Les juges de la Cour suprême américaine divisés lors d'une audience cruciale pour le climat

La Cour suprême des Etats-Unis a examiné lundi un dossier environnemental aux énormes enjeux, susceptible de compliquer la lutte du gouvernement de Joe Biden contre le réchauffement climatique. Les juges, qui devront rendre leur décision avant juin, sont apparus divisés sur la question. (AFP)
La Cour suprême des Etats-Unis a examiné lundi un dossier environnemental aux énormes enjeux, susceptible de compliquer la lutte du gouvernement de Joe Biden contre le réchauffement climatique. Les juges, qui devront rendre leur décision avant juin, sont apparus divisés sur la question. (AFP)
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Publié le Mardi 01 mars 2022

Les juges de la Cour suprême américaine divisés lors d'une audience cruciale pour le climat

  • Ports et aéroports construits sur des terrains à la limite du niveau de la mer risquent d'être inondés. A 2°C de réchauffement, 338 aéroports seraient sous l'eau
  • Concrètement, le dossier trouve sa source dans un plan ambitieux adopté en 2015 par Barack Obama pour réduire les émissions de CO2

WASHINGTON: La Cour suprême des Etats-Unis a examiné lundi un dossier environnemental aux énormes enjeux, susceptible de compliquer la lutte du gouvernement de Joe Biden contre le réchauffement climatique. Les juges, qui devront rendre leur décision avant juin, sont apparus divisés sur la question. 


L'audience portait sur la capacité de l'Agence (fédérale) pour la protection de l'environnement (EPA) à réguler les émissions de gaz à effet de serre des centrales à charbon, qui produisent près de 20% de l'électricité aux Etats-Unis.


Cette mission est "exactement du ressort" de l'agence, a estimé la juge progressiste Sonia Sotomayor. Mais plusieurs juges conservateurs sont eux apparus sceptiques. 


Argumentant pour une entreprise d'exploitation de charbon, l'avocat Jacob Roth a estimé que les prérogatives de l'EPA allaient trop loin. "L'agence pose des questions comme: devons-nous sortir de l'industrie du charbon? Devons-nous construire davantage de panneaux solaires dans le pays? (...) Ce ne sont pas des questions auxquelles il appartient à une agence de répondre."


En 2007, la Cour suprême avait décidé, à une courte majorité, que l'EPA était compétente pour réguler les émissions de gaz responsables du réchauffement climatique, au même titre qu'elle est chargée par une loi des années 1960 de limiter la pollution de l'air.


Mais depuis, l'ex-président républicain Donald Trump, un climato-sceptique hostile à toute mesure contraignante pour l'industrie, a fait entrer trois magistrats au sein du temple du droit américain, cimentant sa majorité conservatrice (six juges sur neuf).


L'audience a eu lieu, hasard du calendrier, le jour de la publication d'un nouveau rapport des experts du climat de l'ONU, portant un constat sans appel sur les impacts catastrophiques du changement climatique.

Les villes, en première ligne face au changement climatique

Inondations, submersions marines, îlots de chaleur... Les villes, où vit la moitié de la population mondiale, font face à une myriade de risques liés au changement climatique, selon le rapport des experts climat de l'ONU (Giec) paru lundi. En voici les principaux.


- Les risques climatiques augmentent pour les 4,2 milliards de citadins, ainsi que pour les immeubles et les infrastructures.       


- Les principales menaces sont le "stress de chaleur"- quand la température dépasse ce que le corps humain peut supporter - et les inondations, ainsi que les conséquences de catastrophes climatiques pouvant impacter l'approvisionnement en nourriture, en eau ou d'autres ressources essentielles.


- D'ici 2050, la population urbaine devrait croître de 2,5 milliards, en particulier dans des zones "particulièrement exposées" au changement climatique, sur les littoraux, en Afrique, en Asie et dans de petites îles.


- Plus d'un milliard de personnes vivant sur des basses terres à proximité des littoraux pourraient être victimes d'inondation d'ici 2050, alors que le changement climatique entraîne hausse du niveau de la mer, pluies plus fréquentes et plus fortes et tempêtes tropicales plus puissantes.


- Si la température moyenne mondiale augmente de 2°C par rapport à l'ère pré-industrielle, les dégâts causés aux infrastructures pourraient coûter 4.200 milliards de dollars d'ici 2100.


- Entre la moitié et les trois-quarts de la population mondiale, principalement urbaine, pourrait être exposée à des conditions invivables de chaleur extrême et d'humidité élevée d'ici 2100, selon le niveau du réchauffement climatique. La menace est particulièrement marquée dans les zones tropicales.


