DJEDDAH : Visant à représenter la complexité de l’histoire, des peuples, des langues, des religions et des idéologies de la région, l’Institut Misk Art a lancé sa première exposition de photographie et d’art numérique, intitulée « IMPRINT — Re-Imagining Identity, cette semaine. Elle explorera le concept d’identité dans la région du Conseil de coopération du Golfe (CCG).
L’exposition a lieu à la salle des beaux-arts Prince Faysal Ben Fahed à Riyad, qui a rouvert ses portes après une restauration.
Cette exposition propose une visite virtuelle bien conçue. Les visiteurs virtuels bénéficient d'une expérience intégrée, peuvent naviguer facilement dans les différentes sections de la salle, visualiser toutes les œuvres en détail et recevoir toutes les informations nécessaires sur les œuvres.
Ces dernières reflètent le concept d’identité, représentant le passé, le présent et l’avenir des peuples du pays, des villes et de la région. Elles détournent le regard de la politique, de la richesse pétrolière et de la religion attribuées au Golfe et proposent à la place des récits nouveaux et personnels.
Le photographe saoudien Bader Awwad Al-Balawi a participé avec une série de typologies autour des balilah kushks (kiosques de pois chiches bouillis) basés sur la côte de la région est de l’Arabie saoudite. Ils vendaient différents types de nourriture et de boissons mais étaient surtout connus pour leur balilah, plat traditionnel constitué essentiellement de pois chiches bouillis servis dans un bol avec des épices et des cornichons.
« Je passais quotidiennement près de ces balilah kushks ; ils sont situés sur la même ligne le long de la côte dans la province est, et vendent tous le même plat », explique M. Al-Balawi à Arab News.
Il a décidé de présenter son œuvre sous forme de typologie constituée de 12 photos. « C’était une expérience intéressante pour moi — je voulais me lancer le défi de présenter quelque chose de commun de manière artistique », affirme M. Al-Balawi. « Cependant, j’ai progressivement réalisé l’importance de ce projet, surtout que ces kushks ont été retirés par la municipalité un an plus tard et remplacés par des camions-restaurants ».
Ceci signifiait que, sans ses images, il ne resterait que très peu de traces de leur existence.
"A chaque saison de Hajj, des centaines de photos sont laissées sur le sol"
« Ce projet a joué un rôle important de documentation et a été sélectionné pour le prix Art Jameel », mentionne-t-il. « Les kushks font partie de notre identité, car ils faisaient partie de nos activités de fin de semaine dans le passé. J'adore ce projet car il me représente personnellement, en tant que client, photographe et observateur des changements qui se produisent dans la région ».
Ajlan Gharem, artiste multidisciplinaire basé à Riyad, a également participé à l’exposition avec deux œuvres de son installation Polaroid « Montagne de la miséricorde » (Mount of Mercy, en anglais), une grande série de photos, de lettres cachées et d’objets personnels qui ont été laissés par les pèlerins au Mont Arafat durant le Hajj annuel à la Mecque et que l’artiste a collectés.
Le rassemblement au Mont Arafat est un rituel central du Hajj au deuxième jour du pèlerinage. Il est également connu sous le nom de « Montagne de la miséricorde » et est l’endroit où le Prophète Mahomet aurait donné son dernier sermon.
Selon M. Gharem, à chaque saison de Hajj, des centaines de photos sont laissées sur le sol ou cachées entre les rochers, certaines portant des messages de supplication écrits sur leur dos, certaines prises pendant le Hajj et d'autres clairement apportées de l'étranger pour y être laissées.
Ces restes rituels sont régulièrement collectés et brûlés par la police religieuse saoudienne. En préservant ces objets déposés, M. Gharem a documenté ce rituel peu discuté et l'a transformé en une représentation de la foi collective.
Outre cette exposition, L’Institut Misk Art a également ouvert ses portes aux artistes amateurs et a présenté 19 œuvres dans une section spécifique.
Fay Ibrahim, de Jubail, faisait partie des artistes amateurs sélectionnés, avec deux photos de montagnes prises à Najran, au sud-ouest de l’Arabie saoudite. « C’est la deuxième fois que je participe à une exposition, et c’est vraiment une expérience exceptionnelle de voir les photos que j’ai prises avec mon portable affichées sur un mur aux côtés d’œuvres réalisées par différents artistes », s’enthousiasme Mme. Ibrahim.
Expliquant l'idée derrière ses photos, elle indique : «Ces immenses et magnifiques montagnes me rappellent que nous devons rester forts et pleins d'espoir cette année. Elles sont toujours debout malgré la pluie, le vent et les tempêtes de sable. Elles restent impressionnantes malgré toutes leurs fissures. Nous devrions être fiers de nous rappeler que les cicatrices font partie de nous et qu'elles sont ce qui nous construit, faisant de nous ce que nous sommes ».
Elle a ajouté qu'il était utile pour les artistes locaux d'avoir une plate-forme pour exposer leur travail et établir de nouvelles relations avec d'autres artistes de toute la région.
La commissaire de l'exposition est la chercheuse et écrivaine bahreïnie Latifa Al-Khalifa. Elle explore la culture du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, en mettant l'accent sur le Golfe arabique.
Les personnes qui désirent visiter l'exposition peuvent commencer leur visite virtuelle ou réserver leur billet via le lien suivant : https://miskartinstitute.org/exhibitions/imprint
L'exposition se poursuivra jusqu'au 28 janvier 2021.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com