«Ma petite Maman, je pars»: A Paris, la Shoah vue à travers des lettres d'internés 

Une photo prise le 6 octobre 2015 montre une partie de la gare de Bobigny, en banlieue de Paris, d'où des personnes du camp voisin de Drancy ont été déportées vers les chambres à gaz des camps nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. (AFP)
Une photo prise le 6 octobre 2015 montre une partie de la gare de Bobigny, en banlieue de Paris, d'où des personnes du camp voisin de Drancy ont été déportées vers les chambres à gaz des camps nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. (AFP)
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Publié le Vendredi 25 mars 2022

«Ma petite Maman, je pars»: A Paris, la Shoah vue à travers des lettres d'internés 

  • Son ouverture au public coïncide avec le 80e anniversaire du premier convoi de déportation de juifs de France, parti de Drancy pour Auschwitz le 27 mars 1942
  • Ultimes témoignages avant le silence, les missives collectées auprès des familles de victimes forment l'exposition «C'est demain que nous partons. Lettres d'internés du Vel d'Hiv à Auschwitz»

DRANCY: Censurées ou clandestines, au crayon ou à l'encre... Ecrites depuis les camps de transit français ou jetées depuis les convois en partance pour les camps de la mort, 200 lettres d'internés sont exposées au Mémorial de la Shoah de Drancy, près de Paris.


"Ma chère Antoinette, je te préviens que demain lundi matin je quitte Drancy et je pars pour une destination inconnue", commence un dénommé Georges Benedikt le 13 septembre 1942, d'une écriture finement penchée. Interné à Drancy un an auparavant, il mourra à Auschwitz.


Ultimes témoignages avant le silence, les missives collectées auprès des familles de victimes forment l'exposition "C'est demain que nous partons. Lettres d'internés du Vel d'Hiv à Auschwitz" (du 27 mars au 22 décembre).


Son ouverture au public coïncide avec le 80e anniversaire du premier convoi de déportation de juifs de France, parti de Drancy pour Auschwitz le 27 mars 1942, avec une halte à Compiègne, au Nord de Paris. Suivra la rafle du Vel d'Hiv en juillet.


Ces lettres manuscrites représentent l'unique lien des internés avec le monde d'extérieur. Sur une carte petit format, en lignes serrées sur une feuille ou griffonnées au verso d'une couverture de livre tant le papier est rare, les mots se pressent pour dire l'angoisse, l'urgence, le désespoir et le déchirement des cœurs séparés.


"La plupart des lettres, c'est un dernier au revoir, un adieu, et des recommandations", résume Karen Taieb, responsable des archives du Mémorial de la Shoah de Drancy, co-commissaire de l'exposition aux côtés de l'historien Tal Bruttmann.


"L'écriture est essentielle pour la survie des internés, pour donner des nouvelles et en recevoir, et pour recevoir des colis" pour tenter de parer au dénuement, explique-t-elle. L’internement a eu lieu en zones libre comme occupée, et les détenus y passent parfois des années. 


Pour échapper aux bureaux de la censure, qui caviardent des passages, demandent à écrire "plus gros la prochaine fois" sous peine d'interdiction, un circuit clandestin existe. Mais alors il faut payer les gendarmes, qui pratiquent l'inflation.


"Je vous fais parvenir aujourd'hui ma 21e lettre et peut-être la dernière, pour deux raisons, la première c'est que je n'ai plus d'argent, car les lettres coûtent aujourd'hui 150 francs (...) et deuxième raison c'est que l'on attend la déportation d'un jour à l'autre", explique en 1944 un interné à Drancy.

Il y a 80 ans, le premier acte de la «litanie» de déportations des juifs de France

Le 27 mars 1942, le premier convoi de juifs de France quittait Compiègne, au Nord de Paris, pour Auschwitz, ouvrant une macabre "litanie" de déportations vers les camps de la mort, retrace Karen Taieb, responsable des archives au Mémorial de la Shoah.

QUESTION: Qui étaient ces premiers déportés ? 

REPONSE: Il s'agissait de 1 112 hommes, âgés de 18 à 55 ans, déportés en tant que juifs mais encore sur la base des critères de choix des otages. La majorité étaient des juifs français arrêtés lors de la "rafle des notables" du 12 décembre 1941 à Paris et internés au camp de transit de Royallieu à Compiègne, d'où ils ont été conduits au train, d'abord parti de Drancy (près de Paris, NDLR). Theodor Dannecker (le chef à Paris de la section de la Gestapo chargé de la "question juive") aurait voulu les faire partir avant, dès décembre. Quand les notables sont à Compiègne, il demande à cor et à cri des trains pour les faire partir immédiatement. Mais des problèmes logistiques ont fait qu'il n'a pu obtenir son premier convoi qu'en mars. Après, il y a un rythme plus régulier: 5 juin, puis 22 juin, puis deux à trois convois par semaine pendant l'été 42 et septembre et octobre. Il y a eu une petite interruption entre novembre 42 et février 43 et ensuite ça reprend. On voit la litanie des convois qui se succèdent, c'est ça qui est impressionnant. 

