KABOUL: L'investissement en Afghanistan devrait occuper une place importante dans l'ordre du jour de la prochaine réunion entre les ministres des Affaires étrangères des pays voisins de l'Afghanistan: c’est ce qu’ont déclaré des experts mardi dernier, alors que le principal envoyé des talibans devrait participer à la session en Chine.
La troisième réunion des ministres des Affaires étrangères des pays voisins de l'Afghanistan – le Pakistan, l’Iran, la Russie, le Tadjikistan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan – se tiendra à Tunxi, dans la province d'Anhui, à l'est de la Chine, mercredi et jeudi.
La participation du ministre afghan des Affaires étrangères, Amir Khan Mouttaki, a été confirmée lors du déplacement surprise, la semaine dernière, de son homologue chinois, Wang Yi, à Kaboul. Il s'agit de la visite de plus haut niveau d'un responsable chinois depuis que les talibans ont pris le contrôle de l'Afghanistan au mois d’août dernier.
Le ministère des Affaires étrangères afghan indique dans un communiqué publié à l'issue du voyage de Wang que ce dernier et Mouttaki ont évoqué le développement des liens économiques et des investissements en Afghanistan.
La Chine pourrait devenir la première grande puissance à entreprendre des projets à grande échelle en Afghanistan, ce pays qui connaît une crise financière et humanitaire depuis le départ des forces étrangères dirigées par les États-Unis et la prise du pouvoir par les talibans.
«Les talibans attendent ardemment les investissements de la Chine dans les mines, notamment la mine de cuivre de Mes Aynak. Ils placent beaucoup d'espoir dans le soutien économique de la Chine à l'Afghanistan», déclare à Arab News Hekmatullah Zaland, directeur exécutif du Centre d'études stratégiques et régionales de Kaboul.
Les ressources minérales de l'Afghanistan, dont la valeur est estimée à 1 000 milliards de dollars (1 dollar = 0,90 euro), n'ont pas été déterrées en raison de décennies de violence. Mes Aynak, à 40 km au sud-est de Kaboul, contient le plus grand gisement de cuivre du pays, qu’on estime à plusieurs dizaines de milliards de dollars.
Bien que la Chine, comme d'autres pays, n'ait pas encore reconnu les talibans, Zaland ajoute que les espoirs qui entourent le prochain forum régional reposent également sur le soutien politique de Pékin.
«Les talibans recherchent également le soutien politique de la Chine au niveau international en tant que pays qui détient une influence sur les voisins de l'Afghanistan en particulier», explique-t-il.
L'analyste politique Abdelhai Qanit signale en outre que l'attraction des investissements est l'une des principales priorités des autorités afghanes.
«Ils chercheront à convaincre la Chine d'investir davantage en Afghanistan. La Chine a également cet objectif», indique-t-il à Arab News.
Il ajoute que d'autres pays de la région entreprennent également des efforts pour améliorer la connectivité et la sécurité régionales.
«Les pays voisins se rendent compte qu'un Afghanistan stable et connecté renforcera l'intégration régionale et le développement économique», ajoute-t-il.
Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, Wang Wenbin, a déclaré en début de semaine que, en accueillant la troisième réunion des ministres des Affaires étrangères des pays voisins de l'Afghanistan, «la Chine espère rassembler davantage de consensus sur la question afghane de la part des pays voisins» afin de stabiliser conjointement le pays. Il précise aussi que Pékin espère «travailler sur la partie afghane pour construire une structure politique ouverte et inclusive».
Le gouvernement taliban ne jouit toujours pas d’une reconnaissance internationale; la prochaine réunion n’en apportera sans doute pas du côté chinois.
«Du point de vue de la Chine, le temps de la reconnaissance n'est pas encore venu», confie Torek Farhadi, ancien conseiller du gouvernement afghan, à Arab News.
«La Chine souhaite un gouvernement inclusif à Kaboul et voit la stabilité à long terme rendue possible de cette manière.»
Les talibans sont revenus au pouvoir à la mi-août, deux décennies après leur premier passage au pouvoir, de 1996 à 2001.
Alors qu'ils avaient promis de former un gouvernement inclusif, ce qui n’était pas le cas lors de leur premier règne, ils ont finalement mis en place une administration exclusivement masculine, réservée aux talibans, et ont réduit les droits des femmes.
La troisième réunion des ministres des Affaires étrangères des pays voisins de l'Afghanistan se tiendra alors qu’un regain d'inquiétude est observé au sujet du manque d'inclusion sous le régime des talibans. La semaine dernière, ces derniers ont rompu leur promesse de rouvrir la scolarité aux filles au-delà de la sixième. La réouverture des écoles pour filles était l'une des conditions que la communauté internationale avait fixées pour un éventuel contact officiel avec le gouvernement taliban.
La première réunion des voisins de l'Afghanistan avait été présidée par le Pakistan le 8 septembre 2021, le lendemain de l’annonce faite par les talibans afghans de la formation de leur gouvernement.
La deuxième réunion s'est tenue à Téhéran le 27 octobre 2021.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com