Le virus élargira-t-il l’écart entre riches et pauvres au Moyen-Orient ?

Une femme et des enfants syriens déplacés portent sur leur tête des sacs de déchets ramassés dans une décharge à l'extérieur d'un camp à Kafr Lusin, près de la frontière avec la Turquie, dans la province d'Idlib, au nord-ouest de la Syrie. (AFP / Fichier Photo)
Une femme et des enfants syriens déplacés portent sur leur tête des sacs de déchets ramassés dans une décharge à l'extérieur d'un camp à Kafr Lusin, près de la frontière avec la Turquie, dans la province d'Idlib, au nord-ouest de la Syrie. (AFP / Fichier Photo)
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Publié le Mercredi 07 octobre 2020

Le virus élargira-t-il l’écart entre riches et pauvres au Moyen-Orient ?

  • Selon le rapport d'Oxfam, les confinements et les politiques inadaptées menacent d’appauvrir davantage des millions de personnes
  • Un ensemble de dispositifs de sécurité sociale et de taxe sur les dépenses de luxe sont de potentielles mesures pour combler l’écart grandissant

DUBAI: Économiquement malmenée avant même la crise de la Covid-19, la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (Mena) a du mal à défier les prévisions alarmistes.

Confinements prolongés, fermetures de frontières et annulations de vols ont exacerbé les difficultés économiques de millions de travailleurs qualifiés et non qualifiés, principalement dans les pays à revenu moyen et faible, et qui peinent déjà à subvenir à leurs besoins de base.

Les mesures gouvernementales pour lutter contre la Covid-19 menacent de faire basculer des millions de personnes dans la pauvreté, alors qu’elles frappent le plus durement les femmes, les réfugiés, les travailleurs migrants et ceux qui travaillent au noir. Cette situation va probablement engendrer une forte croissance des inégalités, a déclaré l'organisation caritative internationale Oxfam dans un rapport récent.

Un Palestinien qui récupère des contenants en plastique sur sa charrette porte un masque de protection, en raison de la COVID-19, à Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, le 1er octobre 2020 (AFP)
Un Palestinien qui récupère des contenants en plastique sur sa charrette porte un masque de protection, en raison de la Covid-19, à Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, le 1er octobre 2020 (AFP)

« Si l'on veut éviter une autre décennie de souffrance, les gouvernements doivent prendre des mesures immédiates pour réduire les inégalités en fournissant des services publics pour protéger les citoyens ordinaires, en taxant les plus riches, et en garantissant un emploi adapté. »

Parallèlement, la richesse combinée des fortunes du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (Mena) a augmenté de près de 10 milliards de dollars, soit plus du double du financement d'urgence total que la région a reçu du Fonds monétaire international pour l'aider à surmonter la crise mondiale, selon Oxfam, une confédération de près de 20 organisations caritatives œuvrant pour lutter contre la pauvreté dans le monde.

Selon le rapport, intitulé « Pour une décennie d'espoir, non à l’austérité, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. », la pandémie a « révélé le manque de protection des personnes les plus vulnérables de la région Mena, creusé le fossé entre les riches et les pauvres, et aggravé les inégalités existantes dans la région ».

« Parfois, vous avez une idée de la taille de la richesse et des inégalités dans la région, mais lorsque vous êtes en mesure d’évaluer certains de ces problèmes, cela peut être très crucial », a déclaré Nabil Abdo, conseiller politique principal et co-auteur du rapport d'Oxfam, dans une interview avec Arab News de Beyrouth. « Je pense que c'est la chose la plus importante que nous avons faite dans ce rapport ».

Fondé sur près de trois mois de recherches et de données provenant de gouvernements et d'organisations internationales et régionales, le rapport se concentre sur quatre pays arabes - l'Égypte, le Maroc, la Jordanie et le Liban. Les données sur les riches de la région étaient basées sur la liste du magazine Forbes.

« La pandémie de coronavirus a révélé le manque de protection des personnes les plus vulnérables de la région Mena, et aura pour résultat que ces personnes seront encore plus vulnérables », indique le rapport.

« On s'attend à ce que les conséquences de la pandémie créent un trou économique profond, et que les pays doivent travailler fort pour s’en sortir. Un déficit budgétaire de 11,1% du PIB régional est attendu, contre 3,2% en 2019 », a affirmé Oxfam.

