Recueillement autour de la dépouille d'Yvan Colonna à Ajaccio à la veille de ses obsèques

Des personnes tiennent des drapeaux corses et des bougies alors que le corbillard transporte le corps du militant indépendantiste corse Yvan Colonna à son arrivée sur l'île méditerranéenne française de Corse, le 23 mars 2022 à Ajaccio. (AFP).
Des personnes tiennent des drapeaux corses et des bougies alors que le corbillard transporte le corps du militant indépendantiste corse Yvan Colonna à son arrivée sur l'île méditerranéenne française de Corse, le 23 mars 2022 à Ajaccio. (AFP).
Short Url
Publié le Jeudi 24 mars 2022

Recueillement autour de la dépouille d'Yvan Colonna à Ajaccio à la veille de ses obsèques

  • Yvan Colonna est décédé lundi soir. A son arrivée en Corse mercredi soir, à l'aéroport d'Ajaccio, où là aussi les drapeaux étaient en berne, son corps a été escorté en silence par des milliers de personnes
  • La famille du préfet assassiné ne s'est, elle, pas exprimé sur les faits, survenus le 2 mars à la maison centrale d'Arles (Bouches-du-Rhône)

AJACCIO: Des centaines de personnes se pressaient jeudi à Ajaccio autour du cercueil du militant indépendantiste Yvan Colonna, mortellement agressé par un codétenu alors qu'il purgeait sa peine pour l'assassinat il y a près de 25 ans du préfet Claude Erignac.

Lumière tamisée, bougies: dans l'espace funéraire Picchetti à Ajaccio, le cercueil de l'ancien berger de Cargèse, autour duquel ont été disposées des corbeilles de fleurs blanches et deux portraits de jeunesse du militant, était toujours recouvert de la bandera, le drapeau corse, et de roses. Il doit être inhumé vendredi, dans son village.

C'est l'enfant du pays que viennent saluer les personnes qui défilent, sans s'attarder sur le fait que ce même homme a été condamné par trois fois à la prison à perpétuité pour l'assassinat du préfet Claude Erignac, tué de plusieurs balles, dont certaines en pleine tête, en 1998, à Ajaccio.

Interrogé par des journalistes, Gilles Simeoni, président de la Collectivité de corse, refuse ainsi de s'étendre sur la polémique à propos des drapeaux en berne en Corse, une initiative que le président de la République a jugée "inapproprié(e)" et qualifiée de "faute". "Nous, on respecte la mort. C'est culturel", a seulement lâché l'élu autonomiste, entouré de plusieurs autres représentants de la classe politique locale.

Tout près, Christine et Stéphane, soeur et frère d'Yvan Colonna, reçoivent les messages de soutien, en présence des deux enfants du défunt, dont son fils de 10 ans, assis à côté du cercueil. 

"Nous voulons que justice soit faite pour Yvan et que le type soit jugé sévèrement", insiste auprès de  l'AFP la belle-mère d'Yvan Colonna, Santa Casasoprana, en retenant ses larmes: "C'est triste de mourir comme ça. Personne ne méritait cette mort".

"Mon petit-fils, le pauvre, il a beaucoup de chagrin": la dernière fois qu'il a vu son père, "il avait huit ans, c'était il y a deux ans", à "cause du Covid", ajoute la mère de Stéphanie Colonna, qui avait épousé le membre du +commando Erignac+ en prison.

La famille du préfet assassiné ne s'est, elle, pas exprimé sur les faits, survenus le 2 mars à la maison centrale d'Arles (Bouches-du-Rhône).

Soigné dans un hôpital de Marseille après sa violente agression, Yvan Colonna est décédé lundi soir. A son arrivée en Corse mercredi soir, à l'aéroport d'Ajaccio, où là aussi les drapeaux étaient en berne, son corps a été escorté en silence par des milliers de personnes, jusqu'à 4.000 selon les autorités.

40 000 manifestants pour Erignac

L'inhumation aura lieu vendredi après-midi, à Cargèse (Corse-du-Sud), fief familial des Colonna, un hameau de 1.300 habitants dans l'Ouest de l'île. Le père Antoine Forget, dit père "Tony", de l'église latine du village, qui compte également une paroisse de rite byzantin, a précisé à l'AFP qu'un frère diacre dirait quelques mots sur le défunt.

Si une foule importante est attendue, seules 150 personnes pourront se glisser dans l'église, a précisé le prêtre.

