PARIS: Poursuivi en diffamation par RT France, un chercheur a dénoncé jeudi au procès l'"intimidation judiciaire" pratiquée selon lui par cette chaîne et qualifié de "consensuels" ses propos de 2018 sur la "manipulation de l'information".
Directeur de l'Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM), qui appartient au ministère de Armées, Jean-Baptiste Jeangène est poursuivi devant le tribunal judiciaire de Paris pour cinq tweets de septembre 2018 visant les "falsifications" des médias russes RT et Sputnik.
Il s'agissait d'une "démonstration froide, sourcée, factuelle", en réaction au "feu roulant de critiques" des médias et des autorités russes après la publication du rapport "Les manipulations de l'information. Un défi pour nos démocraties", s'est-il défendu.
Dans son "fil" Twitter, le chercheur assimilait ces critiques à de "nouvelles démonstrations des activités de manipulation de l'information dénoncées dans le rapport", évoquant des "procédés d'amplification" (14 articles en cinq jours) "et de déformation" (le rapport étant qualifié de commande pour légitimer le projet de loi contre la désinformation du gouvernement français, qui sera adopté en décembre 2018).
"RT et Sputnik (...) inventent fréquemment des faits, falsifient des documents, des traductions ou des interviews", ajoutait-il, citant la "falsification" de la traduction d'un reportage sur la Syrie, objet d'une mise en demeure du CSA en juin 2018.
Une "erreur technique", pour l'avocat de RT France, citant d'autres médias épinglés pour des problèmes de traduction et assurant qu'aucun des 70 exemples fournis par la défense ne démontre une "volonté de tromper le téléspectateur".
RT France, branche de la chaîne d'information RT (ex-Russia Today) financée par l’État russe, se présente comme indépendante éditorialement. Mais c'est "en réalité un agent de l’État russe", a persisté M. Jeangène.
"Ce procès n'est pas ce qu'il paraît: ce n'est pas une société privée qui attaque un particulier, c'est un État utilisant l'arme du droit pour en attaquer un autre", a estimé le chercheur de 43 ans, demandant que RT France soit condamnée pour "procédure abusive".
Accusés d'être des instruments de "désinformation" de Moscou dans sa guerre contre l'Ukraine, RT et Sputnik ont interdiction d'être diffusés dans l'Union européenne depuis le 2 mars.
Pour la procureure, deux tweets sur les cinq, faisant référence au reportage en Syrie, présentent un caractère "diffamatoire". Mais il "ne me semble pas" qu'ils soient "attentatoires à la liberté d'expression" car ils "s'inscrivent dans le cadre d'un débat d'intérêt général", a-t-elle ajouté.
Le chercheur disposait d'une "base factuelle suffisante" pour faire ses affirmations, a plaidé sa défense.
La décision sera rendue le 27 mai.