Face à la guerre en Ukraine, le Vatican dans un difficile exercice de funambule

Cette photo prise et distribuée le 16 mars 2022 par les médias du Vatican montre le pape François (avant, droite) en train de parler avec le patriarche orthodoxe russe Kirill (arrière, 2e gauche, à l'écran de télévision) lors d'une audience virtuelle par liaison vidéo au Vatican. (Polycopié/Vatican Media/AFP)
Cette photo prise et distribuée le 16 mars 2022 par les médias du Vatican montre le pape François (avant, droite) en train de parler avec le patriarche orthodoxe russe Kirill (arrière, 2e gauche, à l'écran de télévision) lors d'une audience virtuelle par liaison vidéo au Vatican. (Polycopié/Vatican Media/AFP)
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Publié le Samedi 19 mars 2022

Face à la guerre en Ukraine, le Vatican dans un difficile exercice de funambule

  • Dès l'invasion russe de l'Ukraine, le 24 février, le Saint-Siège n'a pas ménagé ses efforts pour parvenir à un cessez-le-feu
  • Bien que le pape prenne le soin de ne pas nommer la Russie en tant qu'agresseur, «il est inévitablement considéré comme juge et partie»

CITE DU VATICAN, Saint-Siège : Maintenir le dialogue avec l'Eglise orthodoxe russe sans avoir l'air de trahir les millions de catholiques ukrainiens: depuis le début de la guerre, le Vatican se voit contraint à un délicat exercice de funambule diplomatique dans l'espoir de jouer les médiateurs.

«Disposition» à aider dans les négociations, visite inédite du pape à l'ambassade de Russie, conversations téléphoniques... Dès l'invasion russe de l'Ukraine, le 24 février, le Saint-Siège n'a pas ménagé ses efforts pour parvenir à un cessez-le-feu.

Pourtant, la mécanique arbitrale du Saint-Siège, qui s'est illustrée par le passé comme lors du différend territorial entre l'Argentine et le Chili en 1984 ou le rapprochement entre Cuba et les Etats-Unis en 2014, paraît moins puissante depuis le début de la guerre.

Bien que le pape prenne le soin de ne pas nommer la Russie en tant qu'agresseur, «il est inévitablement considéré comme juge et partie», souligne Bernard Lecomte, spécialiste du Vatican et de l'Europe de l'Est, rappelant qu'il y a en Ukraine «cinq à six millions de catholiques» de rite byzantin.

De ce fait, le Vatican se voit contraint à jouer les équilibristes, en condamnant moralement la guerre tout en ménageant la Russie et son Eglise orthodoxe, au premier rang de laquelle le patriarche Kirill, proche allié du président Vladimir Poutine et pilier de son système.

Car depuis plusieurs années, le Saint-Siège est engagé dans un réchauffement avec l'Orthodoxie russe, une politique qui a abouti, en 2016, à une rencontre historique entre le pape et Kirill, une première depuis le schisme de 1054 entre chrétiens d'Orient et d'Occident. En décembre, le souverain pontife avait même laissé entrevoir une nouvelle rencontre avec son «frère», «à un horizon proche», désormais plus que jamais compromise.

«Tournant»

Alors que la modération du Vatican lui avait déjà valu les critiques de certains observateurs la jugeant trop permissive, cette position est d'autant moins comprise depuis que le haut prélat russe a justifié l'opération militaire, y voyant un affrontement contre les «forces du mal» qui «combattent l'unité» historique entre la Russie et l'Ukraine.

Ces propos ont contraint François, qui s'était jusqu'alors cantonné à multiplier les appels à la paix, à sortir de sa réserve, désignant la Russie en filigrane. Il a fustigé une «agression armée inacceptable» et le «massacre» d'«innocents», évoqué le personnage biblique de Caïn ayant tué son frère Abel, puis déploré vendredi un «abus pervers du pouvoir».

Ces déclarations «compromettent encore plus son impartialité», relève l'historien norvégien Stein Tønnesson, membre du Peace Research Institute d'Oslo, qui se dit «pessimiste» quant aux chances du Vatican de jouer un rôle de médiateur.

