Christian Chesnot: «La diplomatie de la France est souvent incantatoire, mais sans résultats»

Le président français Emmanuel Macron salue les gens alors qu'il visite le quartier de Gemmayzeh qui a subi d'importants dégâts en raison d'une explosion massive dans la capitale libanaise, le 6 août 2020. AFP
Le président français Emmanuel Macron salue les gens alors qu'il visite le quartier de Gemmayzeh qui a subi d'importants dégâts en raison d'une explosion massive dans la capitale libanaise, le 6 août 2020. AFP
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Publié le Jeudi 27 janvier 2022

Christian Chesnot: «La diplomatie de la France est souvent incantatoire, mais sans résultats»

  • Georges Malbrunot et Christian Chesnot publient Le Déclassement français, une enquête de deux ans sur la diplomatie française au Moyen-Orient et au Maghreb
  • Arab News en français a rencontré Christian Chesnot pour un entretien autour de cet ouvrage

PARIS: Le Déclassement français, livre écrit à quatre mains par les deux journalistes Georges Malbrunot (Le Figaro) et Christian Chesnot (Radio France) est l’histoire d’un chef d’État qui s’est retrouvé englué dans les méandres sordides de la diplomatie au Moyen-Orient et au Maghreb.
Arab News en français a rencontré Christian Chesnot pour un entretien autour de cet ouvrage.

Dès son arrivée à l’Élysée en 2017, constate le livre, le président français, Emmanuel Macron, était conscient que la diplomatie française semblait désorientée dans cette région qui lui est pourtant familière. Il a voulu y remédier en lui redonnant du souffle et du dynamisme, mais au terme de son quinquennat, le livre interroge: «Le président a-t-il réussi à enrayer le déclassement français?» et quels ont été les résultats concrets d’une diplomatie qu’il qualifie de «disruptive»?

Les deux journalistes décortiquent les coulisses de la diplomatie de Macron que Christian Chesnot décrit pour Arab News en français comme «un jeune président avec une grande énergie, des idées neuves et une envie de faire bouger les lignes».

Les auteurs ont enquêté pendant deux ans, accumulant une avalanche de témoignages et de comptes rendus d’entretiens, dont il est d’ailleurs impossible de démêler la véracité. De l’Algérie à la Libye, en passant par le Liban sur lequel ils mettent l’accent, les deux journalistes décortiquent les coulisses de la diplomatie de Macron que Christian Chesnot décrit pour Arab News en français comme «un jeune président avec une grande énergie, des idées neuves et une envie de faire bouger les lignes». Durant la première année de son mandat indique le journaliste, «il était tout feu tout flamme» et on s’est dit, «voilà enfin un président avec qui il se passe quelque chose».

Le 4 août 2020, une gigantesque explosion détruit le cœur de Beyrouth, provoquant des centaines de morts et des milliers de blessés. Les images de l’énorme champignon de fumée qui consume les silos du port de la ville sont relayées inlassablement par les médias de la planète.

Il fallait agir dans l’urgence, se rendre sur place. Le voyage de Macron à Beyrouth, où il atterrit le lendemain de l’explosion, est organisé en l’espace de quelques heures. Sur place, pas une seconde à perdre, il se rend sur les lieux de l’explosion, puis visite le quartier de Gemmayzeh totalement en ruine, où il va à la rencontre des habitants. Dans leur désarroi, ces derniers découvrent un sauveur, à l’écoute de leurs souffrances et prêt à leur venir en aide: «Je ne vous lâcherai pas», lance-t-il à une foule qui l’acclame et partage avec lui sa colère.

Ce moment restera à jamais gravé dans les mémoires. «Il est le seul chef d’État étranger à se rendre sur les lieux de l’explosion», affirme le livre. «Il est le seul à venir témoigner sa solidarité» avec les habitants, alors qu’aucun responsable libanais «ne s’est aventuré dans Gemmayzeh de peur d’être conspué ou peut-être même pire».

En cet été 2020, affirme le livre, Macron prend à bras-le-corps la profonde crise libanaise. «Le Liban sera le moment diplomatique d’Emmanuel Macron», il s’y rend à deux reprises en trois semaines, «du jamais-vu dans la diplomatie française». S’ensuivra une rencontre avec les responsables politiques libanais toutes tendances confondues à la Résidence des Pins. Toutefois, la présence du chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammed Raad, n’est pas du goût de tous les participants.

On a un président qui est très intelligent, avec un cerveau qui fonctionne à trois cents à l’heure, mais cela ne suffit pas

Christian Chesnot

Devant son auditoire, Macron souligne que le Liban a besoin de se relever de cette tragédie «mais qu’il a surtout besoin de réformes», invitant la classe politique à travailler d’un commun accord dans le cadre d’un gouvernement d’union nationale, qu’il faudra former dans délai de trois semaines, date à laquelle il fera un nouveau voyage à Beyrouth.

En marge de cette rencontre, lors d’un aparté de quelques minutes avec Raad, il lui déclare: «Prouvez que vous êtes libanais, tout le monde sait que vous avez un agenda iranien». Auparavant, le chef du parti des Forces libanaises, Samir Geagea, avait interpellé le président français sur la question des armes du Hezbollah.

