NEW YORK : Bien qu'Israël ait rejeté une demande américaine de soutenir une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU condamnant l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'Etat hébreux votera probablement en faveur de la mesure lorsqu'elle sera débattue à l'Assemblée générale de l'ONU, selon des médias citant des responsables du ministère des Affaires étrangères.
Les États-Unis avaient lancé un appel clair : «Votez non, ou abstenez-vous, si vous êtes opposés à la charte de l'ONU et si vous soutenez les actes d'agression russes. La Russie a fait son choix, c'est maintenant à vous de le faire».
Plus de 80 pays ont accepté la requête américaine de coparrainer la résolution, qui a été déposée en tandem avec l'Albanie, membre temporaire du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU), et auraient condamné la Russie dans «les termes des plus fermes» tout en exigeant le retrait immédiat de ses forces d'Ukraine.
Ce vendredi, la Russie a opposé son veto à la mesure, la Chine, l'Inde et les Émirats arabes unis s'étant abstenus lors du vote. Les 11 membres restants du CSNU ont voté pour.
L'ambassadeur d'Ukraine auprès de l'ONU, Sergiy Kyslytsya, a demandé au président de l'Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) d'organiser une session d'urgence en vertu de la résolution dite «S'unir pour la paix», qui donne à l'Assemblée générale le pouvoir de convoquer des réunions d'urgence dans le but de discuter des questions de paix et de sécurité internationales lorsque le CSNU est incapable d'agir à cause d'un manque d'unanimité parmi ses cinq membres permanents disposant du droit de veto : les États-Unis, la Russie, la Chine, la Grande-Bretagne et la France.
Bien qu'Israël suive généralement l'exemple des États-Unis à l'ONU, il a parfois fait exception pour éviter de contrarier d'autres alliés.
Étant la seule démocratie occidentale qui entretient des relations relativement chaleureuses avec la Russie et l'Ukraine, Israël a jusqu'à présent évité une position plus ferme à l'égard de Moscou.
Israël est lié à l'Ukraine à plusieurs niveaux, a expliqué Hossein Abdel-Hossein, chercheur à la Fondation pour la défense des démocraties, une organisation non partisane basée à Washington et axée sur la politique étrangère et la sécurité nationale.
«D'abord et avant tout, on estime que 250 000 Juifs vivent en Ukraine. La ville d'Uman, dans l'ouest de l'Ukraine, abrite le sanctuaire de Reb Nachman de Bresolov, l'un des fondateurs du mouvement hassidique», a-t-il déclaré à Arab News.
«Chaque année, des dizaines de milliers de pèlerins juifs hassidiques visitent Uman en Ukraine. Le président Volodymyr Zelensky lui-même est juif. Tous ces liens signifient que les relations entre l'Ukraine et Israël sont plus chaleureuses que les relations moyennes entre deux pays au hasard».
Abdel-Hossein a avisé que les liens israéliens avec la Russie, d'autre part, se sont développés après que les administrations démocrates américaines ont commencé à s'éloigner du Moyen-Orient, laissant leurs alliés «découvrir comment gérer leurs affaires».
Il a ajouté qu'avec l'intervention de Moscou pour combler le vide laissé par l'absence de leadership américain dans la crise syrienne, Israël a été contraint de se coordonner avec la Russie «afin de garantir que les milices iraniennes ne s'enracinent pas dans le sud de la Syrie, d'où elles peut menacer l'État juif».
«Si l’Amérique avait pris les rênes en Syrie, comme elle l’a fait en Irak en 1991 quand Israël n’a même pas riposté aux missiles de Saddam Hussein, Israël n’aurait pas coordonné aujourd’hui avec les Russes sa frappe contre des cibles iraniennes à l’intérieur de la Syrie».
Abdel-Hossein a ajouté que «les liens israéliens avec Moscou sont basés sur des intérêts communs. Moscou estimant qu'Israël avait publié une déclaration trop prudente concernant l'invasion, les médias d'État russes ont critiqué l'annexion par Israël des hauteurs du Golan. C'est dire à quel point les relations israélo-russes sont fragiles».
Le gouvernement israélien a condamné jeudi l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid déclarant qu'il s'agissait «d'une violation de l'ordre international »
Mais le Premier ministre israélien Naftali Bennett s'est abstenu de condamner publiquement la Russie. Il a appelé à une diplomatie plus forte et à l’élargissement de l'aide humanitaire aux Ukrainiens.
Loin d'être accidentelle, toute différence dans les déclarations entre Lapid et Bennett «doit avoir été totalement planifiée et intentionnelle», a estimé Abdel-Hossein.
«Le sentiment populaire israélien est antirusse et ses dirigeants le savent. Cependant, Israël doit équilibrer ses relations avec les puissances mondiales, surtout en l'absence de l'Amérique», a-t-il ajouté.
Lapid et Bennett sont les leaders d'un gouvernement de coalition qui marchent sur un «terrain glissant», et ils ont tendance à coordonner étroitement leurs grands pas».
Si l'opposition à la guerre russe continue de faire boule de neige, Israël suivra le courant avec la communauté internationale, a soutenu Abdel-Hossein.
Mais, Israël veillera également à «rester en retrait afin de maintenir les relations minimales requises avec la Russie, notamment sur la Syrie».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com