LONDRES: Le Qatar renforce son rôle de médiateur dans les négociations entre les États-Unis et l’Iran sur l’avenir du programme nucléaire de ce dernier.
Après environ un an de négociations menées sous l’égide de l’UE en Autriche, les responsables affirment que le temps est compté pour parvenir à un accord.
À la demande de Téhéran et de Washington, Doha joue le rôle d’intermédiaire dans les négociations qui se déroulent à Vienne, en transmettant des messages d’une partie à l’autre et en tentant d’apaiser les craintes iraniennes de voir les États-Unis se retirer de l’accord à l’avenir.
Ces craintes découlent du retrait soudain de l’administration Trump, en 2018, du Plan d’action global commun de 2015, également connu sous le nom d’accord sur le nucléaire iranien. Cet accord était le fruit d’un processus diplomatique long et intense entre l’Iran et les États-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et une délégation de l’UE.
Les responsables qataris s’efforcent également de faciliter les discussions directes entre Washington et Téhéran, si un accord est conclu, afin de s’assurer que toutes les questions en suspens, telles que les échanges de prisonniers et l’allègement supplémentaire des sanctions, puissent être abordées à l’avenir, déclare un diplomate informé des discussions au Financial Times.
«Les deux parties ont vraiment besoin d’un accord et la volonté est présente des deux côtés, mais le plus gros problème est la confiance», souligne le diplomate. «Ils pensent chacun que l’autre partie ne veut pas d’accord, ce qui n’est pas justifié.»
Un responsable iranien a refusé de discuter du rôle de Doha dans le processus tout en indiquant que le Qatar «et un ou deux autres pays ont transmis des messages (des États-Unis) dans certains cas».
Les responsables occidentaux exercent des pressions sur l’Iran pour qu’il accepte un accord dans les jours à venir, avertissant que si cela ne se produisait pas, l’accord déjà mal en point deviendrait obsolète en raison des avancées réalisées par Téhéran dans son programme nucléaire. L’Iran enrichit de l’uranium à des niveaux toujours plus élevés depuis plusieurs années et progresse dans d’autres aspects de la production d’armes nucléaires depuis que l’accord de 2015 a commencé à s’effondrer.
En février, le Wall Street Journal a rapporté que l’Iran avait considérablement réduit son «breakout time» — c’est-à-dire le temps qu’il faudrait pour produire suffisamment d’uranium pour une seule bombe nucléaire — à beaucoup moins d’un an, menaçant ainsi de saper un principe fondamental de l’accord initial.
Les parties seraient proches d’un accord, mais certaines questions en suspens doivent encore être résolues. Selon le Financial Times, Moscou a demandé ce week-end des garanties sur le fait que les sanctions américaines, imposées à la Russie après son invasion de l’Ukraine, n’entraveront pas ses échanges commerciaux avec l’Iran. Le quotidien estime que cette demande risque de compliquer les négociations et de renforcer le sentiment d’urgence.
Cependant, les parties ont annoncé qu’elles continueront à négocier «si elles parviennent à un accord».
«La plus grande erreur de l’accord de 2015 était l’arrêt des négociations après sa signature. Au départ, aucune des parties ne se faisait confiance et avait besoin de signes de bonne foi, mais maintenant il y a des avancées positives. Les Iraniens considèrent désormais Biden comme quelqu’un avec qui ils peuvent négocier», note le diplomate.
La résolution, l’année dernière, d’une querelle diplomatique entre le Qatar et certains pays du Golfe, dont l’Arabie saoudite, a permis à Doha de consolider sa réputation d’intermédiaire régional et d’interlocuteur diplomatique. Le Qatar a participé aux pourparlers de paix entre les États-Unis et les talibans avant la prise de contrôle de l’Afghanistan par ces derniers et a été désigné comme «allié majeur non-membre de l’Otan» par Washington en janvier de cette année.
Depuis le début de la crise en Ukraine, l’importance du Qatar pour l’Occident s’est à nouveau confirmée. En effet, le Qatar est l’un des plus grands producteurs mondiaux de gaz naturel liquéfié et constitue donc une source potentielle pour remplacer le gaz russe, dont l’approvisionnement en Europe et en Amérique du Nord s’amenuise.
Ali Vaez, expert sur l’Iran au sein du groupe de réflexion international Crisis Group, explique au Financial Times que l’un des principaux problèmes des intermédiaires lors des négociations de Vienne réside dans le fait que les deux parties ne faisaient pleinement confiance à personne pour «partager des informations qu’elles n’étaient pas à l’aise de communiquer».
Toutefois, Rob Malley, le principal négociateur américain, a toujours entretenu une «très bonne relation» avec le ministre des Affaires étrangères du Qatar, cheikh Mohammed ben Abderrahmane al-Thani, mentionne M. Vaez.
«Les relations du Qatar avec l’Iran ont changé après l’embargo régional et toutes les étoiles se sont alignées pour que les Qataris interviennent», ajoute-t-il.
«Personne d’autre n’entretenait des liens personnels avec les deux parties et n’était mieux placé géostratégiquement à ce moment-là pour jouer ce rôle.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com