« Les envois de fonds, qui représentent 5,7% du PIB, devraient chuter de près de 20%. Les investissements étrangers devraient chuter de 45% et 1,7 million d'emplois devraient être perdus, dont 700 000 détenus par des femmes, avec une perte de revenu totale estimée à 42 milliards de dollars. On estime que plus de 10% des heures de travail dans la région ont été supprimées au deuxième trimestre 2020, ce qui équivaut à au moins 8 millions d'emplois à temps plein. »

Selon le rapport, les classes moyennes et ouvrières devraient souffrir le plus avec les mesures économiques introduites pour empêcher la propagation du virus qui seront également susceptibles de pousser 45 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté dans la région.

« Cela accentuera les inégalités déjà énormes dans la région Mena, où les 10% les plus riches de la population contrôlent 76% de tous les revenus », indique le rapport.

Selon Oxfam, les riches sont « intacts », et leur richesse a augmenté d'au moins 9,8 milliards de dollars entre mars et août 2020.

Nabil Abdo dit : « Combler le fossé nécessite une combinaison de politiques. Il s'agirait avant tout de réformes fiscales sous la forme d'une nouvelle « taxe de solidarité » sur la richesse nette des plus riches et d'une réduction des impôts pour plus pauvres.

QUELQUES CHIFFRES

L’impact du coronavirus

  • 45% de baisse prévue des investissements étrangers dans la région Mena.
  • 42 milliards de dollars de salaires perdus estimés.
  • 45 millions de personnes supplémentaires poussées dans la pauvreté dans la région.
  • 1,7 million de pertes d'emplois attendues dans la région Mena.
  • Environ 700 000 femmes perdront leur emploi.

Abdo recommande également de renforcer les filets de protection sociale « faibles »; investir dans les services publics, notamment la santé, l'éducation et les transports; assurer un « travail digne et décent » avec tous les droits tels que les congés et les pensions pour les employés et les travailleurs migrants; ainsi que l’assouplissement des termes et des conditions des prêts destinés à soutenir les petites et moyennes entreprises.

Hussein Mohamed Suleiman, chercheur en économie au Centre d’études politiques et stratégiques Al-Ahram du Caire, affirme que de nouvelles taxes sur les riches sont une idée qui mérite d’être explorée tant que ces taxes ne constituent pas une perception excessive de recettes.

« Vous devez agir prudemment, sinon vous risquez de faire face à une fuite des capitaux et des investissements. Nous vivons actuellement dans un monde ouvert, donc si vous surtaxez les entreprises, elles pourraient aller ailleurs, tandis que vous en avez réellement besoin », a déclaré Suleiman à Arab News du Caire.

« Il faut éviter de trop taxer les bénéfices des entreprises et commencer à taxer les dépenses, comme dans l'immobilier, et la richesse personnelle », a-t-il déclaré. « Certains proposent une taxe à la consommation progressive, pas un impôt sur le revenu. En d'autres termes, une personne riche qui gagne beaucoup d'argent ne serait pas trop imposée, alors que ses dépenses sur les produits de luxe seraient taxées.

En Égypte, pays le plus peuplé de la région arabe, la COVID-19 a aggravé l'écart entre les riches et les pauvres qui se creuse depuis trois ans, depuis la mise en œuvre d'un programme de réforme approuvé par le FMI.

Le taux de pauvreté de l'Égypte, qui avait atteint 32,5% à la mi-2018, aurait augmenté depuis. Le chômage est estimé à environ 10%, mais la situation s’est peut-être aggravée en raison de l'impact de la pandémie sur les principales sources de revenus du pays, à savoir le tourisme, les envois de fonds des expatriés, et le commerce via le canal de Suez. A elles trois, ces ressources représentent traditionnellement près de 15% du PIB de l'Égypte.

Bien que l'Égypte ait tenté de minimiser les mesures de confinement, fatales pour l’économie, de nombreuses régions du monde ont cessé « d'envoyer des touristes » ou de passer par le canal de Suez.

La Jordanie, qui a introduit des mesures strictes au cours des six premiers mois de la pandémie, souffre également. Au moins 15 secteurs économiques, dont les installations touristiques, les transports, et les salles de réunion, sont sur le point de fermer complètement.