L'agression en prison d'Yvan Colonna, par un détenu condamné pour "association de malfaiteurs terroriste", alors qu'il demandait depuis des années à purger sa peine en Corse mais se heurtait à une fin de non-recevoir de l'Etat, a soulevé une vague de colère dans l'île.

Le drame a aussi fait ressurgir la question de l'autonomie pour cette île-région de 340 000 habitants.

Au plus fort de la mobilisation contre l'"Etat français assassin", le principal mot d'ordre des manifestants, 7.000 personnes selon les autorités et 15.000 selon les organisateurs ont manifesté à Bastia le 13 mars. Des chiffres très éloignés cependant de la mobilisation qu'avait déclenchée dans l'île l'assassinat du préfet Erignac, avec près de 40 000 personnes dans les rues. Une affluence historique jamais égalée depuis.

Ces manifestations émaillées de violences et qualifiées d'"émeutes" par les autorités ont finalement poussé le ministre de l'Intérieur à venir en Corse, où il s'est engagé à ouvrir des discussions, notamment sur les conditions d'une possible autonomie. Une démarche qui a permis de ramener le calme dans l'île.

"M. Erignac, je le connaissais, je le voyais sur le marché, c'était un homme adorable, et j'ai aussi défilé pour lui, comme je défile pour Yvan Colonna, parce que je suis une femme de paix", a déclaré à l'AFP Solange, 71 ans, venue jeudi avec son mari au funérarium pour présenter ses condoléances.


Nucléaire: Macron fera lundi un point d'étape des projets de petits réacteurs innovants

Emmanuel Macron présidera lundi un conseil de politique nucléaire qui se penchera sur les projets de petits réacteurs innovants, pour "concentrer" le soutien de l'Etat sur "les plus prometteurs", ainsi que sur l'approvisionnement en uranium dans un contexte mondial de retour en grâce de l'atome, a annoncé vendredi l'Elysée à la presse. (AFP)
Emmanuel Macron présidera lundi un conseil de politique nucléaire qui se penchera sur les projets de petits réacteurs innovants, pour "concentrer" le soutien de l'Etat sur "les plus prometteurs", ainsi que sur l'approvisionnement en uranium dans un contexte mondial de retour en grâce de l'atome, a annoncé vendredi l'Elysée à la presse. (AFP)
Short Url
  • Celle-ci, lundi matin, doit faire un "point d'étape important" sur les "petits réacteurs innovants", aussi appelés SMR ("small modular reactors") ou AMR ("advanced modular reactors"), a précisé l'Elysée
  • Mais plus d'une dizaine de projets ont émergé, avec des "technologies extrêmement variées", créant une "vraie dynamique", s'est félicitée la présidence

PARIS: Emmanuel Macron présidera lundi un conseil de politique nucléaire qui se penchera sur les projets de petits réacteurs innovants, pour "concentrer" le soutien de l'Etat sur "les plus prometteurs", ainsi que sur l'approvisionnement en uranium dans un contexte mondial de retour en grâce de l'atome, a annoncé vendredi l'Elysée à la presse.

Il s'agira de la quatrième réunion de ce genre depuis le discours du président fin 2022 à Belfort, qui avait fait du nucléaire, une énergie bas carbone, un axe majeur de la politique énergétique française pour réduire les émissions de gaz à effet de serre responsables du changement climatique.

Celle-ci, lundi matin, doit faire un "point d'étape important" sur les "petits réacteurs innovants", aussi appelés SMR ("small modular reactors") ou AMR ("advanced modular reactors"), a précisé l'Elysée. Le chef de l'Etat veut en faire un pilier de sa stratégie et a fixé l'objectif d'en avoir deux en France à l'horizon 2030.

Mais plus d'une dizaine de projets ont émergé, avec des "technologies extrêmement variées", créant une "vraie dynamique", s'est félicitée la présidence.

Sur la base des expertises des derniers mois, au sujet des contraintes en matière de combustibles ou des sites d'implantation, le conseil va étudier les "projets le plus prometteurs", "qui ont le plus de chances d'arriver rapidement et d'avoir le meilleur effet d'entraînement", a expliqué un conseiller de M. Macron. Objectif: "concentrer" sur ces projets le soutien financier de l'Etat.

La réunion doit aussi permettre une "rapide revue" du programme de construction de six nouveaux gros réacteurs EPR2, en vue de "lancer assez rapidement" les discussions sur le plan de financement avec la Commission européenne. L'Elysée a relevé que Bruxelles avait validé le financement de la centrale tchèque de Dukovany essentiellement par un prêt de l'Etat à taux zéro, semblant y voir une source d'inspiration.

