A Kharkiv, deuxième ville d'Ukraine, le quotidien sous les bombes russes

Un homme âgé marche alors qu'un incendie ravage une station-service suite à une attaque d'artillerie au 30e jour de l'invasion russe de l'Ukraine dans la ville de Kharkiv, au nord-est du pays, le 25 mars 2022. (AFP)
Un homme âgé marche alors qu'un incendie ravage une station-service suite à une attaque d'artillerie au 30e jour de l'invasion russe de l'Ukraine dans la ville de Kharkiv, au nord-est du pays, le 25 mars 2022. (AFP)
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Publié le Samedi 26 mars 2022

A Kharkiv, deuxième ville d'Ukraine, le quotidien sous les bombes russes

  • Immeubles explosés, fenêtres arrachées, trottoirs jonchés de gravats... Kharkiv porte les stigmates de quatre semaines de lourds bombardements
  • Ville majoritairement russophone de près de 1,5 million d'habitants, Kharkiv, au confluent de trois rivières, n'est située qu'à une petite quarantaine de kilomètres de la frontière russe

KHARKIV: Depuis que l'armée russe campe aux portes de la ville, les jours se suivent et se ressemblent à Kharkiv: tirs de roquettes et missiles s'abattent à intervalles réguliers sur la deuxième ville d'Ukraine, déjà martyre lors de la Seconde guerre mondiale.

"Bien sûr que l'on a peur, ça tombe presque tout le temps ici!". Sorti "acheter deux trois bières", Nikolaï presse le pas pour rentrer chez lui. Le couvre-feu approche, les troupes russes pilonnent souvent en fin d'après-midi.

Deux heures plus tôt, dans ce même quartier de Tiourinka, six personnes ont été fauchées par une salve de roquettes alors qu'elles faisaient la queue devant un bureau de poste pour recevoir de l'aide humanitaire. Vendredi, au moins quatre autres sont mortes hachées par la mitraille, et deux spectaculaires incendies ont été déclenchés par les obus.

"Kharkiv, c'est le feu d'artifice tous les jours en ce moment", résume, très sérieusement, un policier sur un check-point. 

En milieu de semaine, en une seule journée, l'administration locale a fait état de "44 tirs d'artillerie, de chars, de mortiers, etc... et 140 tirs de roquettes" sur la ville, plus deux tirs de missiles venus de la Mer Noire, ainsi que 30 interventions des services d'urgence. 

"C'est ce que nous appelons une situation stable", ont commenté ces mêmes autorités, un brin ironiques.

«Grêle» et «Tornade»
"Tous les jours, il y a des bombardements indiscriminés sur la ville et de nombreux tués", dénonce le maire, Igor Terekhov. "C'est une guerre contre Kharkiv, contre l'Ukraine, contre les civils".

Ville majoritairement russophone de près de 1,5 million d'habitants, Kharkiv, au confluent de trois rivières, n'est située qu'à une petite quarantaine de kilomètres de la frontière russe.

Russe pendant des siècles sous les Tsars, elle fut la capitale de l'Ukraine soviétique de 1917 à 1934, conservant des temps communistes d'imposants monuments officiels et bâtiments modernistes. La ville paya un lourd tribut face à l'Allemagne nazie, avec quatre batailles meurtrières, des centaines de milliers de morts, une population divisée par quatre...

Cette fois-ci, l'agresseur est russe. Au premier jour de leur offensive le 24 février, les forces de Moscou ont fondu sur la ville, pénétrant jusque dans ses faubourgs, dont elles ont été finalement repoussées en périphéries nord et est.

Depuis lors, l'artillerie russe frappe à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. Plutôt dans le nord et l'est de la ville, à portée des lance-roquettes multiples Grad (grêle, en russe) et autres Smertch (tornade). Mais aussi au coeur de la ville, grâce à des missiles longue portée semblant plutôt cibler les bâtiments de l'administration et des services de sécurité.

Sur l'immense place de la Liberté, plus de trois semaines après un tir meurtrier, les sauveteurs continuent de retirer des corps (plus d'une vingtaine à ce jour) des décombres de la façade éventrée du gouvernorat, à deux pas de pancartes abandonnées après un sit-in à la "gloire de l'Ukraine" et fustigeant le "fascisme russe". A l'autre bout de la place désertée, une patinoire artificielle délaissée, souvenir dérisoire d'une paix qui semble bien lointaine.

Immeubles explosés, fenêtres arrachées, trottoirs jonchés de gravats... Kharkiv porte les stigmates de quatre semaines de lourds bombardements. Jusqu'aux coupoles d'or, en partie soufflées, d'une église orthodoxe voisine du siège de la police ravagé par les schrapnels. 

