En révélant des secrets, Washington tente de prévenir une invasion de l'Ukraine

Le Capitole des États-Unis à Washington, DC, le 8 février 2022. (Photo, AFP)
Le Capitole des États-Unis à Washington, DC, le 8 février 2022. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 18 février 2022

En révélant des secrets, Washington tente de prévenir une invasion de l'Ukraine

  • Les Etats-Unis martèlent que la Russie prépare une opération dite « sous fausse bannière» , où un pays utilise les marques de reconnaissance de l'ennemi pour semer la confusion et enclencher un conflit militaire dans la région
  • Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a décrit jeudi avec force détails devant le Conseil de sécurité de l'ONU le scénario catastrophe d'une attaque imminente contre l'Ukraine

WASHINGTON: En révélant au grand public un volume inhabituel d'informations de leurs services de renseignement, les Etats-Unis espèrent compliquer la tâche de Moscou qu'ils accusent de vouloir justifier une invasion de l'Ukraine, une stratégie ambitieuse mais risquée pour Washington.

Depuis un mois, l'administration américaine a multiplié les révélations sur les mouvements des troupes russes aux frontières de l'Ukraine et les projets supposés du président russe Vladimir Poutine, parfois publiquement mais aussi au cours de rencontres avec des journalistes de hauts responsables du renseignement qui parlent rarement à la presse.

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a ainsi décrit jeudi avec force détails devant le Conseil de sécurité de l'ONU le scénario catastrophe d'une attaque imminente contre l'Ukraine: un prétexte "fabriqué de toutes pièces", qui permettrait à Moscou de "proclamer qu'il doit riposter", puis une attaque avec "des missiles et des bombes". 

"Les communications seront coupées, des cyberattaques vont bloquer des institutions ukrainiennes clés", a-t-il énuméré, sans apporter de preuves étayant ce scénario. "Puis des chars et soldats avanceront contre des objectifs-clés qui ont déjà été identifiés", y compris la capitale ukrainienne, Kiev, a-t-il accusé.

Des responsables américains ont aussi décrit avec précision le dispositif militaire russe déployé aux frontières ukrainiennes: plus de 150 000 hommes, selon les derniers chiffres, des milliers de soldats des forces spéciales, des avions de combat, des bombardiers, des missiles et des batteries anti-aériennes, des véhicules amphibies positionnés dans la mer Noire. Des détails rarement révélés au grand public.

Pour Douglas London, un ancien agent des services clandestins ayant passé 34 ans à la CIA, l'ampleur "sans précédent" des révélations américaines montre que Washington répond aux opérations de désinformation de Moscou de ces dernières années, notamment lors de l'élection présidentielle de 2016.

"Washington rattrape enfin ses rivaux, y compris la Russie et WikiLeaks, en utilisant l'information pour avoir une influence sur les événements", estime-t-il dans une tribune publiée par la revue Foreign Affairs.

Compliquer la tâche de Moscou

Mais les Etats-Unis, soucieux de préserver l'ordre international, ne veulent pas répondre à la désinformation par de la désinformation, a affirmé à l'AFP un haut responsable américain. L'idée est donc de révéler les tactiques que pourrait utiliser le Kremlin afin que le public reconnaisse la désinformation et ne se laisse pas prendre au piège de provocations.

Les Etats-Unis martèlent que la Russie prépare une opération dite "sous fausse bannière", où un pays utilise les marques de reconnaissance de l'ennemi pour semer la confusion. Washington espère ainsi désamorcer le risque qu'une étincelle, créée de toutes pièces, n'embrase la région.

Le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price, a ainsi cité mercredi des propos du président russe sur un "génocide" contre la population russophone des régions séparatistes du Donbass et de Louhansk, dans l'est de l'Ukraine. "Il n'y a pas une once de vérité dans ces accusations", a-t-il martelé.

Le porte-parole du Pentagone, John Kirby, avait auparavant affirmé que Moscou était en train de préparer une vidéo de fausse attaque ukrainienne "très violente, qui montrerait des cadavres et des acteurs jouant le rôle de personnes en deuil", pour servir de prétexte à envahir l'Ukraine.

Douglas London, l'ancien espion de la CIA, estime que ces révélations ont compliqué les choses pour Moscou. "Plus Washington dévoile au grand jour les actes et les intentions de la Russie, moins Poutine dispose d'options" pour justifier une attaque, note-t-il. 

