PARIS: Quelle ampleur pour l'augmentation générale du traitement des agents publics ? Pour peser sur le montant de la revalorisation promise "avant l'été", des syndicats tentent de calculer la perte de pouvoir d'achat subie depuis plusieurs années.
Un plongeon de 21% du pouvoir d'achat depuis 2000, calcule la CGT Fonction publique. Un revenu arbitrable toujours inférieur à son niveau de la fin des années 2000, ajoute la CFDT. Une rémunération rognée de 5 384 euros chaque année depuis 1995 pour les agents les moins bien payés, assène Solidaires Fonction publique.
Les estimations datent pour certaines de quelques mois, mais elles ont été remises au goût du jour par la récente annonce du dégel de la valeur du point d'indice, le chiffre qui sert à calculer la rémunération des 5,7 millions d'agents publics.
En s'engageant à procéder au dégel "avant l'été" - mais après l'élection présidentielle - la ministre Amélie de Montchalin a dégainé une mesure générale que le gouvernement refusait d'envisager jusque-là.
"Mais nous devons calibrer (son) montant lors d’une concertation avec les organisations syndicales et les employeurs — État, collectivités, hôpitaux — qui financent", a-t-elle précisé.
De quoi inciter les syndicats à sortir leur calculette pour étayer leurs demandes de revalorisation.
«Donner une idée»
Solidaires propose depuis décembre un simulateur pour mesurer l’impact de l’inflation.
Son principe: l'agent renseigne son indice (l'échelon où il se situe dans la grille salariale de la fonction publique), et le simulateur calcule le traitement mensuel qu'il devrait toucher si l'inflation et la valeur du point d'indice avaient progressé à la même vitesse depuis 1995.
Un hypothétique traitement mensuel auquel l'agent soustrait sa rémunération réelle pour estimer sa perte de pouvoir d'achat. Verdict: les agents au plus faible indice "perdent" près de 449 euros par mois (5.384 euros par an).
Sauf que le calcul se fait à indice constant, alors que les agents progressent dans la grille salariale au cours de leur carrière.
Le simulateur est "grossier", reconnaît son concepteur Brendan Chabannes.
"L'enjeu est de donner aux personnels une estimation réaliste de la perte de traitement indiciaire", plutôt qu'un "chiffrage exact", ajoute-t-il.
Le simulateur appuie la demande d'une "augmentation plus que conséquente" portée par Solidaires.
"Rapporter l’évolution du point à l’inflation, c’est une information parmi d’autres dans le paysage", insiste Nicolas Carnot, directeur des études et synthèses économiques à l'Insee.
Loin du seul point d'indice, le pouvoir d'achat des agents publics dépend d'une foule d'autres facteurs, souligne-t-il: prestations sociales, revenus du conjoint, primes...
Mais établir un lien direct entre point d'indice et pouvoir d'achat permet de porter des revendications, explique Jean-Marc Canon de la CGT.
Bataille de chiffres
Le premier syndicat de la fonction publique milite pour que la valeur du point d'indice progresse exactement au même rythme que l'inflation, via des mécanismes d'indexation automatique.
Pour mesurer l'évolution du pouvoir d'achat, la CGT met donc en regard la progression de la valeur du point depuis 2000 et celle de l'inflation.
Résultat: un "décrochage" salarial de "21 à 22%", nettement plus spectaculaire que les 10% d'augmentation de la valeur du point revendiqués par la centrale de Montreuil.
Dans une récente note sur le pouvoir d'achat, la CFDT se base elle sur le revenu arbitrable pour jauger l'évolution du pouvoir d'achat des travailleurs du public comme du privé.
Cet indicateur, qui soustrait au revenu des ménages les dépenses contraintes (loyer, factures d'électricité), "a crû de 8% depuis 2000, mais n’a en 2020 toujours pas retrouvé son point maximum de 2010", constate la CFDT.
Là encore, le choix du revenu arbitrable permet d'exprimer "un ressenti supplémentaire", note Nicolas Carnot.
Dans cette bataille de chiffres, les employeurs publics ne sont pas en reste. Les collectivités ont récemment pointé la charge que représente la revalorisation du point d'indice dans leur budget.
"Une augmentation de seulement 1% du point d’indice coûtera 650 millions d’euros aux collectivités", assurent-elles.