«Il y a un vrai tournant: cela pousse la diplomatie vaticane hors de ses retranchements de Realpolitik», analyse Constance Colonna-Cesari, autrice du livre «Dans les secrets de la diplomatie vaticane».

De son côté, Kirill est lui-même mis en difficulté par les protestations d'une partie de son clergé en Ukraine qui exige de rompre tout lien avec le patriarcat de Moscou.

«Infime possibilité»

Au côté de ses efforts diplomatiques, où la discrétion est toujours de mise, le Vatican s'active sur le plan humanitaire, via ses réseaux d'aide aux réfugiés ou l'envoi de cardinaux sur le terrain. Mais François tient à laisser ouverte une autre porte: le dialogue religieux.

Mercredi, lors d'un appel vidéo entre le pape et Kirill, le Saint-Père a déclaré que l'Eglise «doit éviter le langage de la politique», appelant à «unir les efforts pour aider la paix».

«L'oecuménisme est un corollaire de l'action diplomatique et réciproquement», explique Constance Colonna-Cesari, rappelant «le poids du patriarcat orthodoxe dans le pouvoir russe». «Et ce n'est pas seulement un calcul: François est animé d'une vraie fibre pour le dialogue interreligieux».

Jorge Mario Bergoglio «a intérêt à se cantonner au spirituel, à jouer des valeurs, des symboles, des références mais surtout sans parler politique, ce qui le discréditerait immédiatement», renchérit Bernard Lecomte.

Vendredi, le jésuite argentin a convié les évêques du monde entier à participer le 25 mars à une cérémonie pour la Russie et l'Ukraine à la basilique Saint-Pierre. «Tant que l'on restera sur le plan spirituel, il y aura une infime possibilité de dialogue. On sait dans l'histoire que ces canaux là, à un moment, peuvent être très précieux».


L'Otan en plein doute sur son avenir face à la tempête Trump

Le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, s'exprime lors d'une conférence et d'une réunion avec des étudiants de l'École d'économie de Varsovie (SGH), à Varsovie (Pologne), le 26 mars 2025. (Photo Wojtek RADWANSKI / AFP)
Le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, s'exprime lors d'une conférence et d'une réunion avec des étudiants de l'École d'économie de Varsovie (SGH), à Varsovie (Pologne), le 26 mars 2025. (Photo Wojtek RADWANSKI / AFP)
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  • Sous les coups de butoir de Donald Trump et de son équipe, l'Organisation du traité de l'Atlantique nord, vieille dame de plus de 75 ans, doit rapidement changer.
  • les États-Unis restent membres de l'OTAN, y compris pour la dissuasion nucléaire, mais se désengagent des forces conventionnelles, comme l'a évoqué le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth. 

BRUXELLES : Les tirs de barrage américains contre les pays européens de l'Otan ébranlent jusqu'aux fondements de l'Alliance atlantique, qui a cependant toutes les peines du monde à imaginer un avenir sans les États-Unis.

Sous les coups de butoir de Donald Trump et de son équipe, l'Organisation du traité de l'Atlantique nord, vieille dame de plus de 75 ans, doit rapidement changer. Un diplomate interrogé sous couvert d'anonymat décrit l'agressivité de la nouvelle administration américaine comme un « traumatisme ».

Ce changement se fera-t-il avec ou sans les États-Unis ? La question agite les couloirs du siège de l'Alliance à Bruxelles.

« On connaît la direction : moins d'États-Unis et plus d'Europe », résume un diplomate sous couvert d'anonymat. Cependant, de nombreuses questions restent en suspens.

En deux mois, Donald Trump s'en est pris au Canada qu'il entend voir devenir le 51ᵉ État américain, et au Danemark, dont il revendique l'un des territoires, le Groenland. 

Plusieurs responsables américains, dont le vice-président J. D. Vance, n'ont pas caché leur mépris à l'égard des Européens, considérés comme des « profiteurs » et des passagers clandestins d'une alliance où, dénoncent-ils, ils ne paient pas leur dû.

Depuis le 20 janvier, date du retour de Donald Trump à la Maison Blanche, « l'optimisme est de moins en moins de mise », confie un diplomate. « Les États-Unis n'ont pas encore pris de décisions concrètes, mais on dirait que chaque jour est porteur d'un nouveau coup contre les fondations de l'Alliance. »

- Transition « désordonnée » -

Pour Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l'Otan et chercheur auprès de l'ECFR, trois scénarios sont possibles.