Mais la nouvelle stratégie américaine est risquée car même si les mouvements de troupes peuvent désormais être aisément observés par des satellites commerciaux, chaque révélation donne aux services de renseignement russes des indices sur la façon dont les informations ont été rassemblées et permettent à Moscou d'ajuster ses plans.

En outre, la crédibilité du renseignement américain, déjà écornée par les "preuves" présentées en 2003 par Colin Powell à la tribune de l'ONU sur le programme d'armement nucléaire de Saddam Hussein, pourrait de nouveau être remise en cause si Moscou retire ses forces des frontières ukraniennes sans avoir attaqué.

Un risque que les Etats-Unis sont prêts à courir. "Ce serait le meilleur résultat possible", a assuré à l'AFP un haut responsable américain. "Nous aurons sauvé des milliers de vies".


Guerre commerciale: Pékin dénonce les pays jouant l'"apaisement" à l'égard de Washington

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  • « L'apaisement n'apportera pas la paix et le compromis ne sera pas respecté », a estimé dans un communiqué un porte-parole du ministère du Commerce chinois.
  • « Si une telle situation se produisait, la Chine ne l'accepterait jamais et prendrait résolument des contre-mesures. »

PEKIN : La Chine a dénoncé lundi les pays qui pratiquent l'apaisement à l'égard des États-Unis dans les négociations commerciales sur les droits de douane américains, affirmant « s'opposer fermement » à tout accord nuisant à ses intérêts.

« L'apaisement n'apportera pas la paix et le compromis ne sera pas respecté », a estimé dans un communiqué un porte-parole du ministère du Commerce chinois, ajoutant que le pays « s'oppose fermement à ce qu'une quelconque partie parvienne à un accord au détriment de ses intérêts ».

« Si une telle situation se produisait, la Chine ne l'accepterait jamais et prendrait résolument des contre-mesures. »

Le président américain Donald Trump a imposé des droits de douane allant jusqu'à 145 % sur un grand nombre de produits importés de Chine, ce qui porte le total des taxes à 245 % dans certains cas, notamment pour les véhicules électriques. 

Pékin a répliqué en instaurant une taxe de 125 % sur les produits américains.

Les partenaires commerciaux des États-Unis sont frappés par une surtaxe plancher de 10 %, tandis que M. Trump a suspendu, le 9 avril, l'entrée en vigueur de droits de douane bien plus élevés pour la plupart des pays concernés, pour une période de 90 jours. Nombre de ces pays ont engagé des discussions avec Washington.

« Chercher ses propres intérêts égoïstes temporaires au détriment des intérêts des autres (...) finira par échouer des deux côtés et nuira aux autres », a averti le ministère du Commerce chinois dans son communiqué.


Au Canada, le Premier ministre Mark Carney est toujours en tête, alors qu'un vote décisif est prévu dans une semaine

Le Premier ministre canadien et leader libéral Mark Carney, aux côtés de son épouse Diana Fox Carney, s'exprime lors d'un meeting de campagne à Nepean, Ottawa, Ontario, Canada, le 20 avril 2025. (Photo par Dave Chan / AFP)
Le Premier ministre canadien et leader libéral Mark Carney, aux côtés de son épouse Diana Fox Carney, s'exprime lors d'un meeting de campagne à Nepean, Ottawa, Ontario, Canada, le 20 avril 2025. (Photo par Dave Chan / AFP)
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  • À une semaine du vote au Canada, l'espoir des conservateurs de revenir au pouvoir s'amenuise
  • Tous les sondages donnent les libéraux du Premier ministre Mark Carney vainqueurs.

MONTREAL : À une semaine du vote au Canada, l'espoir des conservateurs de revenir au pouvoir s'amenuise. En effet, tous les sondages donnent les libéraux du Premier ministre Mark Carney vainqueurs, ce dernier étant considéré comme plus crédible pour affronter Donald Trump.

Le scrutin du 28 avril se déroule dans un climat tendu dans ce pays du G7 de 41 millions d'habitants, toujours sous le choc des secousses provoquées par les tensions commerciales et les menaces d'annexion du président américain.

