BUENOS AIRES : Le 15 mars 1962, il y a de cela soixante ans, Mouloud Feraoun, Marcel Basset, Robert Eymard, Ali Hammoutène, Max Marchand et Salah Ould Aoudia sont alignés dans la cour du centre social de Château-Royal par des agents de l’Organisation Armée secrète (OAS) française avant d’être abattus par ces derniers à l’arme automatique.
Mouloud Feraoun disait : "J'écris en français et je parle en français, pour dire aux Français que je ne suis pas français."
Instituteur et écrivain engagé, il est considéré comme l’un des auteurs Algériens d’expression française les plus influents de la littérature maghrébine. Il fait partie de ces hommes qui ont résisté au colonialisme français en utilisant la plume. Talent littéraire connu et reconnu, Feraoun a instrumentalisé la langue française pour défendre le peuple algérien et son droit à l’autodétermination.
L’auteur du livre phare « Le fils du pauvre » est né le 18 mars 1913 à Tizi Ouzou, en Kabylie, au sein d’une famille relativement pauvre. Malgré un taux d’analphabétisme très élevé au sein de la population algérienne, les parents paysans du petit Mouloud tiennent à ce qu’il intègre l’école. Il est alors inscrit à l'école primaire supérieure de Tizi Ouzou, très éloignée de Tizi Hibel, son village natal.
Bien que l’éloignement de sa famille soit éprouvant pour l'enfant qu'il était, Mouloud Feraoun se distingue de ses camarades par son esprit vif et son habilité à écrire. Ayant pris goûts aux études, il rejoint ensuite le lycée de Tizi Ouzou puis l'école des professeurs d'Alger. À l’obtention de son diplôme d’enseignant d’école, Feraoun retourne à Tizi Hibel en 1935 où il s’évertue à communiquer son savoir aux enfants de son village de naissance.
En 1939, il se fait connaître sur la scène littéraire en publiant « Le fils du pauvre », ce roman est considéré comme étant autobiographique tant l’histoire du petit Fouroulou ressemble à celle de son auteur. Il y relate le passage de l’enfance à l’adolescence d’un jeune kabyle dans son village natal durant les années 20.
En 1960, Mouloud Feraoun devient inspecteur des centres sociaux éducatifs (CSE). Cette institution fondée en 1955 par Germaine Tillon, en plus de soutenir la population algérienne au niveau sanitaires et social, avait pour mission de réduire et lutter contre l’analphabétisme des enfants dits « indigènes ». Le CSE fournissait à ses adhérents un enseignement de base en français et en arabe ainsi qu'une formation professionnelle.
Ce métier fut le dernier qu’il exerça avant d'être abattu à quatre jours du cessez-le-feu.
Parti en martyr, l’écrivain devenu immortel, a laissé une empreinte indélébile dans les mémoires. Ces œuvres littéraires et ses articles à foison tels que « Mœurs kabyles » dans lequel il parle des us et coutumes de la région Kabyle ou encore «La Mémoire », « Les chemins qui montent », et « La Terre et le sang » où il aborde le thème de la souffrance algérienne sous le joug colonial et où il dénonce une réelle volonté de suppression d’une identité qu’il s’échina, par le biais de son ouvre, à maintenir en vie en période de guerre. Entreprise qu’il mena à bien et qui se poursuit avec succès, 60 ans plus tard.