PARIS: La question sensible des retraites a fait irruption jeudi dans la campagne présidentielle avec la proposition du candidat Emmanuel Macron de repousser l'âge de départ à 65 ans, dénoncée comme "injuste" par ses adversaires, notamment de gauche.
Et en soirée, la candidate de droite Valérie Pécresse et l'ancien polémiste d'extrême droite Eric Zemmour, au coude-à-coude dans les sondages, se sont affrontés lors d'un débat sur TF1 et LCI particulièrement vif et haché.
A un mois du premier tour, le président-candidat Emmanuel Macron distille au compte-gouttes des éléments de son programme qu'il pourrait dévoiler en fin de semaine prochaine. S'il est réélu en avril, le chef de l'Etat ambitionne de relancer cette vaste réforme des retraites qu'il avait dû suspendre puis annuler en pleine crise du Covid.
Il propose un allongement progressif d'ici "2032" de l'âge de départ à la retraite à 65 ans, "un minimum de retraite à 1.100 euros" pour les carrières complètes, et la "suppression des principaux régimes spéciaux".
Le patron de la CFDT, premier syndicat français, Laurent Berger, a dénoncé une mesure "injuste" et "brutale" que la confédération entend "combattre".
A droite, Valérie Pécresse plaide elle aussi pour repousser la retraite à 65 ans, et Eric Zemmour veut la porter à 64 ans. Marine Le Pen parle elle d'une retraite à 60 ans mais qu'elle réserve à ceux entrés très jeunes dans la vie active.
Même opposition à gauche, le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon affichant son "désaccord absolu" en rappelant qu'il était pour la retraite à 60 ans.
L'écologiste Yannick Jadot a parlé d'une mesure "extrêmement injuste" souhaitant au contraire remettre la pénibilité au cœur du régime des retraites. Pour Ian Brossat, porte-parole du candidat communiste Fabien Roussel, c'est "une proposition antisociale et cruelle pour les gens qui exercent des métiers pénibles".
«Pas une cour de récréation»
En soirée, les échanges entre Valérie Pécresse et Eric Zemmour ont été particulièrement animés. "Quand on est sous influence de (Vladimir) Poutine (le président russe), on ne peut pas se dire patriote. Et c'est pour cela que vous êtes décrédibilisé pour présider la France", a lancé à l'entame de ce débat musclé la prétendante LR à l'Elysée.
Elle a accusé son rival d'être porté par l'"esprit munichois", en étant "fasciné par la force d'Hitler, la force de Poutine", en affirmant qu'"il faut un Poutine français".
Son rival lui a répondu en la qualifiant de "technocrate" et de "gestionnaire". "En vérité, vous êtes profondément une centriste et vous trahirez les électeurs de droite". Au soir du premier tour, le 10 avril, "à 20h02, vous appellerez à voter pour Emmanuel Macron", a-t-il affirmé. "C'est un clone d'Emmanuel Macron, une progressiste de droite", a-t-il martelé.
Concernant "l'immigration zéro" promise par Eric Zemmour, "personne ne la fait, donc vous serez un président impuissant", a assuré Mme Pécresse en défendant son projet de quotas et de fin du regroupement familial automatique. Eric Zemmour en retour lui a reproché "une fausse politique de fermeté en matière d'immigration". "Tout est bidon chez vous", a-t-il lancé.
Les deux candidats se sont accusés mutuellement de tous les maux, traités de tous les noms, s'interrompant continuellement, ignorant les journalistes qui tentaient de les calmer: "On n'est pas dans une cour de récréation".
«Drapeau européen»
Pour eux, le débat était décisif pour se relancer car ils glissent depuis plusieurs jours dans les intentions de vote. Valérie Pécresse est donnée entre 11 et 13%, Eric Zemmour entre 11% et 14%, soit bien derrière Marine Le Pen (17-18%) et très loin derrière Emmanuel Macron (environ 30%).
Les raisons de leur décrochage dans les sondages sont différentes: ébranlée par un mauvais démarrage au Zénith le 13 février, Valérie Pécresse a passé beaucoup de temps à faire la synthèse des différentes sensibilités de son propre camp et peine à créer une dynamique face au président-candidat.
L'ancien polémiste est lui pénalisé pour ses propos jugés prorusses ou ses positions sur les réfugiés ukrainiens qui ont suscité des critiques jusque dans son équipe -- il a depuis nuancé ce dernier point.
Mais les rivaux de droite et de l'extrême se sont retrouvés pour critiquer de nouveau le déploiement jeudi du drapeau européen sous l'Arc de Triomphe à l'occasion du sommet de Versailles, après la polémique provoquée par son installation le 31 décembre pour célébrer la présidence française du Conseil de l'UE.
Pour la candidate RN, Emmanuel Macron veut "remplacer la souveraineté nationale par la souveraineté européenne". "Emmanuel Macron aime humilier la Nation française. La preuve: il récidive", a renchéri Eric Zemmour.
Plus modéré mais également critique, Valérie Pécresse a affirmé qu'en tant que "patriote et européenne", elle aurait "préféré que le drapeau français et européen s’embrassent sous l'Arc de triomphe, ce qu'avait fait Nicolas Sarkozy".