Des gens portant des masques quittent un centre commercial de Dubaï le 28 avril 2020, après sa réouverture dans le cadre de démarches dans l'émirat pour assouplir les restrictions de confinement imposées le mois précédent pour empêcher la propagation de la COVID-19.  (AFP / Fichier Photo)
Des gens portant des masques quittent un centre commercial de Dubaï le 28 avril 2020, après sa réouverture dans le cadre de démarches dans l'émirat pour assouplir les restrictions de confinement imposées le mois précédent pour empêcher la propagation de la COVID-19.  (AFP / Fichier Photo)

Près de 200 000 personnes ont perdu leur emploi dans un pays où près de 90% de l'économie nationale repose sur des petites et moyennes entreprises, selon l'économiste et chroniqueur Khaled Al-Zubeidy. « En juin, le pourcentage de chômage officiel a atteint 23%, le plus élevé de l'histoire du royaume », a-t-il déclaré à Arab News depuis Amman.

« Le chômage s’accompagne de pauvreté, car ceux qui n’ont pas d’emploi sont inévitablement pauvres. L’écart entre les riches, d’une part, et les pauvres ou extrêmement pauvres, d’autre part, s’est énormément creusé. D’autre part, a déclaré Al-Zubeidy, les entreprises qui produisent des désinfectants, des masques et des combinaisons de protection jetables pour les travailleurs de la santé ont prospéré ces derniers mois.

Pour combler le fossé entre les riches et les pauvres, le gouvernement doit rationaliser ses dépenses, en particulier celles consacrées aux biens et services non essentiels. « Ce qui est vraiment étrange, en Jordanie, le budget annuel est considérable par rapport au PIB », a déclaré Al-Zubeidy.

« Cela est semblable à quelqu'un qui achète une chemise pour 20 dinars et la porte avec un costume qui coûte 2 dinars. Il ne faut pas oublier que la dette extérieure de la Jordanie a atteint 43 milliards de dollars, ce qui équivaut à près de 103% de son PIB. »

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le chef de la diplomatie libanaise décline une invitation de l'Iran

Le ministre libanais des Affaires étrangères, Youssef Rajji, s'exprime lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue égyptien au siège du ministère des Affaires étrangères au Caire. (AFP)
Le ministre libanais des Affaires étrangères, Youssef Rajji, s'exprime lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue égyptien au siège du ministère des Affaires étrangères au Caire. (AFP)
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  • Le ministre libanais des Affaires étrangères Youssef Raggi a refusé une invitation à se rendre en Iran, évoquant des conditions inappropriées, et a proposé une rencontre dans un pays tiers neutre
  • Ce refus intervient sur fond de pressions américaines pour désarmer le Hezbollah, soutenu par l'Iran, alors que Beyrouth insiste sur la non-ingérence dans ses affaires internes

BEYROUTH: Le ministre libanais des Affaires étrangères Youssef Raggi a décliné mercredi une invitation de son homologue à se rendre en Iran, qui soutient le Hezbollah islamiste, et proposé une rencontre dans un pays tiers.

Le gouvernement libanais est soumis à une intense pression des Etats-Unis pour désarmer le Hezbollah, affaibli par une guerre avec Israël, alors que l'Iran a affiché son opposition à cette mesure.

Début décembre, le chef de la diplomatie iranienne Abbas Araghchi avait invité M. Raggi à se rendre à Téhéran pour évoquer "les relations bilatérales" ainsi que les "développements régionaux et internationaux", selon le ministère iranien des Affaires étrangères.

En réponse à M. Araghchi, "j'ai déclaré que je ne pouvais pas accepter son invitation à me rendre à Téhéran dans les circonstances actuelles", a annoncé mercredi M. Raggi sur X.

"Cela ne signifie pas un refus d'engager le dialogue, mais plutôt que les conditions ne sont pas propices à cette visite", a-t-il ajouté.

Il a proposé à son homologue de s'entendre pour se rencontrer "dans un pays tiers neutre", soulignant que les relations entre le Liban et l'Iran devaient être basées sur le principe de "non ingérence dans les affaires internes" de chaque pays.

L'Iran arme et finance le puissant Hezbollah, qu'une guerre a opposé à Israël d'octobre 2023 à novembre 2024.

En août, le Liban avait signifié à un haut responsable iranien, Ali Larijani, en visite à Beyrouth, son refus catégorique de "toute ingérence" dans ses affaires internes, après des critiques par Téhéran de la décision du gouvernement de désarmer le Hezbollah.

Téhéran dénonce régulièrement les frappes israéliennes qui le visent. Les Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de la République islamique, avaient appelé en novembre à "venger" l'assassinat par Israël au Liban du chef militaire du Hezbollah, Haitham Ali Tabatabai.