Enfin, le conseil doit analyser les "tensions importantes" sur la demande d'uranium, combustible des réacteurs nucléaires, en raison de la dynamique de cette filière.

"Les principaux fournisseurs d'uranium au monde aujourd'hui sont au Canada, en Afrique et en Asie centrale", et "il est important de donner les moyens aux entreprises du secteur français et notamment à Orano (ex-Areva) de poursuivre une politique qui garantisse l'approvisionnement en uranium du pays", a affirmé la présidence. "On a des stocks", mais il faut "se donner de la visibilité sur dix, vingt ou trente ans" pour "garantir la souveraineté de l'ensemble de la filière", a-t-elle fait valoir.


Un collectif de binationaux déplore de devoir «sans cesse prouver leur appartenance» à la France

Il y a une dizaine de jours, le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, avait déjà dénoncé les "faiseurs de peurs" qui nourrissent "une éternelle mise en procès" de l'immigration algérienne. (AFP)
Il y a une dizaine de jours, le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, avait déjà dénoncé les "faiseurs de peurs" qui nourrissent "une éternelle mise en procès" de l'immigration algérienne. (AFP)
Short Url
  • Fin février, le Premier ministre français François Bayrou a menacé de "dénoncer" l'accord de 1968 qui donne un statut particulier aux Algériens en France, si l'Algérie ne reprenait pas ses ressortissants en situation irrégulière
  • Le dirigeant centriste a par ailleurs évoqué la nécessité début février d'un large débat sur ce que "c'est qu'être Français"

PARIS: Un collectif de binationaux, parmi lesquels le recteur de la Grande mosquée de Paris, déplore les débats "normalisant l'idée que certains Français devraient sans cesse prouver leur appartenance" à la nation, dans une tribune publiée vendredi dans le quotidien Le Monde.

"Aujourd'hui, des voix s'élèvent pour faire de l'identité une forteresse (...) Ces voix ne sont pas seulement celles de l'extrême droite ; elles s'infiltrent insidieusement dans le discours public, normalisant l'idée que certains Français devraient sans cesse prouver leur appartenance, alors que d'autres en seraient les dépositaires naturels", écrit cette vingtaine de personnalités, pour la plupart franco-algériennes, en pleine crise diplomatique entre Alger et la France.

"Les polémiques autour de l'immigration, de la laïcité, de l'identité nationale ne cessent de nous rappeler que notre présence dérange, que nos noms, nos visages, nos traditions sont perçus comme des fissures dans l'unité du pays", écrivent les signataires, parmi lesquels les ex-ministres Fadila Khattabi et Tokia Saïfi.

Fin février, le Premier ministre français François Bayrou a menacé de "dénoncer" l'accord de 1968 qui donne un statut particulier aux Algériens en France, si l'Algérie ne reprenait pas ses ressortissants en situation irrégulière.

Le dirigeant centriste a par ailleurs évoqué la nécessité début février d'un large débat sur ce que "c'est qu'être Français".

"Devons-nous, pour être pleinement français, renier nos origines (...) ? Devons-nous nous soumettre à un patriotisme d'exclusion, à une fraternité à géométrie variable, où nous serions toujours les derniers invités ? Non", s'insurgent les auteurs de la tribune signée par des médecins, avocats, recteurs ou responsables du monde associatif. "Notre identité n’est pas un fardeau, mais une richesse".

Il y a une dizaine de jours, le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, avait déjà dénoncé les "faiseurs de peurs" qui nourrissent "une éternelle mise en procès" de l'immigration algérienne.

 


Narcotrafic: le long du tram à Avignon, la fusillade de trop

Short Url
  • Une quinzaine de douilles sont retrouvées, certaines dans des voitures ou des appartements. L'un tirait à la kalachnikov, l'autre au pistolet automatique, selon une source policière
  • Au moment où l'Assemblée nationale discutera à partir de lundi de la proposition de loi "visant à sortir la France du piège du narcotrafic", Avignon - comme Grenoble ou Rennes -, est un exemple de ces villes moyennes rattrapées par ce fléau

AVIGNON: Il est 17H00 dimanche 2 mars, le tramway circule sur la Rocade à Avignon quand soudain des hommes sur deux scooters commencent à se tirer dessus. Le chauffeur du tram accélère, grille des feux. Par miracle, personne n'est blessé. Mais c'est la fusillade de trop.

Une quinzaine de douilles sont retrouvées, certaines dans des voitures ou des appartements. L'un tirait à la kalachnikov, l'autre au pistolet automatique, selon une source policière.