- Le "stress de chaleur" pourrait réduire les capacités de travail de 20% d'ici 2050 lors des mois les plus chauds.


- Les aires urbaines exposées aux inondations et aux sécheresses pourraient plus que doubler entre 2000 et 2030.


- 350 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir du manque d'eau si la température mondiale augmente de 1,5°C et 410,7 millions à 2°C.


- Pour de nombreuses villes, la menace est multiple. Sur 571 villes analysées en Europe, plus d'une centaine sont exposées à deux impacts climatiques ou plus.


- Si le réchauffement climatique atteint 2°C à 2,5°C, au moins 25 mégalopoles seront affectées par la hausse du niveau de la mer.


- Une hausse de 15 centimètres du niveau de la mer suffirait à augmenter le nombre de personnes exposées à une submersion marine centennale d'environ 20%.


- Ports et aéroports construits sur des terrains à la limite du niveau de la mer risquent d'être inondés. A 2°C de réchauffement, 338 aéroports seraient sous l'eau.


- Avec l'urbanisation en Asie, des villes du continent sont "très exposées" aux inondations futures. En Indonésie, le risque de crue augmentera jusqu'à 120% entre 2000 et 2030.


- Ce risque accru touchant villes côtières et petites îles va conduire à devoir planifier des déplacements de populations.


- 122 millions de personnes supplémentaires souffriront de pauvreté extrême d'ici 2030, selon un scénario où les inégalités vont s'accroître.


- Au sein des villes, les habitants et communautés les plus marginalisés socialement et économiquement sont les plus durement frappés. Le nombre de personnes vivant dans des campements sur les littoraux pourrait enfler si les Etats échouent à réduire pauvreté et inégalités.


- Un développement des villes axé sur une forte demande en énergie les rend encore plus vulnérables au changement climatique et dépendantes des énergies fossiles.


- L'adaptation au changement climatique dans les zones urbaines est essentielle pour la santé et le bien-être de la majorité de la population mondiale.


- Selon le rapport, un phénomène de "gentrification climatique" a vu les communautés pauvres remplacées dans les zones les moins exposées par des populations plus aisées.


- Fixer des normes d'efficacité pour les bâtiments et repenser l'urbanisme, avec par exemple des zones piétonnes, peut augmenter l'efficience des mesures d'adaptation.


- Des solutions s'inspirant de la nature, comme des arbres, des toits végétalisés et des parcs permettent d'absorber l'excès d'eau en cas de fortes pluies, sont efficaces, bénéfiques pour la santé et créent des emplois si elles sont mises en place à grande échelle.


- Le corps humain ne pourra pas s'adapter à certaines conditions climatiques extrêmes, entraînant des impacts "irréversibles".

Restreindre l'autorité 
Concrètement, le dossier trouve sa source dans un plan ambitieux adopté en 2015 par Barack Obama pour réduire les émissions de CO2. Ce "Clean Power Plan", dont la mise en oeuvre revenait à l'EPA, avait été bloqué avant d'entrer en vigueur. 


En 2019, Donald Trump avait publié sa propre "règle pour une énergie propre abordable", limitant le champ d'action de l'EPA au sein de chaque site, sans l'autoriser à remodeler tout le réseau. 


Un tribunal fédéral ayant invalidé cette mouture, plusieurs Etats conservateurs et l'industrie du charbon ont demandé à la Cour suprême d'intervenir et de préciser les pouvoirs de l'EPA.


Selon Elizabeth Prelogar, qui défendait l'administration de Joe Biden lundi, les juges devraient attendre la publication des nouvelles règles de l'EPA, attendues avant la fin de l'année. 


Joe Biden a en effet fait savoir qu'il ne comptait pas ressusciter le plan de Barack Obama, et son administration avait demandé à la haute Cour de déclarer le dossier caduc.


Les Etats conservateurs et les industriels cherchent ainsi en réalité à "restreindre l'autorité de l'EPA dans la réglementation à venir", a estimé Elizabeth Prelogar.

«Ressentiment»
Lundi, la majorité conservatrice de la haute Cour "a semblé intéressée par la possibilité de faire passer un message (...), en empêchant les agences gouvernementales d'adopter des régulations ayant de vastes répercussions économiques et politiques", a jugé Robert Percival, professeur de droit de l'environnement à l'Université du Maryland.


Dans un argumentaire transmis en amont de l'audience, la Virginie-Occidentale, qui porte le recours, reprochait à l'EPA de se conduire comme "l'autorité de planification centrale de l'énergie". Cela "prive les Etats de leur autorité traditionnelle, sans signe clair d'une approbation du Congrès", avait-elle écrit. 


