PARIS : Sujet brûlant de cette fin de campagne, le dossier corse, avec la mort d'Yvan Colonna et l'ouverture prochaine de pourparlers avec les élus locaux, a mis mardi le président-candidat Macron sous le feu des critiques des autres prétendants à l'Elysée.
A 19 jours du premier tour, le chef de l'Etat sortant a appelé sur France Bleu "au calme et à la responsabilité" en Corse, parce que "dans ce contexte, le plus important est que le calme se maintienne, que les discussions se poursuivent", a-t-il souligné.
L'agression le 2 mars dans la prison d'Arles du militant condamné à la perpétuité pour l'assassinat du préfet Erignac avait provoqué des manifestations parfois violentes, et poussé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin à se rendre sur l'île. Yvan Colonna est décédé lundi soir après trois semaines de coma.
Le calme est depuis revenu, mais l'exécutif surveille la situation comme le lait sur le feu. Et Matignon a fait un geste d'apaisement mardi en autorisant le transfèrement d'Alain Ferrandi et Pierre Alessandri, complices d'Yvan Colonna, "d'ici la mi-avril" dans la prison de Borgo en Corse.
Le calme sur l'île est un préalable posé par Emmanuel Macron avant une discussion entre Etat et élus locaux qui s'ouvrira début avril.
«Clarifier» rapidement
Les concurrents d'Emmanuel Macron dans la course à la présidence ont trouvé dans le toujours très sensible dossier corse l'occasion de tirer à boulets rouges sur Emmanuel Macron, grand favori du scrutin, l'accusant d'électoralisme, de faiblesse face à la violence et d'inaction depuis cinq ans.
"Le gouvernement doit s’expliquer" sur les "très nombreuses questions" posées par "les circonstances" de l'agression, a exhorté la candidate RN Marine Le Pen.
La mort d'Yvan Colonna signifie que "le jihad continue même en prison" et que "l’Etat d’Emmanuel Macron ne tient rien, ne maîtrise rien", a accusé l'autre candidat d'extrême droite, Eric Zemmour (Reconquête!).
La candidate LR Valérie Pécresse pose elle aussi le préalable du "retour à l'ordre" et se montre ouverte à la piste de l'autonomie, sous certaines conditions: "si on donne de l'autonomie, il faut que ce soit avec des obligations de résultat".
"Appel au calme" également de l'écologiste Yannick Jadot, qui dénonce encore la "responsabilité" d'Emmanuel Macron pour avoir laissé "traîner" les discussions et prône une "autonomie de plein exercice, de plein droit, de la Corse".
"Le groupe de la France insoumise à l'Assemblée nationale est favorable" à la création d'une commission d'enquête "pour déterminer la réalité des événements et créer une situation d'apaisement", a expliqué pour sa part Manuel Bompard, directeur de la campagne de Jean-Luc Mélenchon (LFI).
Hidalgo pilonne l'idée d'un «vote utile» pour Mélenchon
La candidate socialiste Anne Hidalgo a pilonné mardi l'idée d'un "vote utile" en faveur de Jean-Luc Mélenchon, le mieux placé à gauche dans les sondages pour la course à l'Elysée, en étrillant en particulier ses positions sur le conflit en Ukraine.
"La gauche de M. Mélenchon (.) c'est l'impasse, c'est le vote le moins utile du monde", a-t-elle lancé en soirée lors d'un meeting à Limoges avec l'ancien président François Hollande.
Une domination de la gauche par le leader de la France Insoumise signifierait "la fin de tout espoir d'avoir un gouvernement de gauche dans ce pays", a-t-elle poursuivi.
Le "soi-disant vote utile" émane "de ceux qui veulent que la gauche ne gouverne pas", a-t-elle ajouté.
"Le vote utile, c'est le vote de la gauche qui se coltine le réel pour aller vers l'idéal", a répliqué la socialiste devant les quelque 400 à 500 personnes venues au meeting de la candidate.
«Quoi qu'il en coûte sur l'essence»
Accusé de fuir le débat, Emmanuel Macron a défendu son bilan et répondu mardi aux questions des auditeurs de France Bleu pendant une heure. Sur le pouvoir d'achat, il a rappelé les mesures du gouvernement pour absorber la flambée des prix de l'énergie, vantant "un quoi qu'il en coûte sur l'essence".
Le candidat a rappelé sa promesse d'"un chèque alimentaire pour aider les ménages les plus modestes et les classes moyennes".
Mais au sein d'une gauche divisée, l'ascension dans les sondages du candidat insoumis, qui s'est hissé à la troisième place, est mal vécue.
«Reconstruire la gauche»
Une "initiative devra être prise pour reconstruire la gauche de responsabilité", a-t-il lancé. "J'y prendrai toute ma part".
Dans cette drôle de campagne, d'abord éclipsée par le Covid puis maintenant rythmée par la guerre en Ukraine, le président ukrainien Volodymyr Zelensky interviendra mercredi à 15H00 en direct par vidéo devant les députés et sénateurs français.
Emmanuel Macron a dénoncé mardi l'usage par la Russie "d'armes explosives dans des zones densément peuplées", estimant que "tout, dans l’agression de l’Ukraine par la Russie, est inacceptable".
Il s'est de nouveau entretenu mardi pendant une heure avec Vladimir Poutine - le 8ème entretien téléphonique entre les deux hommes depuis l'offensive russe le 24 février - , sans que se dégage toutefois un accord pour le cessez-le-feu réclamé par le président français.