A ce jour, les troupes russes ont détruit ou endommagé 1143 infrastructures, dont 998 habitations ou bâtiments résidentiels, selon la mairie.

Edifice emblématique de la cité, le célèbre Derjprom, premier gratte-ciel soviétique construit en 1928 et oeuvre constructiviste qui trône en centre-ville, reste pour l'instant épargné, avec juste quelques vitres à terre.

Ses défenses aériennes détruites aux premières heures de l'invasion, la ville était à ciel ouvert pour les avions russes qui ont largué plusieurs bombes de très fortes puissances. De type thermobarique, accusent les autorités locales, et dont la caractéristique est de ne pas laisser de cratère et de tout souffler à des dizaines de mètres à la ronde.

Une garderie pour enfants sourd-muets et deux barres d'immeubles du district Chevtchenko (nord), voisines d'une grande antenne de télévision, ont été ainsi dévastées comme par un ouragan, miraculeusement sans faire de victime.

Les survols et bombardements aériens ont cessé depuis une petite semaine, avec l'arrivée de nouvelles défenses anti-aériennes, selon plusieurs responsables locaux.

Psychose des infiltrés 
"La situation change tout le temps", grince Serguiï, habitant le cinquième étage d'un immeuble très soviétique, avec ascenseur en panne et cage d'escalier délabrée. "Disons que c'est plutôt indiscriminé dans les faubourgs, un peu plus ciblé au centre-ville", tente-t-il de décrypter.

Dans les zones les plus dangereuses, les piétons sont rares. Ils pointent prudemment le bout de leur nez pour sortir se ravitailler ou promener le chien dans des parcs désertés.

"Je suis de Kharkiv, je n'ai nulle part où aller. Alors à quoi bon partir?" répond d'un air las Anna Kolinichienko, la cinquantaine, un vieux labrador tirant au bout de sa laisse.

Dans son petit trois-pièces en étage, où elle vit avec sa soeur et son beau-frère, elle ne prend même plus la peine de descendre à la cave quand sonnent les sirènes d'alarme. "Si une bombe tombe, on mourra de toute façon".

"On s'est aussi un peu habitué aux explosions". Et surtout, "il n'y a plus de combat de rues, il y avait beaucoup de saboteurs ici...", confie-t-elle.

Car Kharkiv - même son maire en convient - est une ville "où les habitants ont des frères et des amis en Russie". Une proximité dont joue Moscou pour infiltrer armes et combattants.

En 2014, lors de la révolution de la place Maïdan à Kiev, la cité avait été, à l'image des villes de Donetsk et Lougansk dans le Donbass, le théâtre d'un soulèvement "prorusse", rapidement réprimé par les forces de sécurité.

La paranoïa est palpable un peu partout en centre-ville, hérissé de barricades de fortunes et d'obstacles anti-chars.

Tout inconnu est immédiatement sévèrement interrogé, les voitures suspectes arrêtées et fouillées. Des véhicules de police patrouillent un peu partout en ville, où la circulation comme l'activité restent très réduites. La nuit, des snipers ont ordre d'ouvrir le feu sur toute personne non identifiée circulant dans les rues.

Pour protéger son patrimoine, la municipalité a commencé à ériger des montagnes de sacs de sables autour de quelques sculptures et monuments, comme la statue du poète ukrainien Taras Chevtchenko, désormais ceinte jusqu'à la taille d'une armure de sable où s'affairent les ouvriers.

"La situation est aujourd'hui très difficile", s'inquiète le maire, qui ne rencontre la presse que dans un endroit secret et bien enterré. "Mais nous sommes unis et nous combattrons", affirme-t-il, glorifiant, à l'image de toute l'Ukraine envahie, "l'héroïsme" de sa ville.


Au Pakistan, le mois d'avril «le plus pluvieux» depuis 1961

Vue générale du débordement de la rivière Jhelum après de fortes pluies à Muzaffarabad, au Cachemire sous administration pakistanaise, le 29 avril 2024. (AFP)
Vue générale du débordement de la rivière Jhelum après de fortes pluies à Muzaffarabad, au Cachemire sous administration pakistanaise, le 29 avril 2024. (AFP)
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  • Beaucoup s'inquiètent désormais au Pakistan: les pluies d'avril ont déjà tué au moins 144 personnes, dont des dizaines d'enfants dans l'écroulement de leur maison sous des pluies torentielles
  • Outre les inondations, le pays a aussi été éprouvé par des canicules mortelles et une pollution atmosphérique parmi les pires au monde

ISLAMABAD, Pakistan : Si une grande partie de l'Asie connaît une vague de chaleur sans précédent, le Pakistan, lui, vient de vivre son «avril le plus pluvieux depuis 1961», avec des températures près d'un degré plus basses qu'à l'habitude.