Q: Connaît-on les identités de ces déportés, dont seuls 19 sont revenus après 1945 ?

R: A priori, nous avons aujourd'hui la liste complète, malgré la difficulté que, pour ce convoi, nous n'avons pas la liste originale, ce qui est également le cas des deux derniers convois, 76 et 77. Pour les autres, nous avons les listes originales. Elles ont été récupérées en 1946 par le Centre de documentation juif contemporain, contacté par un commissaire de police ayant découvert des cartons contenant toutes les archives du service anti-juif de la Gestapo, dans des bureaux abandonnés par des services nazis. Cela a permis de quantifier rapidement le nombre de déportés juifs de France, à près de 76 000 et de commencer à renseigner les familles. Mais ce n'est pas sur ces listes qu'ont mis l'accent les premiers historiens, qui ont d'abord étudié et publié les documents qui démontraient l'architecture de la mise en place de la persécution. Il a fallu ensuite un énorme travail de compilation et recoupement, engagé en 1978 par Serge Klarsfeld, à l'aide de plusieurs sources: les enregistrements à l'arrivée à Auschwitz, les listes des déportés non-rentrés établies par l'ex-ministère des victimes de guerre, les témoignages des survivants...  

Q: Les archives permettent-elles de remonter tout le parcours des victimes, jusqu'à leur assassinat ? 

R: C'est tout le problème. A Auschwitz, énormément de choses ont été brûlées, il y a beaucoup d'éléments manquants. Mais depuis plusieurs années, un énorme travail est mené avec le musée d'Auschwitz et les Archives Arolsen (centre de documentation sur la Shoah, basé à Bad Arolsen en Allemagne NDLR). En mettant toutes ces informations ensemble, on arrive à être plus précis. Pour un certain nombre de ceux entrés dans les camps, le cas des déportés du premier convoi, on a retrouvé et on continue de retrouver un certain nombre d'informations. Les familles sont très en demande. Ce qui revient le plus fréquemment, c'est +Comment a-t-il été arrêté ? A-t-il été dénoncé ? Pris dans une rafle ?+ et la date du décès. Car le deuil commence le jour du décès. Ne pas en avoir la date n'est pas naturel. Ceux pour lesquels nous n'aurons jamais rien, ce sont les personnes âgées, les jeunes enfants, les femmes avec des enfants, envoyés immédiatement dans la chambre à gaz. Là, il n'y aura pas de trace.

 

Jetées du train

 

Le déclenchement de la "solution finale" et des déportations en 1942 bousculent les mots sur le papier. De camp de transit, Drancy devient la plaque tournante des déportations.


Jusqu'à la fin dans les convois vers l'Est, écrire est un impératif. Surtout, ne pas oublier ceux et celles qu'on aime. 


"Ma Chérie, partie ce matin direction Est je (...) vous envoie à vous et tous les êtres chers que j'ai quittés mes meilleurs baisers. Adieu ! Au revoir peut-être", écrit à la hâte une femme qui a jeté sa lettre du train et ne reviendra jamais d'Auschwitz.


Certains tentent de rassurer les proches comme pour se rassurer soi-même. "Ma petite Maman je pars et j'ai un  moral de fer", assure Jacques Dreyfus à sa mère, avant d'être déporté.


"Attention ! On nous a trompé et menti (...) Écrivez à Vittel que dans quelques jours nous sommes morts", prévient à la hâte un homme qui a balancé son billet griffonné du wagon, sans savoir s'il parviendrait à son destinataire. Des cheminots ou des anonymes ont parfois permis de les acheminer à bon port. 


A de rares exceptions, la quasi-totalité des auteurs ont disparu.


Aux proches sans nouvelles, à l'affût d'un signe de vie, les autorités françaises renvoient la même formule. "Partant pour une destination inconnue, n'envoyer ni colis ni correspondance".


Si éloignées des communications actuelles par écrans interposés, ces "bonnes veilles lettres" sont "un trésor", selon Karen Taieb. Entre les lignes se devinent les mains qui les ont touchées pour écrire des récits personnels. L'exposition en fait une grande polyphonie.


Agriculteurs: la Coordination rurale bloque toujours le port de Bordeaux

 La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
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  • La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place
  • Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine

BORDEAUX: La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais.

La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place.

Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine et auquel les agriculteurs comme la classe politique française s'opposent.