Avant l'audience, Richard Lazarus, professeur de droit environnemental à l'université d'Harvard, avait estimé qu'il y avait "de bonnes raisons" de penser que la Cour suive ce raisonnement, et dise "que le Congrès n'a pas le droit de déléguer son pouvoir de régulation (...) ou seulement en utilisant un langage très précis".


Compte tenu de la paralysie du Congrès, où vient d'échouer un énorme projet de dépenses sociales et environnementales porté par Joe Biden, "un tel arrêt menacerait la capacité du gouvernement à répondre aux problèmes les plus pressants, et pas seulement au réchauffement climatique", avait-il souligné.


Pour éviter ce scénario, plusieurs défenseurs de l'environnement avaient écrit à la Cour. "Sans effort pour réduire les gaz à effet de serre, les températures pourraient augmenter jusqu'à 5,6 degrés", lui ont rappelé des climatologues. Et minimiser l'impact du changement climatique "nécessite une coordination au niveau fédéral".


Des élus de gauche, dont le sénateur Bernie Sanders, se sont montrés plus offensifs. Pour eux, les progrès engrangés au XXe siècle en termes d'allongement de la durée de la vie ont été rendus possible par les agences administratives qui ont "freiné les excès de l'industrie". Selon eux, ce dossier "est le produit du ressentiment" de l'industrie.


Mobilisation en soutien à Gaza: affrontements et intervention de la police sur le campus de la UCLA à Los Angeles

Des agents de la CHP marchent près d'un campement de partisans des Palestiniens de Gaza, sur le campus de l'UCLA, à Los Angeles, Californie, États-Unis, le 1er mai 2024. (Reuters)
Des agents de la CHP marchent près d'un campement de partisans des Palestiniens de Gaza, sur le campus de l'UCLA, à Los Angeles, Californie, États-Unis, le 1er mai 2024. (Reuters)
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  • Manifestants et contre-manifestants se sont opposés à coups de bâton et se sont lancé des projectiles
  • Quelques heures plus tôt, la police de New York avait délogé des manifestants pro-palestiniens barricadés dans un bâtiment de l'université Columbia, campus américain d'où est partie la mobilisation estudiantine pro-palestinienne

LOS ANGELES : Des affrontements ont éclaté dans la nuit de mardi à mercredi en marge d'un rassemblement étudiant dénonçant la guerre menée par Israël à Gaza à l'Université UCLA, à Los Angeles, dernier épisode d'un mouvement étudiant qui secoue les Etats-Unis.

Les heurts ont éclaté quand un important groupe de contre-manifestants, pour beaucoup masqués, a attaqué un campement pro-palestinien installé sur une pelouse de l'UCLA, selon un photographe de l'AFP sur place.

Les assaillants ont tenté d'enfoncer une barricade improvisée autour du campement, composée de barrières métalliques et de panneaux de contreplaqué. Manifestants et contre-manifestants se sont ensuite opposés à coups de bâton et se sont lancé des projectiles.

«La violence en cours à l'UCLA est absolument abjecte et inexcusable», a fustigé la maire de Los Angeles, Karen Bass, ajoutant que la police de la ville était déployée sur le campus.

Cette dernière a indiqué avoir été appelée en renfort par la direction après «de nombreux actes de violence commis dans le campement à l'intérieur du campus».

Tôt mercredi, les policiers étaient toujours présents en grand nombre sur le site universitaire.

Quelques heures plus tôt, la police de New York avait délogé des manifestants pro-palestiniens barricadés dans un bâtiment de l'université Columbia, intervenant manu militari sur le campus américain d'où est partie la mobilisation estudiantine pro-palestinienne.

Le campement de tentes installé sur la pelouse du site a été démantelé, a pu constater une journaliste de l'AFP dans la nuit de mardi à mercredi.

Environ 300 personnes ont été interpellées, a indiqué la police new-yorkaise.

Dans le sud-ouest du pays, la police de l'Université de l'Arizona a annoncé mercredi matin avoir utilisé du gaz lacrymogène pour disperser «un rassemblement illégal».

En Caroline du Nord, sur la côte est, la police est intervenue mardi pour évacuer un campement sur un campus de Chapel Hill, arrêtant plusieurs manifestants dans un face-à-face tendu.

- Accord -

Depuis deux semaines, les mobilisations de soutien à Gaza se multiplient à travers les campus américains, de la Californie aux grandes universités du nord-est, en passant par le sud et le centre du pays -- rappelant les manifestations contre la guerre du Vietnam.