Comme souvent dans le pays, le cinquième le plus peuplé du monde et l'un des plus exposés aux phénomènes climatiques extrêmes, experts et météorologues pointent du doigt le changement climatique.

Le pays pauvre d'Asie du Sud ne cesse de répéter que ses 240 millions d'habitants (environ 3% de la population mondiale) ne sont responsables que de moins de 1% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Beaucoup s'inquiètent désormais au Pakistan: les pluies d'avril ont déjà tué au moins 144 personnes, dont des dizaines d'enfants dans l'écroulement de leur maison sous des pluies torentielles. Mais la mousson, et son lot d'inondations, de crues subites et de dégâts, doit arriver en juillet et durera jusqu'en septembre.

Outre les inondations, le pays a aussi été éprouvé par des canicules mortelles et une pollution atmosphérique parmi les pires au monde, autant de phénomènes dont l'impact est aggravé, disent les experts, par un manque d'infrastructures et une mauvaise gouvernance.

En avril, les précipitations ont atteint «59,3 millimètres», bien au-delà des moyennes habituelles de 22,5 millimètres, détaille un rapport des services de météorologie publié tard vendredi.

Le Balouchistan, la plus grande province du Pakistan aux frontières de l'Iran et de l'Afghanistan, a connu l'augmentation la plus importante du pays. Là, notent les services de météorologie, les précipitations ont été quatre fois et demie supérieures aux normales saisonnières.

Le bilan humain le plus lourd, avec 84 morts dont 38 enfants, a en revanche été enregistré dans la province du Khyber Pakhtunkhwa, dans le nord-ouest frontalier de l'Afghanistan, où 3.500 habitations ont été endommagées.

- «Météo imprévisible» -

Et alors que des Philippines à la Birmanie en passant par l'Inde, des millions de personnes suffoquent sous une vague de chaleur inédite, le Pakistan a vu sa température moyenne mensuelle baisser à 23,67 degrés, contre 24,54 habituellement, poursuit le rapport.

Pour Zaheer Ahmad Babar, porte-parole des services météorologiques, le changement climatique explique ce mois inhabituel.

«Le changement climatique est un facteur important qui influe sur les tendances météo imprévisibles dans notre région», affirme-t-il à l'AFP.

En 2022, le pays pauvre d'Asie du Sud avait subi des inondations dévastatrices qui avaient touché près d'un tiers de son territoire et affecté plus de 33 millions de personnes, faisant plus de 1.700 morts.

Dans des régions du Pendjab, province la plus peuplée et grenier à céréales du pays, les récoltes ont souffert récemment des pluies abondantes et de la grêle.

«Les crues subites ont provoqué des dégâts importants à de grandes surfaces de cultures, en particulier celle du blé, qui était prêt à être récoltée», a indiqué l'agence onusienne OCHA dans un rapport récent.

«Ceci a entraîné des pertes économiques importantes pour les cultivateurs et les villages».

«On assiste quasiment chaque année à des événements liés aux changements climatiques. Et pourtant on n'y est toujours pas préparé», constate l'avocat et militant écologiste Ahmad Rafay Alam.

La responsabilité du climat «incombe à nos gouvernements provinciaux et fédéral, mais ceux-ci accordent la priorité aux questions politiques», dit-il.

Si le Pakistan pâtit actuellement de précipitations élevées, début avril, Islamabad annonçait être confronté à une pénurie d'eau d'environ 30% par rapport à ses besoins au début de la saison des semis pour le riz et le coton.

Les autorités pointait du doigt un enneigement hivernal moins important qu'à l'habitude dans la région des glaciers du Nord.

Plus d'un an et demi plus tard, souligne l'ONU, près de 10 millions d'enfants avaient encore besoin d'aide humanitaire pour survivre dans les zones touchées par les pluies diluviennes qui ont tout emporté en 2022.

Pour l'Unicef, «les enfants pakistanais sont pris dans un cercle vicieux de sècheresse et d'inondation».

«De leur conception à leur arrivée à l'âge adulte, le développement des cerveaux des enfants, de leurs poumons et de leur système immunitaire est affecté par leur environnement», poursuit l'Unicef qui s'inquiète pour toute une génération.

«Les risques qu'ils encourent du fait du changement climatique sont considérés comme extrêmement élevés», s'alarme l'agence onusienne.