Signe que cette campagne est considérée comme exceptionnelle par de nombreux citoyens : les débats entre les candidats ont été très suivis et, vendredi, premier jour du vote par anticipation, deux millions d'électeurs ont déposé leur bulletin dans l'urne, un record.

Christine Bonenfant, à la sortie d'un bureau de vote de Montréal, explique à l'AFP qu'elle a choisi le parti qui, selon elle, « s'en sortira le mieux face à Donald Trump » et ramènera « la sérénité ». Elle « espère que beaucoup de gens iront voter » pour cette élection « importante ».

« C'est la première fois que j'hésite autant », explique Josée Fournier, venue elle aussi voter par anticipation. Le Canada a une « épée de Damoclès » au-dessus de la tête « à cause de la situation avec le voisin du Sud ». 

 Majorité

Deux partis ont largement dominé cette campagne : les libéraux du nouveau Premier ministre Mark Carney, qui a remplacé Justin Trudeau il y a un mois, et les conservateurs de Pierre Poilievre.

Selon les dernières projections, les libéraux pourraient remporter suffisamment de sièges pour obtenir une majorité, ce qu'ils avaient échoué à accomplir lors des deux précédents scrutins.

Ils sont crédités d'environ 44 % des votes, contre 38 % pour les conservateurs. Viennent ensuite le Nouveau parti démocratique (NPD, gauche) avec 8 %, suivi par le Bloc québécois (parti indépendantiste) avec 5 %, et le parti vert avec 2 %.

Finalement, le profil international de Mark Carney et son expérience de banquier central semblent avoir davantage convaincu un électorat en quête de stabilité face aux défis économiques à venir, selon les enquêtes de sondage.

« Le chaos est entré dans nos vies. C'est une tragédie, mais c'est aussi une réalité. La question clé de cette élection est de savoir qui est le mieux placé pour s'opposer au président Trump ? », a-t-il déclaré pendant le week-end, depuis Niagara, à la frontière américaine, devant les chutes. 

Dans le bras de fer commercial qui oppose le Canada aux États-Unis, ce novice en politique a promis de maintenir des droits de douane sur les produits américains tant que les mesures de Washington resteraient en place.

Il a également annoncé son intention de développer le commerce intérieur en levant les barrières douanières entre les provinces et de chercher de nouveaux débouchés, notamment en Europe.

Il s'est également engagé à investir massivement dans la défense, l'énergie et le logement, et à réduire les impôts des ménages les plus modestes.

« En recentrant le parti libéral par rapport aux années Trudeau, il a sûrement réussi à convaincre une partie de ceux qui étaient prêts à voter conservateur », estime Félix Mathieu, politologue à l'université de Winnipeg.

Et puis, « son calme et son pragmatisme rassurent les gens ». « Lors des débats, il a donné l'impression d'être au-dessus de la mêlée ». 

« Besoin d'un changement » 

Âgé de 45 ans, Pierre Poilievre, son principal opposant, est un vétéran de la politique canadienne qu'il exerce depuis plus de 20 ans. Chef du Parti conservateur depuis 2022, cet adepte des formules choc a dominé les sondages pendant des mois et semblait promis au poste de Premier ministre.

« Après la décennie libérale, marquée par l'augmentation des coûts, de la criminalité et la chute de l'économie, les libéraux ne méritent pas un quatrième mandat », a-t-il lancé ce week-end lors d'un événement de campagne.

« Nous avons besoin d'un changement avec un nouveau gouvernement conservateur qui réduira les impôts, construira des logements, libérera nos ressources et renforcera notre économie. »

Son style et certaines de ses idées, proches de celles des républicains américains, lui ont aliéné une partie de l'électorat, notamment les femmes, selon les analystes.

Le vainqueur devrait être connu quelques heures après la clôture des bureaux de vote, le 28 avril. 


