OTTAWA: Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a écarté jeudi la possibilité d'envoyer l'armée pour déloger les camionneurs qui s'opposent aux mesures sanitaires et occupent depuis plusieurs jours la capitale fédérale Ottawa, sur fond de ras-le-bol à l'égard des restrictions liées à la pandémie.
Ottawa est le théâtre depuis samedi d'un mouvement de protestation, initié par des camionneurs pour dénoncer les restrictions sanitaires et la politique du gouvernement de Justin Trudeau face à la pandémie.
"Il n'est pas question pour l'instant d'envoyer l'armée", a déclaré le Premier ministre canadien, estimant qu'il fallait être "très, très prudent avant de déployer l'armée quand des citoyens canadiens sont impliqués".
Mais ce dernier, actuellement à l'isolement car testé positif lundi dernier, a de nouveau appelé les manifestants à quitter les lieux, une option repoussée par ces derniers prêts à un bras-de-fer avec le gouvernement.
"Notre départ se fera quand le Premier ministre fera la bonne chose et mettra fin à toutes les obligations et restrictions", a déclaré en conférence de presse jeudi Tamara Lich, l'une des leaders du mouvement parti de l'ouest du pays.
Portant drapeau canadien sur les épaules, ou pancartes anti-Trudeau, les manifestants les plus déterminés occupaient toujours plusieurs rues du centre-ville jeudi, a constaté un journaliste de l'AFP. Samedi, ils étaient des centaines de camions et 15 000 personnes.
Devant le Parlement sur la rue Wellington, fermée à la circulation, Shannon Laurent s'affairait à installer un grill pour nourrir les manifestants. "Je ne suis pas d'accord avec l'obligation vaccinale parce qu'on devrait pouvoir choisir", explique à l'AFP la résidente d'Ottawa, qui ne croit pas à l'efficacité des vaccins contre le coronavirus.
Bal Tiwana a parcouru des milliers de kilomètres en provenance de Calgary (ouest) pour clamer haut et fort son opposition: "moi et ma femme avions l'habitude de voyager tout le temps, et nous ne pouvons plus nous asseoir dans un avion", a-t-il expliqué à l'AFP, se révoltant contre cette mesure qui "brime (sa) liberté de déplacement".
Depuis novembre, au Canada, il est impératif d'être vacciné pour prendre un train ou un avion.
«Fatigue»
Même si la mobilisation des camionneurs n'est soutenue d'après les enquêtes d'opinion que par une minorité des Canadiens (32% d'après un récent sondage), le timing de cette démonstration n'est pas le fruit du hasard, selon la psychologue Roxane de la Sablonnière, professeure à l'université de Montréal.
"Ce n'est pas surprenant parce qu'en ce moment, il y a quand même beaucoup de restrictions", explique-t-elle à l'AFP, ajoutant qu'"une "fatigue s'est installée" au sein de la population et que "l'optimisme a diminué avec le temps".
Au Canada, les mesures sanitaires établies par les provinces restent très contraignantes, parmi les plus restrictives en Occident. La province du Québec est notamment l'une des régions au monde qui a imposé le plus de jours de confinement à sa population.
"La majorité de la population ne semble pas suivre (le mouvement des camionneurs), mais il y a quand même une minorité significative qui s'y identifie" maintenant, a commenté le politologue Daniel Béland évoquant les "divisions de la société canadienne".
Cela représente aujourd'hui une frange plus large de la population que les simples non-vaccinés, qui correspondent à 10% des adultes Canadiens.
La prochaine journée cruciale dans ce bras-de-fer sera samedi car les contestataires espèrent de nouveau être rejoints par la foule dans les rues d'Ottawa et des manifestations similaires sont prévues à Toronto et à Québec.
Les camionneurs, mobilisés à l'origine contre l'obligation vaccinale pour traverser la frontière canado-américaine, promettent de tenir sur la durée notamment grâce à une campagne de financement sur GoFundMe qui leur a permis d'amasser plus de 10 millions de dollars canadiens (7 millions d'euros).
Déjà pendant les législatives de l'automne dernier, les anti-vax avaient perturbé la campagne de Justin Trudeau et l'avaient notamment contraint à annuler l'un de ses meetings.