Les étudiants appellent les établissements à couper les ponts avec des mécènes ou entreprises liés à Israël, et dénoncent le soutien de Washington à son allié israélien.

Se distinguant ainsi des autres institutions, l'université Brown dans l'Etat de Rhode Island a annoncé mardi avoir trouvé un accord avec les manifestants, prévoyant le démantèlement de leur campement en échange d'un vote de l'université en octobre sur d'éventuels «désinvestissements dans des +sociétés qui rendent possible et profitent du génocide à Gaza+».

A Columbia, les négociations entre direction et groupes étudiants n'avaient pas abouti. «Les événements de la nuit dernière sur le campus ne nous ont pas donné le choix», avait écrit la présidente de l'université, Minouche Shafik, dans une lettre rendue publique demandant à la police de New York d'intervenir sur le campus.

A Los Angeles, le président de l'UCLA Gene Block avait mis en garde avant les heurts de la nuit contre la présence de personnes extérieures à l'université.

Dimanche, des militants pro-palestiniens et pro-israéliens, soutenus par de nombreux manifestants extérieurs au campus, en étaient venus aux mains, avec des bousculades et des insultes.

«Beaucoup de manifestants et de contre-manifestants pratiquent leur militantisme de manière pacifique. Mais d'autres emploient des méthodes franchement choquantes et honteuses», avait écrit M. Block dans un message posté mardi sur le site de l'université.

«Ces incidents ont provoqué, tout particulièrement chez nos étudiants juifs, une profonde anxiété et de la peur», a-t-il ajouté.

- A 6 mois de la présidentielle -

Depuis le début du mouvement, des centaines de personnes - étudiants, enseignants et militants - ont été interpellées, parfois arrêtées et poursuivies en justice dans plusieurs universités du pays.

Les images de policiers anti-émeutes intervenant sur les campus, à la demande des universités, ont fait le tour du monde et on fait vivement réagir le monde politique, à six mois de la présidentielle dans un pays polarisé.

Joe Biden «doit faire quelque chose» contre ces «agitateurs payés», a déclaré mardi soir sur Fox News le candidat républicain Donald Trump. «Il nous faut mettre fin à l'antisémitisme qui gangrène notre pays aujourd'hui», a-t-il ajouté.

«Occuper par la force un bâtiment universitaire est la mauvaise approche» et ne représente «pas un exemple de manifestation pacifique», avait tonné avant l'intervention de la police John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.


Royaume-Uni: Premiers migrants arrêtés avant leur expulsion vers le Rwanda, d'autres campent à Dublin

Des demandeurs d'asile dormant dans des tentes à Dublin affirment que la vie sous les bâches est meilleure et plus sûre que le risque d'être envoyé par le Royaume-Uni au Rwanda  (Photo, AFP).
Des demandeurs d'asile dormant dans des tentes à Dublin affirment que la vie sous les bâches est meilleure et plus sûre que le risque d'être envoyé par le Royaume-Uni au Rwanda (Photo, AFP).
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  • L'adoption d'une loi permettant l'expulsion des migrants vers le Rwanda a déclenché leur départ du Royaume-Uni
  • Une centaine de tentes ont poussé devant l'Office, depuis que le gouvernement irlandais a cessé il y a quelques mois de fournir un hébergement aux demandeurs d'asile

LONDRES: Les premiers migrants susceptibles d'être expulsés par le Royaume-Uni vers le Rwanda ont été arrêtés et placés en détention, a annoncé mercredi le ministère britannique de l'Intérieur, sans préciser le nombre de personnes concernées.

"Les premiers migrants en situation irrégulière devant être expulsés vers le Rwanda ont été placés en détention à la suite d'une série d'opérations menées cette semaine à l'échelle nationale", écrit le Home Office dans un communiqué.

Davantage d'arrestations "devraient être menées dans les semaines à venir", a-t-il ajouté.

"Cette action est un élément clé du plan visant à assurer des vols vers le Rwanda dans les neuf à onze semaines à venir", a poursuivi le ministère.

Le gouvernement conservateur de Rishi Sunak a promis de mettre un terme aux traversées de la Manche par les migrants clandestins.

Le Parlement a adopté la semaine dernière une loi très controversée permettant d'expulser vers le Rwanda des migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni.

Leur demande d'asile sera examinée dans ce pays d'Afrique de l'Est et ils ne pourront pas revenir au Royaume-Uni, quelle que soit l'issue de leur démarche.

