BEYROUTH: La Chambre d'appel du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) a reconnu jeudi les deux membres du Hezbollah Hussein Oneissi et Hassan Habib Merhi coupables d'implication dans l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri en 2005.
À l’annonce du verdict, plusieurs membres du Courant du Futur, dont le chef du parti et ancien Premier ministre Saad Hariri, ont accusé le Hezbollah de «couvrir» le crime et de «protéger les criminels».
Le TSL, a ordonné aux autorités libanaises d'arrêter ces hommes, absents lors de leur condamnation.
«Le ministère public attend les mandats d'arrêt pour entamer la procédure», a révélé une source judiciaire à Arab News. «Cependant, depuis qu'un mandat d'arrêt a été émis contre Salim Ayache, qui a été condamné en décembre 2020 par le TSL pour son implication dans l'assassinat, le ministère public a ordonné aux autorités concernées de l'arrêter, mais en vain.
«D’habitude, les mandats d'arrêt incluent les adresses auxquelles les condamnés sont susceptibles d’être trouvés, mais la recherche n'a donné aucun résultat jusqu'à présent.»
Réagissant au verdict, Hariri a déclaré qu'«il est impératif que les autorités libanaises et ses forces militaires et sécuritaires travaillent ensemble pour arrêter les condamnés afin de les remettre au TSL pour l’application des peines.»
Hariri a directement accusé le Hezbollah de couvrir le crime, de protéger ses membres qui y sont impliqués et de les aider à échapper à la justice internationale.
«L'histoire ne sera clémente envers aucun des complices de cet assassinat», a-t-il souligné. «Nous resterons à l'affût de tout parti ou dirigeant qui refuse de mettre en œuvre la loi et de punir les assassins.»
Pour l'ancien Premier ministre Fouad Siniora, «l’évolution de cette affaire prouve que nous avions raison de recourir au TSL, d'autant plus que nous constatons chaque jour l’incapacité de la justice libanaise à mener des enquêtes sur certains crimes commis au Liban, le dernier en date étant l'incapacité flagrante à faire avancer l’enquête sur l'explosion du port de Beyrouth.»
«Ce verdict dévoile l'implication du Hezbollah dans l'assassinat et dénonce la fausseté des allégations et des pratiques du parti contre le Liban et les Libanais. Le verdict force le Hezbollah à livrer les criminels sans aucun délai.»
En décembre 2020, le TSL a estimé que les preuves étaient insuffisantes pour condamner Oneissi, Merhi et un troisième accusé, Assad Hassan Sabra. Le TSL a déclaré Ayache, un autre membre du Hezbollah, coupable d'avoir «orchestré un complot visant à commettre un acte terroriste à l’aide d’un engin explosif, d’avoir tué intentionnellement Rafic Hariri en utilisant des matériaux explosifs, d’avoir assassiné de façon délibérée 21 autres personnes et d’avoir tenté de tuer volontairement 226 personnes, toujours par le biais de matériaux explosifs».
Il a été condamné, en son absence, à la prison à vie. Le tribunal a déclaré qu’il ne pouvait pas faire appel du verdict, à moins qu’il ne se rende lui-même.
Le ministère public a fait appel du jugement de 2020 concernant Merhi et Oneissi, et les juges d'appel ont unanimement déclaré jeudi que «les juges de première instance avaient commis des erreurs». L'affaire contre les quatre accusés reposait sur des preuves circonstancielles sous la forme d'enregistrements de téléphones portables qui, selon les procureurs, ont dévoilé la présence d’une cellule appartenant au Hezbollah qui complotait l'attentat.
La juge Ivana Hrdlickova, présidente du TSL, a annoncé que la Chambre d'appel délivrera des mandats d'arrêt contre Oneissi et Merhi plus tard jeudi.
Le TSL devrait arrêter ses travaux après cette phase d'appel en raison d'un manque de financement. Des ressortissants libanais ont fait don de 500 000 euros dans le but d’assurer la poursuite des travaux du TSL, l'État libanais n'ayant pas fourni les fonds qu'il doit au tribunal à cause de la crise économique que traverse le pays.
Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, a refusé de livrer les accusés, soulignant qu'il ne reconnaît pas l'autorité du TSL.
Pour l'ancien député Marwan Hamadeh «malgré la perte de temps et les coûts élevés, le TSL a prouvé que la vérité ne peut être cachée par un groupe de scélérats qui ont commis le crime du siècle contre Rafic Hariri et tous ses compagnons.»
Hamadeh, qui a été blessé dans un attentat à la voiture piégée qui visait à l’assassiner en 2004, quelques mois avant que Hariri ne soit tué dans un attentat similaire, a ajouté que «le fait de prouver l'implication du Hezbollah dans l’assassinat de Hariri fournit à la justice libanaise une profondeur nouvelle qui force les autorités officielles à appliquer des mandats d'arrêt internationaux contre les criminels. Garder le silence sur ce crime et ses auteurs a sans doute conduit à l'effondrement de la justice libanaise.»
Le verdict du TSL intervient quelques jours avant le 17e anniversaire de la grande manifestation du 14 mars qui a suivi l'assassinat de Hariri en 2005.
Le Hezbollah n'a pas encore réagi au verdict contre Oneissi et Merhi. Cependant, les propos tenus vendredi par le chef du bloc parlementaire du parti, le député Mohammed Raad, au sujet d’un audit juricomptable des comptes de la Banque centrale du pays ont été désignés par certains comme une preuve de la politique de deux poids deux mesures adoptées par le Hezbollah lorsqu’il s’agit de poursuivre des criminels.
«Le Hezbollah ne veut tromper personne. Les criminels doivent être punis», a soutenu Raad.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com