Dublin: des étudiants campent sur le campus du Trinity College contre la guerre à Gaza

Vue de l'enceinte du Trinity College de Dublin. (Photo Paul Faith AFP)
Vue de l'enceinte du Trinity College de Dublin. (Photo Paul Faith AFP)
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  • Le président du syndicat étudiant TCDSU de l'université, Laszlo Molnarfi, a affirmé sur la chaîne RTE que les manifestants demandent à l'université de couper ses liens avec Israël
  • L'opposition à l'intervention militaire d'Israël à Gaza est très forte en Irlande où des marches appelant à un cessez-le-feu ont rassemblé des milliers de personnes dans la rue

DUBLIN, Irlande : Des étudiants de la prestigieuse université Trinity College de Dublin ont installé un campement sur le campus de l'établissement pour protester contre l'offensive militaire israélienne à Gaza, bloquant samedi l'entrée d'un bâtiment qui attire habituellement de nombreux touristes.

Les manifestants ont décrit leur mobilisation comme un «campement en solidarité avec la Palestine», sur fonds de multiplication de ces mobilisations en Europe et aux États-Unis.

Ils sont plusieurs dizaines à avoir installé des tentes vendredi soir dans plusieurs endroits du campus, plaçant des bancs devant la bibliothèque qui contient «le Livre de Kells», un célèbre manuscrit médiéval que les touristes viennent voir nombreux dans la capitale irlandaise.

Le président du syndicat étudiant TCDSU de l'université, Laszlo Molnarfi, a affirmé sur la chaîne RTE que les manifestants demandent à l'université de couper ses liens avec Israël.

«Un campement non autorisé de BDS (mouvement qui appelle au boycott d'Israël) est présent à Trinity», a indiqué l'établissement dans un communiqué.

«Pour assurer la sécurité, l'accès au campus sera restreint aux étudiants, personnels, résidents et membres du département des sports, a-t-il ajouté, prévenant que l'accès des visiteurs serait interdit ce samedi.

«Même si Trinity soutient le droit des étudiants à manifester, les manifestations doivent se tenir dans le cadre des règles de l'université», a encore indiqué l'établissement.

Parties des campus américains, où elles ont fait l'objet d'une répression des forces de l'ordre, les mobilisations contre l'offensive israélienne à Gaza se sont propagées un peu partout dans le monde ces derniers jours.

L'opposition à l'intervention militaire d'Israël à Gaza est très forte en Irlande où des marches appelant à un cessez-le-feu ont rassemblé des milliers de personnes dans la rue.

Le gouvernement lui-même est très critique vis-à-vis de l'attitude du gouvernement israélien dirigé par Benjamin Netanyahu depuis le début du conflit, déclenché après l'attaque sanglante du Hamas en Israël le 7 octobre.

Le nouveau Premier ministre irlandais Simon Harris s'est dit prêt mi-avril à reconnaître un État palestinien, y voyant un moyen de contribuer au processus de paix au Moyen-Orient.

En février, le gouvernement irlandais avait demandé à la Commission européenne, aux côtés de l'Espagne, de vérifier sur Israël respectait bien les droits humains à Gaza.

Plus de 400 artistes irlandais ont appelé dans une lettre commune à boycotter le concours international de chanson de l'Eurovision en raison de la participation d'Israël.


Aux Etats-Unis, les étudiants propalestiniens cherchent un nouveau souffle après des arrestations massives

Des étudiants et des militants pro-palestiniens dansent lors d'un rassemblement dans un campement sur le campus de l'université Brown à Providence, Rhode Island, le 29 avril 2024. La Maison Blanche a insisté le 28 avril sur le fait que les manifestations pro-palestiniennes qui ont secoué les universités américaines ces dernières semaines devaient rester pacifiques, après que la police a arrêté environ 275 personnes sur quatre campus différents au cours du week-end. (Photo : Joseph Prezioso / AFP)
Des étudiants et des militants pro-palestiniens dansent lors d'un rassemblement dans un campement sur le campus de l'université Brown à Providence, Rhode Island, le 29 avril 2024. La Maison Blanche a insisté le 28 avril sur le fait que les manifestations pro-palestiniennes qui ont secoué les universités américaines ces dernières semaines devaient rester pacifiques, après que la police a arrêté environ 275 personnes sur quatre campus différents au cours du week-end. (Photo : Joseph Prezioso / AFP)
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  • A l'Université de Chicago, l'administration a indiqué dans un communiqué que faute d'un accord avec les protestataires, le moment était venu de disperser le rassemblement
  • Depuis le 17 avril, une nouvelle vague de mobilisation pour Gaza déferle sur les campus américains, évoquant, dans une moindre ampleur, les manifestations contre la guerre du Vietnam dans les années 1960-70

NEW YORK : Les manifestations propalestiniennes qui secouent les campus américains depuis quelques semaines cherchent un nouveau souffle, après des dispersions par la police, des arrestations massives et un sévère rappel à l'ordre par la Maison Blanche.

