LVIV: De nouvelles frappes russes ont visé dans la nuit une base militaire près de la frontière polonaise, faisant au moins 35 morts selon les autorités locales, tandis que près de Kiev, un journaliste américain a été tué par balle.
Le sud du pays continue également d'être pilonné et Kiev redoute toujours un encerclement au 18ème jour de l'invasion russe qui a fait près de 2,7 millions de réfugiés selon les chiffres de l'ONU dimanche, des réfugiés que le pape François appelle à accueillir d'urgence.
S'exprimant après son angélus dominical, le pape a jugé que la ville de Marioupol, port stratégique du sud de l'Ukraine situé sur la mer d'Azov, "est devenue une ville martyre dans la guerre atroce qui est en train de dévaster l'Ukraine".
Selon des sources concordantes, un journaliste américain a été tué et un autre blessé par balles dimanche à Irpin, à la lisière nord-ouest de Kiev. Il s'agit du premier journaliste étranger mort depuis le début de l'invasion russe le 24 février.
Les deux hommes ont été touchés alors qu'ils circulaient en voiture avec un civil ukrainien, également blessé, a précisé à l'AFP Danylo Shapovalov, un médecin engagé auprès des forces ukrainiennes. Un journaliste de l'AFP a vu le corps du journaliste tué, qui avait ses papiers sur lui le présentant comme Brent Renaud, 50 ans.
Dans la nuit, les forces russes ont frappé une base militaire à une vingtaine de km de la frontière polonaise, pays membre de l'OTAN, qui a servi ces dernières années de terrain d'entraînement aux forces ukrainiennes sous l'encadrement d'instructeurs étrangers, notamment américains et canadiens.
Elle était l'un des principaux centres servant aux exercices militaires conjoints entre les forces ukrainiennes et celles de l'Otan. C'est sur cette base qu'arrive une partie de l'aide militaire livrée à l'Ukraine par les pays occidentaux.
Les frappes de dimanche surviennent alors que la Russie a menacé la veille de cibler les livraisons d'armes occidentales à l'Ukraine. Selon le gouverneur de la région Maxim Kozitsky, les frappes ont été menées depuis les mers Noire et d'Azov et ont fait 35 morts et 134 blessés.
Cette base est située à Yavoriv, à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de Lviv, où de nombreuses personnes déplacées ont afflué.
"La Russie a attaqué le Centre international pour le maintien de la paix et de la sécurité. Des instructeurs étrangers travaillent là-bas", a indiqué le ministre ukrainien de la Défense Oleksii Reznikov, sans préciser s'ils étaient présents au moment des frappes.
Dans cette région, des frappes avaient déjà visé samedi un aéroport militaire à Lutsk, tuant quatre soldats ukrainiens. Dimanche, le maire d'Ivano-Frankivsk, à une centaine de kilomètres au sud de Lviv, a affirmé qu'une "frappe" avait visé tôt dans la matinée l'aéroport.
Convoi proche de Marioupol
Parallèlement, l'armée russe continue de pilonner le sud du pays où la ville assiégée de Marioupol espère l'arrivée d'un convoi d'aide humanitaire dimanche.
Le convoi "est à 2H de Marioupol, à 80 km", a déclaré dimanche en fin de matinée le président ukrainien Volodymyr Zelensky. "Nous ferons tout pour casser la résistance des occupants qui bloquent même les prêtres orthodoxes. Les prêtres accompagne ce convoi de 100 tonnes d'eau, de nourriture, de médicaments", a-t-il dit dans une vidéo sur Telegram.
L'enjeu est crucial pour Marioupol: la cité portuaire stratégique, située entre la Crimée et le Donbass, est plongée dans une situation "quasi désespérée" selon Médecins sans frontières (MSF), manquant de vivres et privée d'eau, de gaz, d'électricité et de communications.
La Turquie a appelé la Russie à l'aide pour évacuer ses ressortissants coincés dans la ville, a indiqué dimanche le ministre des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu.
Le pape a exhorté dimanche à la fin des combats, qualifiant Marioupol de "ville martyre dans la guerre atroce qui est en train de dévaster l'Ukraine".
Moscou reconnaît que la situation "dans certaines villes" a pris des "proportions catastrophiques", selon les mots du général Mikhaïl Mizintsev, cité samedi par les agences de presse russes. Mais le militaire a accusé les "nationalistes" ukrainiens de miner les zones résidentielles et détruire des infrastructures.
Selon le président ukrainien, "125 000 personnes ont été évacuées par des couloirs humanitaires".
Evolution du conflit Nouvelles négociations russo-ukrainiennes lundi
Une session de négociations par visioconférence entre la Russie et l'Ukraine se tiendra lundi, a confirmé un conseiller du président Zelensky. Un négociateur russe a évoqué dimanche des "progrès significatifs", Kiev indiquant de son côté que Moscou avait cessé de lancer "des ultimatums" et commençait à "écouter attentivement nos propositions".