Au moment où l'Assemblée nationale discutera à partir de lundi de la proposition de loi "visant à sortir la France du piège du narcotrafic", Avignon - comme Grenoble ou Rennes -, est un exemple de ces villes moyennes rattrapées par ce fléau.

Quelques jours plus tôt, trois autres fusillades avaient fait plusieurs blessés. Et un jeune homme de 21 ans avait été tué à l'arrêt de tram "Barbière-Cap Sud", dans un probable règlement de compte avec les dealers de la cité Saint-Chamand, au terminus de la ligne. Une poussette passait par là.

"Avant ça rafalait à une heure du matin pour se montrer. Après on est parti sur les +jambisations+, on vient tirer sur un membre inférieur de quelqu'un. Maintenant la nouveauté c'est que ça se passe beaucoup plus tôt et c'est beaucoup plus violent", explique à l'AFP le commissaire Charles Barion, responsable de la police judiciaire de cette ville du Vaucluse, l'un des départements les plus pauvres de France.

Et tout se déroule le long de l'unique ligne du tram, inaugurée en 2019 et qui devait désenclaver les quartiers sud de la cité des papes, classée à l'Unesco. "Le tram fait le tour de tous les points de deal" et "c'est le moyen de transport le plus sûr pour les dealers", relève le commissaire.

A deux pas du tram Barbière, le "menu" de la drogue taggé sur un mur et des inscriptions "Drive" témoignent d'un trafic bien rodé. Le point de deal "Coffee 2c Barbiere" est même référencé sur Google Maps !

Ados confinés 

"On se sent en danger, sur la lune on serait bien. Ici c'est comme un p'tit Marseille", lâche une habitante, Hélène Avcioglu, 52 ans.

"Mes parents m'interdisent de sortir", témoigne Kévin 17 ans, sauf pour un bowling ou faire un peu de sport le week-end. Le lycéen ne cache pas sa peur: "quand ça commence à tirer comme ça, ça nous concerne tous".

En 2021, l'assassinat en plein jour du policier Eric Masson par un petit dealer de 19 ans, condamné à 30 ans de prison, avait traumatisé la ville. Depuis la situation ne s'est pas améliorée.

Avec ces récentes fusillades, les élus ont à nouveau exigé des renforts permanents de forces mobiles et le démantèlement des 12 points de deal identifiés qui peuvent rapporter quotidiennement entre 20 et 40.000 euros.

Les chauffeurs du tram, qui transporte 10.000 personnes par jour, ont marqué le coup en arrêtant de desservir ces quartiers pendant une semaine, réclamant d’hypothétiques "garanties pour ne pas se retrouver sous le feu des balles", selon André Saliba, délégué FO du réseau de transports Orizo.

Le sentiment d'impuissance est fort. Dans un courrier au ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, la maire socialiste, Cécile Helle, reconnaît que la rénovation urbaine, la bibliothèque, les "initiatives culturelles et sportives", la centaine de policiers municipaux, les 530 caméras de vidéosurveillance déployées, tout cela vient "se fracasser à la réalité d'une société dans laquelle la violence s'est banalisée à tous les coins de rue".

"Place nette"... ou "vide" ? 

Depuis une dizaine de jours, une soixantaine de CRS et une quinzaine de CRS à moto sont déployés et patrouillent notamment aux abords des transports, selon la préfecture. Mais pour combien de temps ?

En tous cas, un calme précaire est revenu.

"Il y a maintenant la police H24. Avec les impôts qu'on paie ils pourraient nous mettre l'armée", lance un employé du bailleur social Grand Delta Habitat.

Mais si "on veut reprendre une France comme on l'aime, il faut aussi rouvrir des maisons de quartiers. Avant, on avait des MJC, la police de proximité, mais Sarkozy a tout nettoyé au karcher", a-t-il poursuivi, estimant que ces quartiers vivent aujourd'hui les conséquences des décisions prises par l'ancien président de la République et ex-ministre de l'Intérieur.

L'actuel locataire de la place Beauvau, Bruno Retailleau, a promis la semaine dernière au Sénat de "combattre ces narcoracailles" avec une "réponse globale", judiciaire, sécuritaire et administrative.

"Votre prédécesseur, Gérald Darmanin, enchaînait les opérations spectaculaires +place nette+. Mais une place nette, sans projet c'est une place vide", lui lançait juste avant le sénateur PS du Vaucluse, Lucien Stanzione.