PARIS: Entretiens avec Joe Biden et Vladimir Poutine, consultations tous azimuts… Emmanuel Macron endosse le costume de diplomate en chef sur la crise ukrainienne, retardant d'autant son entrée en lice pour la présidentielle au grand dam de ses rivaux.
Plus que jamais, le chef de l'Etat se met jeudi en surplomb de la campagne électorale.
Depuis l'Elysée, il devait s'entretenir au téléphone avec ses homologues russe Vladimir Poutine, ukrainien Volodymyr Zelensky et polonais Andrzej Duda après avoir parlé à l'Américain Joe Biden tard mercredi.
Cette intense activité diplomatique devrait se poursuivre dans les prochains jours puisque le président français « n'exclut pas » de se rendre à Moscou, et peut être à Kiev.
Emmanuel Macron est « persuadé » de la « nécessité » d'avoir un « dialogue direct » avec Vladimir Poutine car « cela permet d'avoir des avancées », explique-t-on à l'Elysée.
Il met également en avant la responsabilité qui incombe à la France en sa qualité de présidente du Conseil de l'Union européenne jusqu'en juin, une fonction lui permettant de lancer des initiatives au nom des 27 pays membres. Il en a discuté jeudi matin au cours d'une visioconférence avec le président du Conseil européen Charles Michel.
Cet activisme rappelle celui qu'avait montré en 2008, lors de la dernière présidence tournante exercée par la France, Nicolas Sarkozy qui s'était érigé en médiateur entre la Russie et la Géorgie lors de la guerre éclair en Ossétie du Sud. Sa gestion de la crise avait alors été largement saluée en France.
Jusqu'à présent, les critiques politiques restent feutrées sur les initiatives diplomatiques engagées par Emmanuel Macron, même si certains opposants dénoncent la faiblesse française et européenne à peser stratégiquement.
La crise au Mali en plus
Le chef de l'Etat a clairement lié son entrée en campagne à l'évolution de cette « crise géopolitique » et de l'épidémie de Covid. « Je ne peux pas raisonnablement expliquer aux Français que je vais m'adonner à ce temps démocratique important, alors que je leur ai dit que je serai président jusqu'au bout et que nous avons une crise à la frontière ukrainienne qui menace notre sécurité collective », a-t-il expliqué mardi à La Voix du Nord.
En adoptant une telle attitude, le président « renforce sa stature internationale » et « se place au-dessus de la mêlée », observe un responsable de la majorité. Mais »il doit montrer qu'il peut obtenir des résultats concrets », sinon »ses adversaires dénonceront ses gesticulations et son impuissance », prévient-il.
Pour Frédéric Dabi, directeur général opinion de l'Ifop, « l'international joue un rôle plus important cette année que dans les élections précédentes, qui étaient avant tout focalisées sur les questions nationales ». « Les Français ont pris conscience que la situation internationale avait un impact sur celle en France », ajoute-t-il.
Cette évolution « profite au président en place », selon l'expert, d'autant qu'elle vient appuyer l'un des points forts attribués à Emmanuel Macron dans les sondages.
Au-delà de l'Ukraine, le chef de l'Etat doit aussi gérer sans attendre la crise avec le Mali, avec à la clé des décisions lourdes à prendre en coordination avec les Européens et les pays alliés en Afrique de l'Ouest.
« Avoir à gérer deux crises internationales urgentes à l'approche de l'élection présidentielle, c'est inédit », souligne un proche du président.
Face à l'hostilité de la junte au pouvoir à Bamako, qui vient d'expulser son ambassadeur, la France se donne jusqu'à la mi-février pour trancher sur l'avenir de sa présence militaire dans le pays après neuf ans de lutte antidjihadiste. La réponse pourrait être apportée en marge du sommet UE-Afrique, auquel participera Emmanuel Macron les 17 et 18 février à Bruxelles.
S'emparant du sujet dans la campagne, l'opposition est quasi unanime en faveur d'un désengagement progressif du Mali en appelant Emmanuel Macron à la fermeté face à la junte.