Celui de la transition ordonnée : les Américains se désengagent, mais en bon ordre, à la suite d'une négociation qui donne aux Européens le temps de se préparer. « Cela permet d'éviter les incertitudes », assure-t-il dans un entretien avec l'AFP.

Celui de la transition « désordonnée » : les États-Unis restent membres de l'OTAN, y compris pour la dissuasion nucléaire, mais se désengagent des forces conventionnelles, comme l'a évoqué le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth. 

Le retrait se fait « en mode crise », avec des « menaces et des annonces désordonnées ». C'est « le scénario dominant » aujourd'hui, estime l'analyste.

Il y a aussi le scénario cauchemar pour nombre d'Alliés : le retrait « de facto ou de jure ». Les États-Unis se désintéresseront de la défense du continent européen.

Donald Trump exige que les Européens et les Canadiens consacrent au moins 5 % de leur PIB à cette défense, alors qu'ils sont à moins de 2 % pour l'Italie ou l'Espagne. La marche est très haute. Mais tous savent qu'il faudra « annoncer » quelque chose au sommet de l'OTAN en juin, selon un diplomate.

Le Secrétaire général de l'Alliance Mark Rutte a évoqué un chiffre entre 3,5 et 3,7 %. Ce sera difficile, mais c'est une question de priorités dans les dépenses nationales, ajoute-t-il. 

Personne ne sait si ce chiffre sera suffisant pour Donald Trump.

- "Cinq ans" -

En attendant, beaucoup à Bruxelles et dans les autres capitales européennes s'interrogent sur un "après" Etats-Unis.

"Nous avons toujours su que le moment viendrait où l'Amérique se retirerait en quelque sorte et où l'Europe devrait faire davantage", rappelle ainsi Jamie Shea, ancien porte-parole de l'Otan et expert auprès du think tank londonien Chatam House.

Et le calendrier est très serré. Les Européens ont "cinq ans" pour recréer une dissuasion face à la menace russe, juge ainsi Camille Grand. Un calcul basé sur le temps jugé nécessaire, selon plusieurs services de renseignement, pour que la Russie reconstitue son armée et soit en mesure de menacer un pays de l'Otan, explique-t-il. 

Selon cet expert français, les Européens en sont capables, même si un investissement substantiel sera nécessaire pour combler l'apport américain en termes de renseignement, de satellites ou de logistique. « Il n'y a pas de raison que 500 millions d'Européens ne puissent pas dissuader 140 millions de Russes », assure-t-il.

Plusieurs pays en doutent. « Les États-Unis restent indispensables pour une dissuasion crédible », estime ainsi un diplomate européen auprès de l'Otan.


Le Wisconsin, théâtre d'une première défaite électorale pour Trump et Musk

 Donald Trump et Elon Musk. (Photo AFP)
Donald Trump et Elon Musk. (Photo AFP)
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  • Le président américain Donald Trump a essuyé mardi son premier revers électoral avec l'élection d'une juge démocrate dans le Wisconsin,
  • En Floride, deux législatives partielles ont également eu lieu mardi dans des circonscriptions solidement ancrées à droite et qui resteront dans l'escarcelle des républicains, selon les projections de plusieurs médias

WASHINGTON : Le président américain Donald Trump a essuyé mardi son premier revers électoral avec l'élection d'une juge démocrate dans le Wisconsin, un scrutin habituellement d'ampleur locale, marqué cette fois-ci par la forte implication d'Elon Musk.

Selon les projections de plusieurs médias américains, Susan Crawford, soutenue par les démocrates, a remporté un siège pour dix ans à la Cour suprême de cet État de la région des Grands Lacs.

Elle faisait face à Brad Schimel, soutenu par Donald Trump et par le multimilliardaire Elon Musk, et dont la victoire aurait fait basculer la haute instance du Wisconsin du côté conservateur.

En Floride, deux législatives partielles ont également eu lieu mardi dans des circonscriptions solidement ancrées à droite et qui resteront dans l'escarcelle des républicains, selon les projections de plusieurs médias.

