PARIS: Le procès de l'assassinat d'un prêtre lors d'une messe en France en 2016, un an et demi après le début d'une vague d'attentats djihadistes, s'est ouvert lundi à Paris pour juger trois proches des assaillants et l'instigateur présumé de l'attaque.
Cet instigateur présumé, Rachid Kassim, ne prendra pas place dans le box des accusés de la cour d'assises spéciale de Paris : ce propagandiste français du groupe État islamique (EI) est présumé mort dans un bombardement en Irak en février 2017.
Les deux meurtriers âgés de 19 ans, Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean, qui se réclamaient de l'EI, ont, eux, été tués par la police à leur sortie de la petite église de la banlieue de Rouen, dans le nord-ouest de la France, le 26 juillet 2016.
Ils venaient d'y égorger le père Jacques Hamel, 85 ans, à la fin d'une messe devant trois religieuses et un couple, dont ils avaient aussi grièvement blessé le mari, octogénaire.
Seules comparaissent trois personnes de leur "entourage familial, amical ou téléphonique", selon l'accusation. Jean-Philippe Jean Louis, Farid Khelil et Yassine Sebaihia sont renvoyés pour "association de malfaiteurs terroriste".
Cet attentat visant pour la première fois en Europe un prêtre dans son église avait bouleversé bien au-delà des frontières françaises.
Il était survenu douze jours après un attentat qui avait fait 86 morts à Nice, sur la riviera française, et après une année 2015 sanglante, marquée par l'attaque djihadiste contre l'heddomadaire satirique Charlie Hebdo et une supérette kasher en janvier (17 morts) puis par les attentats à Paris et près de Paris en novembre (130 morts).
L'audience doit débuter par l'examen des personnalités de Jean-Philippe Jean Louis, Farid Khelil et Yassine Sebaihia, soupçonnés d'avoir été au courant des projets des deux jeunes hommes, d'avoir partagé leur idéologie ou tenté de rejoindre les groupes terroristes en Syrie.
Rachid Kassim est le seul inculpé pour complicité de l'assassinat du prêtre et de la tentative d'assassinat sur le paroissien.
Comprendre les motivations
Guy Coponet, le paroissien blessé dans l'attaque, aujourd'hui âgé de 92 ans et veuf, doit être entendu jeudi. Présent lundi à l'ouverture du procès, il espère notamment que "ceux qui sont responsables (puissent) demander pardon à tous ceux à qui ils ont fait de la peine".
Les deux soeurs du père Hamel, Roseline et Chantal, veulent "comprendre qui étaient les auteurs de l'acte et (leurs) motivations" au cours de ce procès, prévu pour durer près de quatre semaines, selon leur avocat. Mais aussi savoir s'il y a eu "des insuffisances dans l'arsenal de prévention", alors que l'un des assassins était placé sous bracelet électronique après un départ avorté vers la Syrie.
L'archevêque de Rouen, Mgr Dominique Lebrun, qui a déposé en 2019 un dossier de béatification du père Hamel au Vatican, attend "que la justice soit rendue" pour les victimes ainsi que pour les trois accusés "détenus depuis cinq ans". "Sont-ils coupables ? De quoi ?", interroge-t-il.
Pour Béranger Tourné, avocat de Jean-Philippe Jean Louis, la réponse est claire: ils ne sont "que trois lampistes".
L'accusation décrit son client, âgé de 25 ans aujourd'hui, comme "très actif dans la djihadosphère", via l'administration d'une chaîne Telegram pro-EI et la création de cagnottes en ligne pour soutenir des personnes de "la mouvance islamiste radicale".
Quelques semaines avant l'attentat, il s'était rendu en Turquie en compagnie d'Abdel-Malik Petitjean, dans le but, selon l'accusation, de rejoindre la Syrie.
Farid Khelil, également en contact avec Rachid Kassim, aurait soutenu les velléités d'action violente d'Abdel-Malik Petitjean, son cousin.
Khelil, aujourd'hui âgé de 36 ans, "n'était pas du tout au courant du projet criminel de son cousin" et "conteste avoir partagé son idéologie", rétorque son avocat Simon Clemenceau.
Quant à Yassine Sabaihia, 27 ans, qui avait brièvement rejoint les deux terroristes à Saint-Etienne-du-Rouvray le 24 juillet, avant de repartir, "il ne savait pas ce qui était en train de se préparer", affirme son avocate Katy Mira.