Ukraine : Zelensky accuse la Russie de violer le cessez-le-feu qu'elle a pourtant annoncé

Un couple passe devant des drapeaux et des portraits de soldats tombés au combat à un mémorial improvisé pour les combattants ukrainiens et étrangers tombés au combat, sur la place de l'Indépendance à Kiev, le 19 avril 2025,Le président russe Vladimir Poutine a annoncé samedi une trêve de Pâques dans le conflit en Ukraine, qui débutera ce soir et durera jusqu'au 20 avril 2025 à minuit. (Photo Sergei SUPINSKY / AFP)
Un couple passe devant des drapeaux et des portraits de soldats tombés au combat à un mémorial improvisé pour les combattants ukrainiens et étrangers tombés au combat, sur la place de l'Indépendance à Kiev, le 19 avril 2025,Le président russe Vladimir Poutine a annoncé samedi une trêve de Pâques dans le conflit en Ukraine, qui débutera ce soir et durera jusqu'au 20 avril 2025 à minuit. (Photo Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • « Guidée par des considérations humanitaires, la partie russe décrète une trêve de Pâques.
  • En fin de journée, Volodymyr Zelensky a toutefois assuré sur X que « des assauts russes se poursuivaient dans plusieurs secteurs du front », tandis qu'une alerte antiaérienne retentissait à Kiev. 

KIEV : Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé samedi la Russie de violer le cessez-le-feu que Vladimir Poutine venait d'annoncer pour Pâques et que l'Ukraine s'était engagée à respecter, ce qui constituerait la pause la plus significative dans les combats depuis le début du conflit il y a trois ans.

« Guidée par des considérations humanitaires, la partie russe décrète une trêve de Pâques aujourd'hui, de 18 heures (15 heures GMT) à minuit entre dimanche et lundi (21 heures GMT dimanche). Je donne l'ordre de cesser toutes les hostilités pendant cette période », a déclaré le chef de l'État russe.

« Nous supposons que la partie ukrainienne suivra notre exemple », a-t-il ajouté, tout en demandant aux forces russes de se tenir prêtes à une « réponse immédiate et complète » en cas de « violations de la trêve ».

« Si la Russie est prête à vraiment s'engager, l'Ukraine fera de même », a écrit le président ukrainien sur X, ajoutant qu'il proposait « d'étendre le cessez-le-feu au-delà du 20 avril ».

En fin de journée, Volodymyr Zelensky a toutefois assuré sur X que « des assauts russes se poursuivaient dans plusieurs secteurs du front », tandis qu'une alerte antiaérienne retentissait à Kiev. 

Le gouverneur de la région de Kherson, dans le sud de l'Ukraine, a pour sa part fait état d'attaques de drones russes au même moment.

« Les combats se poursuivent et les attaques russes continuent », a déclaré samedi soir le chef d'état-major de l'armée ukrainienne. « Dans certaines zones de la ligne de front, l'artillerie russe continue d'être entendue, malgré la promesse de silence du dirigeant russe. Des drones russes sont utilisés. »

« Poutine vient de faire des déclarations sur sa prétendue volonté de mettre fin aux hostilités. Nous savons que ses paroles ne sont pas dignes de confiance et nous examinerons les actes, pas les paroles », a mis en garde Andriy Sybiga, le ministre ukrainien des Affaires étrangères. 

Samedi, la Russie a par ailleurs annoncé avoir échangé 246 prisonniers de guerre ukrainiens contre le même nombre de prisonniers russes, ainsi que 31 blessés ukrainiens et 15 blessés russes.

Les Émirats arabes unis, médiateurs dans ce dossier, ont confirmé l'opération dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères publié samedi soir, saluant « le plus grand échange de prisonniers depuis le début de la guerre ».

La Pâques, l'une des plus importantes fêtes du calendrier chrétien qui commémore la résurrection du Christ, est célébrée cette année dimanche, à la même date par les catholiques et les orthodoxes.

Des tentatives d'instaurer un cessez-le-feu à cette occasion en Ukraine ont déjà eu lieu à deux reprises depuis le début du conflit en février 2022.

La trêve ordonnée samedi par M. Poutine intervient alors que les efforts de l'administration de Donald Trump pour trouver une issue au conflit en Ukraine semblent s'enliser ces derniers jours.

Par ailleurs, la Russie a revendiqué samedi avoir « libéré » 99,5 % de la région russe de Koursk, cible en août 2023 d'une offensive surprise des forces ukrainiennes.

Une telle progression replacerait à nouveau la totalité du front sur le sol ukrainien, ce qui renforcerait la confiance de la Russie.

À Moscou, Evgeniy Pavlov, 58 ans, a exprimé son scepticisme à l'égard de la trêve annoncée.

« Il ne faut pas donner de répit à l'Ukraine. Si nous insistons, cela signifie que nous devons aller jusqu'au bout », a-t-il dit à l'AFP.