BEYROUTH: La crise du blé au Liban est exacerbée par la lenteur de la bureaucratie alors que le prix des céréales continue de monter en flèche, selon un haut responsable.
Il y a plus de deux semaines, le Conseil des ministres a accordé à la Direction générale des céréales et des betteraves sucrières une avance de 36 milliards de livres libanaises (1 livre libanaise = 0,00059 euro) pour acheter 50 000 tonnes de blé. Cette quantité aurait été suffisante pour répondre aux besoins du pays pendant un mois. Mais l'avance n'a jamais été reçue car aucun décret n'a été émis.
«Comme aucun décret n'a été publié afin de permettre à la direction générale des céréales et des betteraves sucrières de demander à la banque centrale de convertir les 36 milliards de livres libanaises en dollars, le ministre de l'économie a eu recours à une demande d'approbation exceptionnelle du Conseil des ministres, qui s'est réuni mercredi pour obtenir un montant supplémentaire», a indiqué Georges Berbari, directeur général de la direction.
«Les démarches administratives pour le processus d’achat de blé prennent beaucoup de temps. Pendant ce temps, les prix à l’échelle internationale ne cessent d’augmenter. Le montant alloué il y a deux semaines pour acheter 50 000 tonnes de blé, est maintenant insuffisant», a-t-il expliqué.
«La situation est très stressante dans un contexte de diminution des stocks de blé. Le plus important à présent est d'obtenir rapidement n'importe quel montant, même s’il n’assurera que 30 000 ou 40 000 tonnes de blé.»
Selon Ahmed Hoteit, président de l'Association des moulins du Liban, «la crise ukrainienne a commencé à avoir des répercussions sur le Liban. Les cargaisons de blé pourraient arriver la semaine prochaine à des prix plus élevés, et compte tenu de la forte demande, le pays qui paie le plus obtient sûrement le blé. Nous avons demandé au Premier ministre, Najib Mikati, et à la banque centrale de ne pas tarder à octroyer les crédits.»
Le Liban consomme environ 600 000 tonnes de blé par an, dont 80% sont importés de pays comme l'Ukraine et la Russie. Il est confronté en parallèle à une grave crise financière, poussant l'État à lever progressivement les subventions sur des dizaines de produits vitaux, comme le carburant, les médicaments et la farine.
Malgré ces problèmes, le ministre de l'Agriculture, Abbas Hajj Hassan, rejette les allégations selon lesquelles le pays est confronté à une crise de blé.
«Le ministre de l'Économie s’est adressé aux États-Unis, au Canada, à l'Australie, à l'Inde et à d'autres marchés dans le but d’importer du blé», a-t-il souligné.
«Nous attendons que la banque centrale ouvre des crédits, et le département de recherche agricole du ministère dispose d'entrepôts prêts pour le stockage de blé.»
Les silos du port de Beyrouth étaient traditionnellement utilisés pour stocker le blé et les céréales du Liban, mais ils ont été détruits par une explosion en août 2020. Puisqu’une installation de stockage alternative n'a pas encore été trouvée, le blé importé est maintenant transféré directement du port aux moulins.
Hoteit a également signalé qu'il s'attendait à ce que le prix d'un sac de pain augmente en fonction de l'augmentation du coût du blé importé et dans le cas où les subventions sur la farine seraient complètement levées.
En plein effondrement économique aggravé par une faible protection sociale, la crise du pain figure parmi les nombreux problèmes auxquels est confronté le peuple libanais. Même le projet de loi sur le contrôle des capitaux, censé protéger ce qui reste de l'argent des citoyens dans les banques, est devenu l’objet d'un bras de fer politique.
Les commissions parlementaires ont retiré le projet de loi de l'ordre du jour mardi après que de nombreux députés l'aient rejeté.
Pendant ce temps, une délégation du Fonds monétaire international dirigée par Ernesto Ramirez, chef de mission du FMI pour le Pakistan, le Moyen-Orient et l'Asie centrale, est actuellement à Beyrouth en attendant de conclure les négociations avec le Liban.
«Nous espérons qu’après deux semaines de discussions, un accord préliminaire sera enfin conclu», a déclaré à l'AFP le vice-Premier ministre, Saadé Chami, qui dirige la délégation libanaise auprès du FMI.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com