PARIS : Emmanuel Macron s'est démultiplié pour éviter la guerre en Ukraine, renforçant sa stature internationale, à moins de 50 jours de la présidentielle française. Mais l'intervention annoncée lundi par Moscou résonne comme un revers, que ses opposants cherchent à mettre à profit dans l'optique du scrutin.
Loin des estrades et des studios de télévision, le président français a encore passé des heures, ces derniers jours, à négocier au téléphone avec les principaux acteurs de la crise internationale. Avec des résultats contrastés.
Lundi à 02H00 du matin à Paris, un relatif optimisme était de mise lorsqu'un accord de principe pour un sommet Poutine-Biden était annoncé à son initiative. Mais moins d'un jour plus tard, le président russe actait un déploiement de ses forces dans les territoires séparatistes de l'est ukrainien, dont il reconnaissait l'indépendance.
La douche ne pouvait être plus froide au sommet de l'État français. Vladimir Poutine "n'a pas respecté la parole donnée" à Emmanuel Macron, dénonçait Paris.
Depuis près d'un mois, l’Élysée, rompant avec ses habitudes, communique en temps réel sur la succession des échanges du président en organisant des comptes-rendus détaillés par les conseillers diplomatiques auxquels sont conviés plus de 200 journalistes français et étrangers.
Emmanuel Macron "a beaucoup d'énergie positive. Il n'est pas réellement un médiateur, plutôt un facilitateur" en proposant "des initiatives et des paramètres pour la négociation", louait son entourage avant la dernière escalade.
PARIS : Son volontarisme est mis en avant. Sa photographe personnelle a publié ce weekend une série de clichés le montrant à son bureau, barbe de trois jours et traits creusés... clichés que raille mardi Marine Le Pen. "J’ai vu passer des photos d’Emmanuel Macron pas rasé, la tête entre les mains. Tout ça est très artistique, mais ce n’est pas sérieux de faire de la communication sur ces sujets-là", déplore la candidate d'extrême droite sur la radio RTL.
Et d'ironiser : "On s’est même posé la question de savoir s’il était vraiment président de la République dans cette séquence où s’il cherchait à être Prix Nobel de la paix." Avant d'accuser le président français d'avoir "cherché à se servir de cette séquence diplomatie" à des fins électoralistes.
Bilan navrant
À moins de 50 jours du premier tour de la présidentielle, le 10 avril, Emmanuel Macron, grand favori de l'élection dans tous les sondages, ne s'est en effet toujours pas déclaré candidat à un nouveau mandat, du fait de son activisme sur le front russo-ukrainien, selon son entourage.
Lui qui s'était déjà engagé comme médiateur au Liban, en Libye, dans le conflit entre l'Arménie et l’Azerbaïdjan ou sur le dossier iranien, souvent sans être payé de retour, devrait entrer en campagne la semaine prochaine, de même source. Il restera alors quarante jours ou moins avant le scrutin.
Face à cette situation inédite, les oppositions cherchent le bon angle d'attaque, entre critiques sur la forme et dénonciations de la naïveté présumée du chef de l'Etat.
Le candidat de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon a fustigé mardi sur Facebook le "bilan navrant" d'Emmanuel Macron, qui "aura joué des rôles sans contenu réel" durant cette "séquence" diplomatique.
"Il est inutile d’espérer qu’il fasse mieux. Il peut faire pire", a-t-il encore commenté, en appelant le Premier ministre Jean Castex à s'expliquer "dans les heures qui viennent" devant l'Assemblée nationale.
La candidate de la droite conservatrice Valérie Pécresse a de son côté moqué un "dialogue solitaire" et "tardif" de Macron sur la radio France inter.
Des critiques jugées indignes par la majorité, qui loue un président prenant "tous les risques jusqu'à la dernière minute pour pouvoir éviter un conflit armé", selon le délégué général du parti au pouvoir, Stanislas Guerini.
Pour le spécialiste en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet, les tensions russo-ukrainiennes servent ainsi Emmanuel Macron au plan intérieur : "Toute situation de crise aiguë à ce stade le place au centre de l'attention médiatique et des débats en faisant disparaître l'opposition, quelle qu'elle soit".
Le risque politique n'est pas très élevé, poursuit l'expert, car quoiqu'il arrive, le président "sera crédité" d'avoir essayé. Et d'observer : "Même s'il échoue sur le front russe, il aura dirigé l'effort européen, sans la présence tutélaire d'Angela Merkel."