Il s'agit de la première visite de la ministre sur le terrain depuis le retour des paysans dans la rue, une mobilisation surtout marquée en fin de semaine par les actions des bonnets jaunes de la Coordination rurale.

A Bordeaux, ils bloquent ainsi les accès au port et au dépôt pétrolier DPA: des pneus, des câbles et un tracteur entravent l'entrée du site.

Sous une pluie battante, les agriculteurs s'abritent autour d'un feu et de deux barnums tanguant avec le vent. Une file de camions bloqués dont des camions citernes s'allonge aux abords.

Les manifestants ont tenté dans la matinée de joindre Annie Genevard, sans succès.

"On bloque tant que Mme Genevard et M. Barnier [Michel Barnier, Premier ministre] ne mettent pas en place des solutions pour la profession. Des choses structurelles, (...), on ne veut pas un peu d'argent aujourd'hui pour rentrer dans nos fermes, on veut des réformes pour vivre, avoir un salaire décent", a déclaré à l'AFP Aurélie Armand, directrice de la CR du Lot-et-Garonne.

"Le temps est avec nous parce que quand il pleut on ne peut pas travailler dans les fermes, donc c'est très bien", a-t-elle lancé, alors qu'une pluie battante balaye la Gironde avec le passage de la tempête Caetano.

Plus au sud, dans les Landes, des agriculteurs de la CR40 occupent toujours une centrale d'achat Leclerc à Mont-de-Marsan mais les autorités leur ont donné jusqu'à vendredi inclus pour libérer les lieux, a-t-on appris auprès de la préfecture.

Tassement du mouvement, avant une reprise 

La préfète du département a par ailleurs condamné "les dégradations commises par des membres de la Coordination rurale" mercredi soir sur des sites de la Mutualité sociale agricole (MSA), visée par des dépôts sauvages, et de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), ciblée par un incendie "volontairement déclenché" dans son enceinte.

Sur Europe1/Cnews, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a redit que les agriculteurs avaient "parfaitement le droit de manifester", mais qu'il y avait "des lignes rouges" à ne pas dépasser: "pas d'enkystement", "pas de blocage".

A l'autre bout de la France, à Strasbourg, des membres de la CR se sont installés dans le centre avec une dizaine de tracteurs pour y distribuer 600 kilos de pommes aux passants.

"Nous, on propose un pacte avec le consommateur, c'est-à-dire lui fournir une alimentation de qualité en quantité suffisante et en contrepartie, le consommateur nous paye un prix correct", a souligné le président de la CR départementale, Paul Fritsch.

Les autorités constatent une "légère baisse" de la mobilisation à l'échelle du pays par rapport au début de la semaine, quand les syndicats majoritaires FNSEA et JA étaient aussi sur le terrain.

Ce nouvel épisode de manifestations agricoles intervient à quelques semaines d'élections professionnelles. La CR, qui préside aujourd'hui trois chambres d'agriculture, espère à cette occasion briser l'hégémonie de l'alliance FNSEA-JA et ravir "15 à 20 chambres" supplémentaires.

Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a annoncé mercredi que les prochaines manifestations emmenées par ses membres auraient lieu la semaine prochaine, "mardi, mercredi et jeudi", "pour dénoncer les entraves à l'agriculture".

FNSEA et JA avaient prévenu qu'ils se mobiliseraient jusqu'à la mi-décembre contre l'accord le Mercosur, contre les normes selon eux excessives et pour un meilleur revenu.

Troisième syndicat représentatif, la Confédération paysanne organise aussi des actions ponctuelles, contre les traités de libre-échange ou les installations énergétiques sur les terres agricoles.


Les députés approuvent en commission l'abrogation de la réforme des retraites

L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
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  • La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.
  • La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation.

PARIS : La gauche a remporté mercredi une première victoire dans son offensive pour abroger la très décriée réforme des retraites : sa proposition de ramener l'âge de départ de 64 à 62 ans a été adoptée en commission des Affaires sociales, avant son arrivée dans l'hémicycle le 28 novembre.

Le texte, présenté par le groupe LFI dans le cadre de sa niche parlementaire, a été approuvé par 35 voix (celles de la gauche et du Rassemblement national), contre 16 (venues des rangs du centre et de la droite).

La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.

Le Rassemblement national, qui avait présenté une proposition similaire fin octobre, mais que la gauche n'avait pas soutenue, a voté pour le texte de La France insoumise. « C'est le même que le nôtre et nous, nous ne sommes pas sectaires », a argumenté le député Thomas Ménagé.

La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation : celle-ci est ramenée de 43 à 42 annuités, ce qui revient à abroger également la réforme portée en 2013 par la ministre socialiste Marisol Touraine pendant le quinquennat de François Hollande.

Un amendement, présenté par les centristes du groupe Liot pour préserver la réforme Touraine, a été rejeté. Les socialistes, qui auraient préféré conserver cette réforme de 2013, ont décidé d'approuver le texte global malgré tout.

