021, son long-métrage Haut et Fort, le premier film marocain depuis 1962 à concourir pour cette distinction, a fait sensation.

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Maryam Touzani et Nabil Ayouch lors de la séance photo du film Everybody Loves Touda au 77e festival de Cannes. (Getty Images)

Comme les autres films de Nabil Ayouch, Everybody Loves Touda fait preuve d’un réalisme fascinant qui peut parfois sembler un peu trop dur. Bien que M. Ayouch ait écrit le scénario avec Maryam Touzani (Le Bleu du caftan), afin probablement d’adoucir son histoire, Touda se caractérise par une détermination exceptionnelle. Cherchant à s’installer à Casablanca, où son fils sourd aurait une meilleure scolarité et où elle pourrait elle-même trouver de meilleures opportunités, Touda se met à chanter dans les boîtes de nuit des villages, supportant avec un sourire le regard lubrique des hommes ivres d’illusion.

Ce n’est pas la première fois que Nabil Ayouch dépeint les femmes dans des situations aussi précaires. Son film Whatever Lola Wants, sorti en 2008, raconte les épreuves d’une employée des postes à New York qui rêve de devenir danseuse orientale en Égypte. Quant à Much Loved (qui a été présenté dans la section «La Quinzaine des cinéastes»), il a déclenché un tollé en raison de son exploration de la prostitution au Maroc.

La musique du film, composée par Flemming Nordkrog, est très entraînante, mais Touda chante aussi des chansons folkloriques sur la libération et sur d’autres formes de droits de la femme. La performance captivante de l’actrice fait briller le récit: Nisrin Erradi a une présence remarquable à l’écran, ce qui rend le film particulièrement agréable à regarder.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com