LONDRES: Un refus obstiné des césariennes, une absence de soins adéquats et pour résultat les décès de plus de 200 bébés qui auraient pu être évités sur deux décennies: l'ampleur du scandale frappant des maternités anglaises a conduit le gouvernement britannique à s'excuser mercredi.
Après cinq ans d'enquête, le rapport sur les pratiques du centre hospitalier public de Shrewsbury et Telford, qui gère plusieurs maternités dans cette région rurale de l'ouest de l'Angleterre, tire des conclusions accablantes.
Il affirme que 201 bébés auraient pu vivre s'ils avaient reçu de meilleurs soins dans les établissements concernés.
Neuf mères ont également perdu la vie en raison de mauvais traitements tandis que d'autres ont été forcées d'accoucher de manière naturelle alors qu'elles auraient dû se voir proposer une césarienne.
« Je suis désolé pour toutes les familles qui ont gravement souffert », a réagi devant les députés le ministre britannique de la Santé Sajid Javid.
Le rapport, a-t-il reconnu, « montre clairement que vous n'avez pas été traitées comme il le fallait par un service qui était là pour vous aider, vous et vos proches, à donner la vie ».
Le rapport de 250 pages relève notamment des cas de nouveaux-nés avec des fractures au crâne, des os cassés et des problèmes cérébraux après avoir manqué d'oxygène au moment de la naissance.
Des manquements « significatifs ou majeurs » ont par ailleurs été observés dans un quart des 498 cas de bébés morts-nés étudiés. Dans 40% des cas, aucune enquête interne à l'hôpital n'a été réalisée.
L'hôpital « n'est pas parvenu à enquêter (sur les incidents), à apprendre (de ses erreurs), à s'améliorer », a affirmé lors d'une conférence de presse Donna Ockenden, qui a dirigé l'enquête.
A l'origine des plaintes, Richard Stanton et Rhiannon Davies, dont la fille Kate est morte quelques heures après sa naissance en 2009. Selon le rapport, Mme Davies n'avait pas été mise en observation au moment de son accouchement quand bien même plusieurs signes indiquaient que le bébé à naître n'était pas en parfaite santé.
Kayleigh Griffith, dont la fille Pippa est décédée au lendemain de sa naissance en 2016 alors que les soignants avait été informés de symptômes inquiétants, a estimé que les manquements de l'hôpital étaient « une honte ».
« C'est vraiment important que les services de maternité lisent ce rapport partout dans le pays et entendent ce qu'ont traversé les familles », a-t-elle affirmé dans les médias britanniques.
Politique anti-césarienne
Commandé en 2017 et publié mercredi matin, le rapport s'est intéressé à 1 592 incidents rapportés pour la plupart entre 2000 et 2019, impliquant 1 486 familles ayant fréquenté le groupement hospitalier.
Le député Jeremy Hunt, qui l'avait commandé pour se pencher, initialement, sur 23 cas de manquements présumés, a affirmé que les conclusions de l'enquête étaient « pires » que ce qu'il aurait pu imaginer.
Selon le rapport, le groupe hospitalier, dont la directrice Louise Barnett a présenté ses excuses, poussait aux accouchement naturels pour garder son taux de césariennes le plus bas possible, n'y recourant qu'en de trop rares occasions.
« Quand on s'inquiétait, par exemple pour le rythme cardiaque d'un bébé, ils essayaient encore et encore (d'éviter la césarienne) jusqu'à ce que le bébé soit très mal (...) parce qu'ils disaient qu'ils voulaient garder le taux de césariennes bas », témoigne un employé dans le rapport.
Le taux de césariennes pratiquées ces vingt dernières années dans l'hôpital était systématiquement entre 8 et 12 points sous la moyenne anglaise, se dont se félicitait l'hôpital.
« Le groupe était persuadé que son service de maternité était bon. Ils avaient tort », a asséné Mme Ockenden.
Selon les données du National Health Service (NHS, le système de santé britannique), une naissance sur quatre est réalisée par césarienne au Royaume-Uni.
Il a fallu attendre 2017 pour que le syndicat des sages-femmes mette fin à sa campagne encourageant les « naissances naturelles » sans césarienne ni même péridurale, et le début de cette année pour que le NHS demande aux hôpitaux de cesser d'utiliser le taux de césariennes comme indicateur de leur performance.