Depuis le début de l'offensive russe, trois tours de pourparlers ont eu lieu au Bélarus. Ils étaient focalisés sur la création de couloirs humanitaires pour les civils.
Bombes au phospore ?
Vladimir Poutine affiche lui aussi toujours sa détermination. Samedi, le président russe a accusé les forces ukrainiennes de "violations flagrantes" du droit humanitaire, lors d'un entretien téléphonique avec les dirigeants français Emmanuel Macron et allemand Olaf Scholz.
"Mensonges", a réagi la présidence française. Et les appels de MM. Macron et Scholz à un "cessez-le-feu immédiat" sont restés lettre morte.
Dimanche, un responsable ukrainien a accusé Moscou d'utiliser des bombes au phosphore dans l'est. Selon Oleksi Bilochytsky, chef de la police de Popasna, située à une centaine de kilomètres à l'ouest de Lougansk, les Russes ont utilisé de telles bombes sur sa localité.
"C'est ce que les nazis appelaient un 'oignon brûlant', et c'est ce que les +Russistes+ (combinaison de Russes et fascistes, ndlr) sont en train de lâcher sur nos villes. Souffrances indescriptibles et incendies", a-t-il écrit sur Facebook.
Ukrainiens fuyant la guerre 100.000 réfugiés en 24 heures
Ces dernières 24 heures, quelque 100.000 personnes ont rejoint les rangs des réfugiés, portant leur nombre à 2.698.280, selon un décompte publié dimanche par le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) de l'ONU.
Cette information était invérifiable dans l'immédiat.
Les Occidentaux refusent d'entrer dans le conflit, mais ont multiplié les sanction économiques et commerciales contre la Russie, et assuré Kiev d'un soutien notamment militaire.
Washington a autorisé samedi une nouvelle aide en armes de 200 millions de dollars, qui fait suite à une première aide en équipements militaires de 350 millions de dollars, dont deux tiers ont été livrés au 4 mars, selon une responsable du Pentagone.
Bombardements à Mykolaïv
Toujours au sud, la métropole d'Odessa continue à se préparer à une offensive des troupes russes, qui se concentrent pour l'heure à une centaine de kilomètres à l'est sur Mykolaïv.
Neuf personnes ont été tuées dans des frappes russes sur cette ville portuaire, a indiqué dimanche le gouvernement de la région, Vitali Kim. Samedi, les frappes avaient notamment touché des zones d'habitation, y compris un centre de cancérologie et un hôpital ophtalmologique, selon une journaliste sur place.
Kadyrov assure se trouver en Ukraine
Le dirigeant de la république russe de Tchétchénie Ramzan Kadyrov, un protégé du président Vladimir Poutine, a assuré lundi se trouver en Ukraine aux côtés des forces de Moscou.
M. Kadyrov, dénoncé par les ONG internationales pour les graves violations des droits humains qui ont lieu dans sa république du Caucase, a publié sur Telegram une vidéo le montrant en tenue militaire, en train d'étudier des plans autour d'une table avec des soldats dans une salle.
Par ailleurs, le maire de Dniproroudné, dans le sud, a été enlevé dimanche par des soldats russes deux jours après le kidnapping d'un autre maire, selon le gouverneur de la région de Zaporojie. Ces enlèvements ont été condamnés par l'Union européenne.
Le bilan des victimes, dont certains jonchent les rues de villes, est impossible à vérifier. Au moins 596 civils ont été tués, selon le décompte dimanche des Nations unies, qui souligne que ses bilans sont probablement très inférieurs à la réalité.
"Environ 1 300" militaires ukrainiens ont été tués depuis le 24 février, a indiqué samedi M. Zelensky. L'armée russe, elle, a perdu "environ 12 000 hommes", affirme le chef d'Etat. La Russie, de son côté, a annoncé le 2 mars son seul et unique bilan à ce jour de 498 soldats tués.
Kiev, dont seules les routes vers le sud restent dégagées, est de plus en plus cernée par les soldats russes, qui ont détruit samedi l'aéroport avoisinant de Vassylkiv, selon les Ukrainiens.
Présentes dans les faubourgs, les troupes russes tentent de neutraliser les localités environnantes pour "bloquer" Kiev, selon l'état-major ukrainien, et la banlieue nord-ouest (Irpin, Boutcha) a été lourdement bombardée ces derniers jours.
Selon des soldats ukrainiens interrogés dimanche à Irpin, Boutcha est désormais aux mains des Russes.
Ils se heurtent toutefois à la résistance de l'armée ukrainienne, tant à l'ouest qu'à l'est de la capitale, ont constaté des journalistes.