L'Arabie saoudite et l'Iran réaffirment leur engagement à mettre en œuvre l’Accord de Pékin

Une réunion organisée par Téhéran a rassemblé mardi des responsables saoudiens, iraniens et chinois. (SPA)
Une réunion organisée par Téhéran a rassemblé mardi des responsables saoudiens, iraniens et chinois. (SPA)
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  • Le vice-ministre saoudien des Affaires étrangères, Waleed Al-Khureiji, a participé mardi à la troisième réunion du Comité tripartite conjoint

RIYAD : L’Arabie saoudite et l’Iran ont réaffirmé leur engagement à mettre en œuvre l’Accord de Pékin lors d’une réunion tenue mardi à Téhéran.

Le vice-ministre saoudien des Affaires étrangères, Waleed Al-Khureiji, a assisté à la troisième réunion du Comité tripartite conjoint entre l’Arabie saoudite, l’Iran et la Chine.

Les parties saoudienne et iranienne « ont réaffirmé leur engagement à mettre en œuvre l’Accord de Pékin dans son intégralité, ainsi que leur volonté de renforcer les relations de bon voisinage entre leurs pays, dans le respect de la Charte des Nations unies, de la Charte de l’Organisation de la coopération islamique et du droit international », a indiqué l’Agence de presse saoudienne dans un communiqué.

L’Arabie saoudite et l’Iran ont également salué le rôle positif continu joué par la Chine ainsi que son soutien constant à la mise en œuvre de l’Accord de Pékin.

De son côté, la Chine a réaffirmé sa disponibilité à poursuivre son soutien et à encourager les démarches entreprises par le Royaume et l’Iran pour développer leurs relations dans divers domaines.

Les trois pays ont salué les progrès continus dans les relations saoudo-iraniennes et les perspectives qu’ils offrent à tous les niveaux, a ajouté la SPA.

Les trois pays ont également appelé à une cessation immédiate des agressions israéliennes en Palestine, au Liban et en Syrie.

Ils ont en outre condamné tout acte portant atteinte à l’intégrité territoriale de l’Iran.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L'armée israélienne dit avoir frappé des infrastructures du Hezbollah au Liban

Des véhicules de l'ONU passent devant des bâtiments détruits par l'offensive aérienne et terrestre menée par Israël contre le Hezbollah dans le sud du Liban, vue depuis la ville la plus septentrionale d'Israël, Metula, le dimanche 30 novembre 2025. (AP)
Des véhicules de l'ONU passent devant des bâtiments détruits par l'offensive aérienne et terrestre menée par Israël contre le Hezbollah dans le sud du Liban, vue depuis la ville la plus septentrionale d'Israël, Metula, le dimanche 30 novembre 2025. (AP)
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  • L’armée israélienne affirme avoir frappé plusieurs infrastructures du Hezbollah dans le sud du Liban, dont un site de lancement, un complexe d’entraînement et des installations militaires, malgré le cessez-le-feu de novembre 2024
  • Le contexte reste tendu depuis l’assassinat de Hassan Nasrallah en 2024, tandis que Washington presse Beyrouth de désarmer le Hezbollah, une demande rejetée par le groupe et ses alliés

JERUSALEM: L'armée israélienne a annoncé tôt mardi avoir frappé des infrastructures du mouvement islamiste Hezbollah pro-iranien dans le sud du Liban.

Les forces armées israéliennes ont indiqué "avoir frappé des infrastructures appartenant à l'organisation terroriste Hezbollah dans plusieurs zones du sud du Liban", dont un site de lancement utilisé pour des attaques contre Israël, dans un communiqué publié sur plusieurs réseaux sociaux.

Elles disent avoir ciblé également un complexe d'entraînement de la force al-Radwan, une unité d'élite, des champs de tir, des zones d'entraînement aux armes pour divers types d'armes et des structures militaires appartenant au Hezbollah.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024 avec le groupe chiite pro-iranien, Israël continue de mener des attaques régulières le visant dans ses bastions libanais, et d'occuper cinq points frontaliers dans le sud du Liban.

Israël avait menacé début novembre d'intensifier ses attaques au Liban, accusant le mouvement de se "réarmer".

Le Hezbollah a été fortement affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth.

Depuis, les États-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe, un plan auquel le Hezbollah et ses alliés s'opposent en invoquant notamment la poursuite d'une présence israélienne sur le territoire libanais.