Tôt vendredi, la police a démantelé sans heurts un campement à l'université de New York (NYU), à la demande de l'établissement.

A l'Université de Chicago, l'administration, qui a fait état sur X d'«informations sur des altercations physiques» sur son campus, a indiqué dans un communiqué que faute d'un accord avec les protestataires, le moment était venu de disperser le rassemblement.

Les protestataires à l'université de Riverside, en Californie (ouest), sont parvenus à un accord avec l'administration et devaient mettre fin à leur mouvement avant 00H00 samedi (07H00 GMT). Des compromis similaires avaient permis l'évacuation sans heurts des universités Rutgers (New Jersey, est) et Brown (Rhode Island, est).

Sur d'autres campus, les forces de l'ordre sont intervenues manu militari ces derniers jours, comme à Columbia à New York et à UCLA à Los Angeles.

Près de 2.000 personnes en tout ont été interpellées, selon un bilan établi par plusieurs médias américains.

Très critiquée par des étudiants et au sein du corps enseignant pour avoir deux fois appelé la police à intervenir - des images qui ont fait le tour du monde - la présidente de Columbia, Minouche Shafik, a évoqué la «tourmente» dans son établissement.

«Ces deux dernières semaines ont été parmi les plus difficiles de l'histoire de Columbia», a-t-elle dit dans une vidéo publiée vendredi sur les réseaux sociaux, affirmant que l'occupation d'un bâtiment par des étudiants avait été «un acte violent».

«Nous avons beaucoup à faire, mais je m'engage à oeuvrer chaque jour et avec chacun d'entre vous pour reconstruire la communauté sur notre campus», a-t-elle ajouté.

Depuis le 17 avril, une nouvelle vague de mobilisation pour Gaza déferle sur les campus américains, évoquant, dans une moindre ampleur, les manifestations contre la guerre du Vietnam dans les années 1960-70.

En plus de réclamer la fin du conflit à Gaza, ces étudiants appellent les universités à rompre leurs relations avec Israël et à se désengager de leurs investissements en lien avec ce pays.

Ils dénoncent aussi l'appui quasi inconditionnel des Etats-Unis à leur allié.

Israël est engagé dans une offensive massive dans la bande de Gaza, en représailles à l'attaque du Hamas le 7 octobre sur son sol.

- Vietnam -

Jeudi, lors d'une courte allocution, le président démocrate Joe Biden, longtemps muet sur les manifestations, a martelé que «l'ordre devait prévaloir».

Cela lui a valu à la fois les critiques de la droite, qui l'a jugé trop complaisant, et l'indignation des partisans des manifestants.

«Il existe un droit à manifester, pas un droit à provoquer le chaos», a lancé l'octogénaire, candidat face au républicain Donald Trump à la présidentielle de novembre.

Son ministre de l'Education, Miguel Cardona, a envoyé selon la chaîne CNN une lettre à des dirigeants d'universités dans laquelle il se dit «incroyablement préoccupé par les informations sur de la haine antisémite à l'encontre d'étudiants sur certains campus».

Les manifestations ont ravivé le débat aux Etats-Unis, déjà tendu voire violent depuis l'attaque du Hamas, sur la liberté d'expression, l'antisionisme et ce qui constitue de l'antisémitisme.

D'un côté, des étudiants et enseignants accusent leurs universités de chercher à censurer un discours politique, de l'autre plusieurs personnalités, dont des élus du Congrès, affirment que les militants attisent l'antisémitisme.

La question pourrait plomber la course de M. Biden à la Maison Blanche.

«Cela pourrait être le Vietnam de Biden», a averti sur CNN le sénateur de gauche Bernie Sanders.

«Je crains vraiment que le président Biden ne se mette dans une position où il s'aliène non seulement les jeunes, mais une grande partie de la base démocrate», a-t-il ajouté.

Côté républicain, Donald Trump a qualifié les manifestants de «tarés de la gauche radicale», qu'il faut «arrêter maintenant».

La mobilisation a inspiré les militants propalestiniens à travers le monde, en France, comme dans la prestigieuse école parisienne Sciences Po, ou à l'université McGill au Canada et à l'UNAM à Mexico.

A rebours d'autres institutions, l'université Brown, dans l'Etat américain du Rhode Island, s'est accordée avec les manifestants sur le démantèlement de leur campement en échange d'un vote sur un éventuel «désinvestissement».