CASABLANCA: Sécheresse, crise du Covid-19, renchérissement des cours à l’international, crise russo-ukrainienne… Le Maroc subit ces derniers mois une conjoncture difficile due en grande partie à des facteurs exogènes. Résultat: une cherté de la vie et une inflation qui a atteint des pics inquiétants, notamment en ce qui concerne les produits alimentaires, le transport et les matériaux de construction. Dans sa dernière publication sur l’Indice des prix à la consommation (IPC), le Haut-Commissariat au Plan marocain relève une hausse des prix de près de 6% dans le transport. Une hausse des prix à la pompe qui a impacté quasiment tous les secteurs du pays.
Les Marocains, en particulier les plus vulnérables, sont sortis le 20 février dans la rue pour manifester leur colère contre la cherté de la vie. Des manifestations certes sporadiques et qui n’ont pas mobilisé des foules, mais qui interpellent le gouvernement sur la nécessité de prendre les choses en main, «surtout lorsque l’on sait que ces manifestations peuvent être manipulées à n’importe quel moment par des mouvements ou des personnes animés par des raisons politiciennes et populistes et qui scandent des messages haineux et de division», avertit Ouadie Madih, militant des droits des consommateurs.
Un panier de la ménagère de plus en plus cher
Contacté par Arab News en français, le président de la Fédération nationale des associations du consommateur (Fnac), dresse un tableau plutôt noir de la période actuelle. «La situation est catastrophique, non seulement pour le Maroc, mais partout dans le monde. La reprise progressive de l’économie a induit une inflation qui s’est répercutée sur les prix des produits de grande consommation comme l’huile de table, qui a connu des augmentations record. Le coût du fret international a explosé et les cours des matières premières sont montés en flèche. Face à des revenus en baisse à cause des répercussions de la crise du Covid-19, le panier de la ménagère devient de plus en plus cher», assure-t-il.
La sécheresse amplifie la crise sociale
Et pour ne pas arranger les choses, le Maroc connaît actuellement l’une de ses pires années de sécheresse, la plus grave depuis plus de quarante ans. Les prix des céréales ont atteint des records et les agriculteurs ont commencé à brader leurs produits et leur bétail. Pour atténuer cet impact de la rareté des pluies, le roi du Maroc, Mohammed VI, a lancé le 16 février un programme exceptionnel, qui prévoit d’attribuer plusieurs subventions et de distribuer des quantités importantes de blé et d’eau pour les besoins d’irrigation, sans parler des efforts en termes de financement et d’assurance agricole. Le programme, doté d’un budget important de 10 milliards de dirhams (un dirham = 0,09 euros), est déjà en train d’être mis en œuvre et a été salué par les agriculteurs. Une véritable bouffée d’oxygène pour cette population qui dépend fortement du secteur agricole et des pluies.
Par ailleurs, l’inflation, même si elle est actuellement maitrisée au Maroc, poursuivra sa tendance haussière les prochaines semaines. La crise russo-ukrainienne ne fera qu’empirer la situation, notamment sur le volet énergétique et en termes d’approvisionnement en blé, l’Ukraine étant l’un des principaux fournisseurs du pays en la matière.
Le gouvernement appelé à agir d’urgence
«Le gouvernement se doit d’activer plusieurs leviers dont il dispose pour atténuer l’impact de la hausse des prix de certains produits de première nécessité. La loi 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence, dans son article 4, prévoit de plafonner les prix de certains produits pour une période de six mois renouvelable. Cela a été fait en période de Covid-19 pour les masques et les gels hydroalcooliques. Pourquoi le gouvernement tarde-t-il à activer ce mécanisme?», s’interroge Ouadie Madih.
Plusieurs voix se sont élevées pour demander au gouvernement d’intervenir directement dans la fixation des prix de certains prix de grande consommation qui connaissent des augmentations substantielles. Le gouvernement a également été appelé à contrôler de la manière la plus sévère les marchés de gros du Royaume où la spéculation bat son plein.
L’exécutif tente d’apaiser les tensions
Le mardi 23 février, la majorité gouvernementale a tenu une réunion dédiée à cette problématique. Lors de la conférence de presse organisée à l’issue de cette réunion, Aziz Akhannouch, chef du gouvernement, a déclaré que le gouvernement «est conscient des attentes des citoyens et œuvre pour y répondre et honorer ses engagements et ses obligations à leur égard, notamment en matière de préservation du pouvoir d'achat».
Le chef de l’exécutif a précisé que le gouvernement allouait des subventions importantes pour réduire l’impact du renchérissement des cours des produits pétroliers et des matières premières à l’international. Ces subventions représentent 17 milliards de dirhams pour le gaz butane, 14 milliards de dirhams pour l'électricité, 600 millions de dirhams par mois pour subventionner la farine de blé et 3 milliards de dirhams par an pour le sucre. Concernant la hausse des prix du carburant, Aziz Akhannouch a promis de trouver une solution sous peu. «Un dialogue sera engagé avec les représentants des professionnels du transport afin de trouver des solutions pour alléger l’impact des prix élevés du carburant sur les citoyens», a-t-il annoncé.