Mardi soir, le président a mis à profit sa plateforme Truth Social pour se féliciter des deux « larges » victoires de son camp en Floride, mettant en avant son « soutien » aux candidats.

Il n'a en revanche pas commenté le résultat pour la Cour suprême du Wisconsin, préférant y retenir l'adoption, par un référendum organisé le même jour, d'une mesure obligeant les électeurs à présenter une pièce d'identité avec photo afin de pouvoir voter.

« C'est une grande victoire pour les républicains, peut-être la plus grande de la soirée », a-t-il écrit.

« Le plus important » 

Elon Musk n'a pas non plus réagi à la défaite de Brad Schimel, et a plutôt salué l'issue du référendum local. « C'était le plus important », a-t-il affirmé sur son réseau social X.

Le patron de Tesla et Space X s'inquiétait d'un potentiel rééquilibrage par la Cour suprême locale dans le découpage des circonscriptions électorales, en faveur des démocrates. État pivot, le Wisconsin avait été remporté par Donald Trump à la présidentielle de novembre.

« C'est l'une de ces situations étranges où une petite élection en apparence pourrait déterminer le destin de la civilisation occidentale », avait lancé Elon Musk mardi.

Le président républicain avait, lui, publié lundi sur Truth Social un message de soutien à Brad Schimel. Il s'en était surtout pris à Susan Crawford, qui serait, selon lui, « un désastre pour le Wisconsin et pour les États-Unis d'Amérique ».

Un peu plus de deux mois après le début de son mandat, les enquêtes d'opinion indiquent une baisse relative de la popularité de Donald Trump. Ces élections dans le Wisconsin et en Floride étaient les premières véritables épreuves auxquelles il faisait face dans les urnes depuis novembre.

Campagne onéreuse 

Mardi, le trumpiste Randy Fine a bien remporté le siège en jeu à la Chambre des représentants face au démocrate Josh Weil, mais avec une avance bien plus mince qu'il y a quelques mois.

Ces résultats ont « de quoi donner des sueurs froides à mes collègues républicains », a déclaré sur la chaîne MSNBC Hakeem Jeffries, responsable de la minorité démocrate à la Chambre des représentants. Cela fait écho à la difficulté de l'opposition à se faire entendre depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche.

Dans le Wisconsin, les deux camps avaient sorti l'artillerie lourde pour une élection qui, d'ordinaire, passe inaperçue dans le reste du pays.

Selon le Centre Brennan de l'université de New York, c'est « le scrutin judiciaire le plus coûteux de l'histoire américaine », avec plus de 98 millions de dollars déversés dans la campagne, dont 53 millions en faveur du candidat conservateur.

Elon Musk n'est pas étranger à cela.

« Il a dépensé plus de 25 millions de dollars pour essayer de m'empêcher de siéger à la Cour suprême du Wisconsin », a lancé dimanche Susan Crawford lors d'un rassemblement.

Son équipe de campagne avait récemment accusé Elon Musk de vouloir « acheter un siège à la Cour suprême du Wisconsin afin d'obtenir une décision favorable » dans des poursuites engagées par Tesla, son entreprise de véhicules électriques, contre les autorités du Wisconsin.


Amnesty International demande à la Hongrie d'arrêter M. Netanyahou

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. (Photo d'archives de l'AFP)
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. (Photo d'archives de l'AFP)
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  • Le Premier ministre israélien doit se rendre cette semaine dans un pays membre de la Cour pénale internationale
  • Cette visite " ne doit pas devenir un indicateur de l'avenir des droits humains en Europe "

LONDRES : Amnesty International a demandé à la Hongrie d'arrêter le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, à la suite d'informations selon lesquelles il se rendra dans cet État membre de l'UE mercredi à l'invitation de son homologue hongrois Viktor Orban.

M. Netanyahou fait l'objet d'un mandat d'arrêt délivré en novembre par la Cour pénale internationale en raison de la conduite d'Israël à Gaza.

M. Orban, proche allié de M. Netanyahu, a déclaré qu'il n'exécuterait pas le mandat. En tant qu'État membre, la Hongrie est tenue d'exécuter tout mandat d'arrêt délivré par la CPI.