ANKARA: Les Russes qui cherchent à contourner les sanctions occidentales et les Ukrainiens qui tentent de fuir la guerre sont à l'origine d'un essor de l’immobilier en Turquie, les prix dans certaines régions ayant plus que triplé ces dernières semaines.
Dans le cadre des sanctions imposées à la Russie, plusieurs banques du pays ont été exclues du système de messagerie Swift. Des oligarques proches du président Vladimir Poutine ont également été visés.
La Turquie n’est cependant pas associée aux sanctions financières occidentales, et n'a pas interrompu ses vols directs avec la Russie. Les Russes peuvent donc se construire une nouvelle vie en Turquie, avec leur argent, leur or et leurs cryptomonnaies.
Après les Iraniens et les Irakiens, les Russes sont les troisièmes acheteurs de propriétés turques. Selon les chiffres officiels, rien qu'en février, ils ont acheté 509 maisons, doublant presque le chiffre lors de la même période l'année dernière. Les Ukrainiens ont acheté 111 propriétés au cours du même mois.
Cette flambée d'intérêt pour l’immobilier a été signalée par le site Web immobilier turc Emlakjet.com. «Les demandes effectuées par les Russes ont augmenté de 61 % par rapport au mois précédent», affirme son PDG Tolga Idikat à Arab News.
«Le plus grand nombre de demandes d’immobilier par les Ukrainiens a eu lieu en février, lorsque la crise politique a atteint son apogée. Leur demande est principalement concentrée sur la station balnéaire d’Antalya, sur la Méditerranée, les Ukrainiens préférant les villas et les maisons individuelles», précise Idikat.
Le nombre de demandes effectuées par les Russes en mars a plus que doublé d'une année à l'autre, tandis que celles effectuées par des Ukrainiens ont augmenté de 30%, selon Ie PDG d’ Emlakjet.com.
L'augmentation de la demande a fait tripler les prix, qui sont désormais fixés en euros, les agents immobiliers prévoyant une pénurie de l'offre dans les mois à venir, ajoute-t-il. «Le nombre de maisons disponibles ne peut pas répondre à la demande, qui augmente de jour en jour. L'avantage dont bénéficient les investisseurs étrangers sur le niveau de la monnaie fait également monter les prix.»
Contrairement aux Russes, qui souhaitent essentiellement vivre en Turquie, les Ukrainiens recherchent des contrats à court terme, généralement pour environ trois ou quatre mois, car ils s'attendent à rentrer chez eux après la guerre, explique Tolga Idikat.
Les destinations préférées des Russes sont Istanbul, Antalya, la ville d'Izmir, située à l’ouest, et la ville de Bursa, au nord-ouest. Ils recherchent des biens à acheter et à louer. Selon la loi turque, les Russes qui achètent une propriété d'une valeur de 250 000 dollars (environ 226 000 euros) et la conservent pendant au moins trois ans ont droit à un passeport turc. La chute de la livre turque attire également les acheteurs.
Actuellement, 30 000 Russes et 9 000 Ukrainiens vivent à Antalya, principalement dans les districts de Konyaalti et Manavgat.
En réponse à la flambée de la demande, plusieurs sites Web immobiliers, dont Emlakjet, font désormais la promotion de leurs propriétés directement auprès des acheteurs russes. «Bien que nous n'ayons pas encore fait de propositions particulières à l’intention des demandeurs de logement russes et ukrainiens, certains de nos collègues ont commencé à diffuser des annonces en russe», note Idikat.
La flambée des prix des logements est une aubaine pour la Turquie, qui pourrait perdre une partie de ses revenus touristiques à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Le tourisme représente environ 3,8% du PIB du pays, et plus d'un quart de l’ensemble des visiteurs l'année dernière venaient de Russie (4,7 millions) et d'Ukraine (2,1 millions).
«La Turquie est très exposée aux chocs économiques causés par l'invasion de l'Ukraine par la Russie», soutient à Arab News Robert Mogielnicki, chercheur résident à l'Arab Gulf States Institute à Washington. Ainsi, une relance à court terme des marchés immobiliers pourrait aider à amortir cette phase économique difficile, conclut-il.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com