NEW YORK: Dmitry Polyanskiy, vice-représentant permanent de la Russie auprès de l’ONU, a déclaré jeudi dernier à ses collègues membres du Conseil de sécurité que les causes profondes de l’instabilité en Syrie résidaient dans la politique continue des pays occidentaux qui consiste à «se plier aux exigences des terroristes» et dans leur tentative d’utiliser les activités de ces terroristes à leur propre avantage.
«Bien que Washington qualifie sa présence militaire [en Syrie] d’“opération antiterroriste”, nous ne voyons aucune mesure active pour combattre les terroristes là-bas», a-t-il précisé.
«Les États-Unis et leurs alliés ont utilisé à plusieurs reprises le prétexte improbable de la destruction d’armes chimiques, en violation du droit international et de la charte des Nations unies, pour lancer des missiles ainsi que des bombes sur les infrastructures militaires et industrielles de la République syrienne», a ajouté M. Polyanskiy.
Ce dernier s’exprimait à l’occasion d’une réunion ordinaire du conseil dont l’objectif était de discuter du conflit en Syrie et de la catastrophe humanitaire qui en résulte.
M. Polyanskiy s’en est également pris au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Il l’a accusé de ne pas employer «le langage neutre habituel qui convient à un responsable international» dans ses appels répétés pour pousser le président russe, Vladimir Poutine, à mettre fin à la guerre en Ukraine.
«Nous demandons à Guterres de faire preuve de cohérence et de fournir enfin son évaluation quant au fait la présence des Américains et d’autres forces en Syrie soit conforme avec la charte des Nations unies», insiste M. Polyanskiy.
«Nous l’incitons à nommer publiquement ceux qui occupent illégalement le territoire syrien et de préciser qui est responsable de la situation dans les camps de personnes déplacées [à l’intérieur de leur propre pays] hors du contrôle de Damas. Dans le cas contraire, nous considérerons le silence du secrétaire général comme une illustration flagrante de la politique de deux poids deux mesures.»
«Après une évaluation émotionnelle de ce qui se passe en Ukraine – basée sur des informations non vérifiées –, le secrétaire général de l’ONU est tout simplement obligé d’appeler un chat un chat dans le contexte de l’occupation américaine actuelle du territoire syrien.»
Richard Mills, le vice-représentant des États-Unis à l’ONU, a répété que son pays ne normaliserait pas les relations avec le régime du président syrien, Bachar al-Assad. Il a exhorté les États qui envisagent de s’engager ou qui sont déjà engagés aux côtés du régime à «s’attarder sur les terribles atrocités commises par Al-Assad contre les Syriens au cours de la dernière décennie et sur les efforts continus du régime de refuser à une grande partie du pays l’accès à l’aide humanitaire et à la sécurité».
Par ailleurs, il accuse la Russie d’alimenter et de perpétuer le conflit en Syrie «au moyen d’attaques imprudentes» contre des civils et des infrastructures.
«Nous regardons avec horreur la Russie utiliser les mêmes tactiques barbares en Ukraine. La désinformation incessante en Russie, notamment par le dénigrement du travail de ce conseil et par le fait d’accuser injustement d’autres forces d’être responsables de ces attaques cruelles, que ce soit en Syrie ou en Ukraine, nuit à sa crédibilité. C’est honteux», ajoute-t-il.
M. Mills affirme également que son pays est «profondément préoccupé» par les informations selon lesquelles la Russie aurait recruté des Syriens pour combattre en son nom en Ukraine.
«Cela mettrait en évidence le véritable mépris de la Russie pour le peuple syrien. La Russie dispose de centaines de milliers de soldats, mais elle enverrait plutôt des Syriens mourir dans une guerre choisie par le président Poutine», affirme-t-il.
Des querelles ont suivi le discours de Geir Pedersen, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, qui s’est adressé au conseil de Genève, où les dernières réunions du septième tour du Comité constitutionnel syrien devaient se tenir vendredi.
«Les délibérations de la semaine, qui n’ont pas été faciles, sont à un stade crucial. Les membres du comité, des deux côtés, étaient occupés à réviser les textes constitutionnels que chaque partie a soumis afin d’intégrer les délibérations des derniers jours de réunions. Ils devraient soumettre les modifications finales vendredi», indique M. Pedersen.
«Nous verrons donc si les prochaines vingt-quatre heures nous aideront à avancer. Il existe des différences importantes, mais il est possible de construire sur des bases communes si la volonté est là», soutient-il.
Le Comité constitutionnel syrien, composé de cent cinquante membres, a été créé en 2019. Il comprend cinquante représentants du gouvernement syrien, cinquante de l’opposition et cinquante de la société civile, qui constituent le prétendu «tiers médian».
Le petit comité se compose de quinze membres de chaque bloc. Il est chargé d’élaborer le texte d’une nouvelle Constitution.
M. Pedersen a appelé les membres du comité à déployer d’importants efforts afin de rapprocher les points de vue et favoriser «le sens du sérieux et l’esprit de compromis» qu’exige la situation.
«L’élaboration d’une Constitution qui commence réellement à envisager des compromis pourrait aider à renforcer la confiance dans ce processus – chose qui manque cruellement parmi les Syriens à l’heure actuelle», souligne-t-il.
Selon l’envoyé, l’idée «d’une solution militaire n’est qu’illusion. Cela a toujours été le cas, mais ce n’est pas évident pour tout le monde».
Le sous-secrétaire de l’ONU aux affaires humanitaires, Martin Griffiths, s’est également exprimé devant le conseil. Il a dit aux membres que la destruction infligée à la Syrie au cours des onze dernières années de guerre «n’a que très peu d’équivalents» dans l'histoire récente.
Plus de trois cent cinquante mille personnes ont été tuées, déclare-t-il, et près de quatorze millions d’individus ont été déplacés de leurs foyers. Alors qu’on assiste à une augmentation du nombre de morts et de blessés parmi les civils dans le Nord-Ouest et le Nord-Est, M. Griffiths a appelé à l’intensification des efforts de redressement rapide, notant qu’environ quinze millions de Syriens ont «plus que jamais» besoin d’aide humanitaire.
Hossam Zaki, le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, a mis le conseil en garde contre les répercussions de la guerre en Ukraine sur l’aggravation du conflit syrien et sur la catastrophe humanitaire qu’elle engendre.
«Nous tenons à exprimer notre profonde inquiétude au sujet de l’incidence de la guerre en Ukraine sur la crise syrienne, que ce soit sur le terrain ou en fonction de la manière dont votre conseil aborde la situation en Syrie», a déclaré M. Zaki.
«Compte tenu des défis mondiaux qui apparaissent avec la guerre en Ukraine, nous espérons que la communauté internationale continuera à aborder la situation humanitaire avec le même intérêt et que les considérations purement politiques n’empêcheront pas le conseil d’accorder de l’importance à l’aspect humanitaire.»
Zaki a incité le conseil à renouveler le mécanisme transfrontalier d’acheminement de l’aide en Syrie en juillet et à éviter toute politisation de l’aide humanitaire.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com