PARIS : Le projet d'Emmanuel Macron de demander, s'il est réélu, un effort de 10 milliards d'euros aux collectivités et de supprimer un impôt sur les entreprises ravive la défiance des élus locaux après un quinquennat déjà marqué par de fortes tensions.
Dominées par l'opposition, les associations d'élus craignent que le président sortant "souffle sur les braises" avec ses propositions, comme le dit à l'AFP André Laignel, le premier vice-président PS de l'influente Association des maires de France (AMF).
Le premier mandat d'Emmanuel Macron a été marqué par des relations houleuses avec les collectivités, comme l'ont démontré les sifflets contre le président fraîchement élu, lors du congrès de l'AMF de 2017 ou le hashtag #balancetonmaire lancé un an plus tard par la macronie contre les élus qui augmentaient la taxe foncière pour compenser la suppression de la taxe d'habitation.
Et s'il est réélu le 24 avril prochain, son projet dévoilé il y a une semaine augure déjà d'une nouvelle foire d'empoigne avec les élus locaux: d'une part, M. Macron attend des économies de la part de l'ensemble des collectivités, d'autre part la suppression de la fraction restante d'un impôt sur les entreprises appelé CVAE afin de "renforcer la compétitivité des entreprises".
Avec un programme dont le coût s'élève à 50 milliards par an, les collectivités s'interrogent sur l'effort qui leur sera demandé.
"Quand c'est flou, il y a un loup", explique à l'AFP Xavier Bertrand, le président des Hauts-de-France et conseiller LR de la candidate Valérie Pécresse.
Craignant que l'effort d'économies demandé aux régions ne s'élève en réalité à 15 milliards par an, il déplore qu'il y ait "de la part d'Emmanuel Macron une vraie part de défiance. N'étant pas élu local, il n'est pas possible pour lui d'en comprendre les logiques", observe-t-il.
Le rapporteur du budget Laurent Saint-Martin (LREM) confirme qu'il s'agit bien de 10 milliards.
Il s'amuse d'ailleurs de la réaction de LR dont la candidate accuse le président de "cramer la caisse": "Je suis un peu étonné qu'un camp politique se targuant de la nécessité de (réduire) la dépense publique ne sache pas l'assumer à l'échelon local."
"On sait très bien que l'on peut faire des économies sans mettre à mal les services publics de proximité qui sont assumés par les collectivités", insiste-t-il.
De la « visibilité»
Quant à la CVAE, une première fraction, qui revenait aux régions, avait déjà été éliminée il y a deux ans dans le cadre du plan de relance sans trop de remous, l'exécutif la compensant par de la TVA.
Mais M. Macron n'a pas expliqué non plus comment il compenserait la suppression de la part restante, qui rapporte 7 milliards par an et est source de financement principalement des intercommunalités.
"Suppression de la CVAE et, en plus, une baisse de 10 milliards: que nous reste-t-il comme marge de liberté d'action ?", s'interroge M. Laignel qui déplore que l'éventuel recours à la TVA pour la compenser ne prive encore de plus d'autonomie fiscale.
"M. Macron a décidé que nous ne devions être que des sous-traitants dotés de budgets annexes de ceux de l'Etat", regrette le maire d'Issoudun.
M. Saint-Martin s'est voulu rassurant lors de son audition mardi par France urbaine, qui regroupe les principales métropoles françaises et l'Association des Intercommunalités de France (ADCF), en d'autres termes les collectivités concernées au premier chef par une éventuelle suppression de la CVAE.
Il a évoqué la possibilité de compenser cette suppression par de la TVA: "On l'a fait avec pour les régions et cela leur a permis de passer l'année blanche de CVAE", a-t-il expliqué. "On peut imaginer la même chose sur le bloc communal sans difficulté, l'essentiel étant qu'il ne soit pas perdant".
Des propos qui n'ont pas rassuré Sébastien Martin, le président LR de l'ADCF et du Grand Chalon (Saône-et-Loire): "Ce n'était pas clair du tout. Nous ne sommes pas contre encourager la réindustrialisation du pays, bien au contraire, mais il nous faut de la visibilité" a-t-il réagi auprès de l'AFP.