Le gouvernement compte commencer les expulsions au début de l'été et espère qu'elles dissuaderont d'autres migrants de venir au Royaume-Uni.

Cette politique "montrera clairement que si vous venez ici illégalement, vous ne pouvez pas rester", redit le ministère de l'Intérieur dans son communiqué.

"Nos équipes (...) travaillent à un rythme soutenu pour arrêter rapidement les personnes qui n'ont pas le droit d'être ici, afin que nous puissions faire décoller les vols", a déclaré le ministre de l'Intérieur James Cleverly, cité dans le communiqué.


L'ONG HRW critique l'application mobile pour demander l'asile à la frontière mexicano-américaine

Des migrants de différentes nationalités demandant l'asile aux États-Unis voyagent à bord des wagons de marchandises du train mexicain connu sous le nom de « La Bête » alors qu'ils arrivent à la ville frontalière de Ciudad Juarez, dans l'État de Chihuahua, au Mexique, le 24 avril 2024 (Photo, AFP).
Des migrants de différentes nationalités demandant l'asile aux États-Unis voyagent à bord des wagons de marchandises du train mexicain connu sous le nom de « La Bête » alors qu'ils arrivent à la ville frontalière de Ciudad Juarez, dans l'État de Chihuahua, au Mexique, le 24 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Depuis mai 2023, avant de se présenter à la frontière, les demandeurs d'asile, sauf les mineurs isolés, sont censés obtenir un rendez-vous sur l'application téléphonique de la police américaine des frontières
  • Beaucoup des personnes interrogées ont fait état de nombreux problèmes pour utiliser l'application

WASHINGTON: L'obligation pour les demandeurs d'asile aux Etats-Unis d'obtenir un rendez-vous sur une application mobile avant de se présenter à la frontière avec le Mexique livre les migrants à la violence des cartels, déplore mercredi Human Rights Watch (HRW).

Depuis mai 2023, avant de se présenter à la frontière, les demandeurs d'asile, sauf les mineurs isolés, sont censés obtenir un rendez-vous sur l'application téléphonique de la police américaine des frontières ou s'être vu refuser l'asile dans un des pays traversés. Autrement, leur demande est présumée illégitime et ils risquent une procédure d'expulsion accélérée, leur interdisant pendant cinq ans l'entrée aux Etats-Unis.

Cette réglementation fait suite à la levée par l'administration du président démocrate Joe Biden d'une mesure de son prédécesseur républicain Donald Trump qui verrouillait depuis trois ans l'accès au territoire américain.

"Mais un résultat pratique reste le même pour les demandeurs d'asile", affirme HRW dans un rapport publié mercredi : pendant de longues semaines, voire des mois, "ils sont forcés d'attendre dans le nord du Mexique, ainsi que dans beaucoup d'autres villes ailleurs au Mexique par lesquelles transitent les migrants".

Systématiquement visés 

Ils y sont "systématiquement visés par les cartels qui, parfois avec l'aide de responsables des autorités mexicaines, les enlèvent, les rackettent, les agressent sexuellement et les dévalisent", énumère l'ONG.

L'exigence de prise de rendez-vous sur l'application crée un "filtrage numérique", qui livre "aux cartels une population vulnérable", selon le rapport, établi à partir d'interviews avec 128 demandeurs d'asile, des employés de centres d'accueil, des responsables mexicains et des employés d'organisations humanitaires.

Bien que l'inscription pour un rendez-vous sur l'application ne soit en principe pas obligatoire, dans les faits, les demandeurs qui se présentent à la frontière sans l'avoir préalablement obtenue sont éconduits par les autorités frontalières mexicaines et américaines, indique HRW.

Beaucoup des personnes interrogées ont fait état de nombreux problèmes pour utiliser l'application, notamment matérielles, techniques, ou linguistiques. L'application n'est ainsi disponible qu'en anglais, en espagnol et en créole haïtien.

Ces pratiques "violent le principe juridique fondamental de non-refoulement" des demandeurs d'asile vers des pays où leur vie ou leur liberté serait en danger, souligne l'ONG.

Elle exhorte donc l'administration Biden à donner instruction à la police des frontières de traiter toutes les demandes d'asile, indépendamment de la façon ou du lieu de dépôt, ainsi que de l'obtention d'un rendez-vous via l'application "CBP One" de la police des frontières.

Human Rights Watch lui suggère en outre d'en améliorer l'accessibilité et la facilité d'utilisation, y compris par l'ajout d'autres langues, comme l'arabe, le français, le russe, le chinois, le portugais, et de langages amérindiens.