La gauche affirme qu'elle est en mesure de porter sa proposition d'abrogation jusqu'au bout : après l'examen du texte dans l'hémicycle la semaine prochaine, elle a déjà prévu de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat le 23 janvier, à l'occasion d'une niche communiste, puis en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 6 février, cette fois dans un créneau dédié aux écologistes.

Les représentants de la coalition gouvernementale ont mis en garde contre un texte « pas sérieux » ou « irresponsable ».

« Il faut être honnête vis-à-vis des Français : si cette réforme des retraites est abrogée, certes ils pourront partir à 60 ans, mais avec une retraite beaucoup plus basse », a ainsi argumenté la députée macroniste Stéphanie Rist.


Censure du gouvernement : Le Pen fait monter la pression avant sa rencontre avec Barnier

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
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  • "Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure"
  • Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget

PARIS: Marine Le Pen fait monter la pression sur Michel Barnier, avant leur rencontre lundi à Matignon : elle assure que son parti n'hésitera pas à censurer le gouvernement à la veille de Noël si "le pouvoir d'achat des Français est amputé" dans le projet de budget 2025.

"Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure", a affirmé mercredi la cheffe de file des députés du Rassemblement national sur RTL.

Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget de l'Etat.

Si le RN et la gauche votaient conjointement cette motion alors la coalition Barnier, fragile attelage entre LR et la macronie, serait renversée et le projet de budget rejeté.

Si elle n'a pas détaillé la liste précise de ses revendications, Marine Le Pen a en particulier jugé "inadmissible" la hausse envisagée par le gouvernement pour dégager trois milliards d'euros des taxes sur l'électricité, une mesure toutefois supprimée par l'Assemblée nationale en première lecture.

"Taper sur les retraités, c'est inadmissible", a-t-elle aussi affirmé, insatisfaite du compromis annoncé par le LR Laurent Wauquiez. Celui-ci prévoit d'augmenter les retraites de la moitié de l'inflation au 1er janvier, puis d'une deuxième moitié au 1er juillet pour les seules pensions sous le Smic.

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. Si elles étaient suivies, celles-ci pourraient empêcher Mme Le Pen de participer à une quatrième élection présidentielle.

Face à cette menace de censure, Michel Barnier va recevoir en début de semaine prochaine, un par un, l'ensemble des présidents de groupes parlementaires, à commencer par Marine Le Pen dès lundi matin.

Ce premier tête à tête, depuis son entrée à Matignon, suffira-t-il ?

"Et-ce que M. Barnier va respecter l’engagement qu’il a pris, que les groupes d’opposition puissent reconnaître dans son budget des éléments qui leur paraissent essentiels ?", s'est interrogée la cheffe de file des députés RN.

Les demandes de notre parti étaient "de ne pas alourdir la fiscalité sur les particuliers, de ne pas alourdir sur les entrepreneurs, de ne pas faire payer les retraités, de faire des économies structurelles sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat", a-t-elle récapitulé. "Or nous n'avons pas été entendus, nous n'avons même pas été écoutés".

Poker menteur 

Alors qu'il a déjà lâché du lest sur les économies demandées aux collectivités locales, aux retraités et aux entreprises face aux critiques de sa propre majorité, le Premier ministre, confronté à la colère sociale des agriculteurs, des fonctionnaires ou des cheminots, a très peu de marge de manoeuvres.

"L'objectif est d'arriver à un équilibre entre les ambitions des groupes parlementaires et les impératifs de rigueur" budgétaire, répète Matignon, alors que le déficit public est attendu à 6,1% du PIB fin 2024 contre 4,4% prévu initialement.

L'exécutif agite, à destination du RN mais aussi des socialistes, la menace du chaos.

"Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera le pays d'un budget et le précipitera dans le désordre et la chienlit", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur CNews.

"Le pire pour le pouvoir d'achat des Français, ce serait une crise financière", a alerté de son côté sur LCI sa collègue Astrid Panosyan-Bouvet (Travail).

Une question demeure: le RN bluffe-t-il ?

"Si le gouvernement tombe, il faudra attendre juin pour qu'il y ait des élections législatives parce qu'il ne peut pas y avoir de dissolution pour le moment!", a semblé nuancer le porte-parole du RN Julien Audoul.

Dans tous les cas, ce jeu de poker menteur risque de durer jusque la veille de Noël, lorsque l'Assemblée nationale aura à se prononcer définitivement sur le projet de budget 2025 de l'Etat.

Le RN n'entend, en effet, pas déposer ou voter de motion de censure sur les deux autres textes (fin de gestion de 2024 et projet de budget de la Sécurité sociale) qui pourraient être adoptés par 49.3 avant.