Le constat qui se dégage du livre est dur et sévère. Macron y est décrit comme un adepte de la méthode «qui m’aime me suive», il agit seul.

Il est clair que Macron ne veut pas que cette injonction légitime vienne torpiller ses efforts pour mettre toutes les factions libanaises face à leurs responsabilités, dans l’objectif d’éviter l’effondrement du pays. Il a ainsi rétorqué au leader chrétien: «Cela fait des années que vous parlez des armes du Hezbollah, est-ce que vous êtes arrivés à un résultat?»

Un problème de méthode

Devant les responsables politiques, le président français a tenu un langage de vérité, comme devant les représentants de la société civile, les incitant à s’organiser, à se retrouver autour d’une plate-forme commune et à s’impliquer dans les institutions, en particulier le Parlement. Cette première visite à Beyrouth est un franc succès, indique le livre, Macron «a réalisé un sans-faute». Mais les différents dossiers diplomatiques auxquels s’est attaqué Macron «se sont effilochés l’un après l’autre au fil des mois et des années», estime Chesnot.

«On a un président qui est très intelligent, avec un cerveau qui fonctionne à trois cents à l’heure, mais ça ne suffit pas». Il ajoute que le chef de l’État a malgré tout un problème de méthode. Oui, concède-t-il, le monde d’aujourd’hui n’est plus le même qu’il y a quinze ans au regard de la qualité médiocre des relations transatlantiques et des ambiguïtés dans les rangs de l’Otan et même de l’Europe, dont plusieurs pays sont désormais dirigés par des forces nationalistes.

Oui, la classe politique libanaise, constituée de requins aux capacités de nuisances extrêmes quand il s’agit de la défense de sa survie et de ses acquis, a réussi à l’engluer dans les détails de ses conflits fratricides.

Chesnot n’en démord pas. «La France est souvent dans une diplomatie incantatoire», on fait «des envolées et de beaux discours sans résultats». Il affirme qu’on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein: «S’il est à moitié plein, on dit oui, il a au moins le mérite de vouloir faire quelque chose». Mais le problème, soutient-il, c’est qu’il ne peut faire des choses bien «avec une méthode si peu traditionnelle, on l’a vu à Beyrouth, à Alger, derrière, ça ne suit pas».

Le constat qui se dégage du livre est dur et sévère. Macron y est décrit comme un adepte de la méthode «qui m’aime me suive», il agit seul, vampirisant l’action diplomatique en la concentrant entre ses mains et celles de ses conseillers les plus proches.

Ainsi, la France n’est plus désormais qu’une force moyenne sur la scène internationale.

Toutefois, le journaliste exprime un regret: «On a essayé de voir le président», mais on nous répondait que son agenda ne le permettait pas. Une telle rencontre aurait-elle changé la tonalité du livre? Chesnot souligne que «cela aurait été plus équilibré, et l’on aurait pu avoir ses explications sur les points les plus délicats qui sont abordés».

Il reste à dire que les Français sont les champions du monde de l’autodénigrement. À les écouter et à les lire, leur pays est en état de déclassement généralisé, économique, social, militaire et maintenant diplomatique… Le déclassement est d’ailleurs un thème largement relayé pour critiquer le bilan de Macron à l’approche de la présidentielle du printemps prochain. Le candidat de l’extrême droite, Éric Zemmour, en a fait le pivot de sa campagne.


Agriculteurs: la Coordination rurale bloque toujours le port de Bordeaux

 La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
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  • La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place
  • Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine

BORDEAUX: La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais.

La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place.

Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine et auquel les agriculteurs comme la classe politique française s'opposent.

Il s'agit de la première visite de la ministre sur le terrain depuis le retour des paysans dans la rue, une mobilisation surtout marquée en fin de semaine par les actions des bonnets jaunes de la Coordination rurale.

A Bordeaux, ils bloquent ainsi les accès au port et au dépôt pétrolier DPA: des pneus, des câbles et un tracteur entravent l'entrée du site.

Sous une pluie battante, les agriculteurs s'abritent autour d'un feu et de deux barnums tanguant avec le vent. Une file de camions bloqués dont des camions citernes s'allonge aux abords.

Les manifestants ont tenté dans la matinée de joindre Annie Genevard, sans succès.

"On bloque tant que Mme Genevard et M. Barnier [Michel Barnier, Premier ministre] ne mettent pas en place des solutions pour la profession. Des choses structurelles, (...), on ne veut pas un peu d'argent aujourd'hui pour rentrer dans nos fermes, on veut des réformes pour vivre, avoir un salaire décent", a déclaré à l'AFP Aurélie Armand, directrice de la CR du Lot-et-Garonne.

"Le temps est avec nous parce que quand il pleut on ne peut pas travailler dans les fermes, donc c'est très bien", a-t-elle lancé, alors qu'une pluie battante balaye la Gironde avec le passage de la tempête Caetano.

Plus au sud, dans les Landes, des agriculteurs de la CR40 occupent toujours une centrale d'achat Leclerc à Mont-de-Marsan mais les autorités leur ont donné jusqu'à vendredi inclus pour libérer les lieux, a-t-on appris auprès de la préfecture.

Tassement du mouvement, avant une reprise 

La préfète du département a par ailleurs condamné "les dégradations commises par des membres de la Coordination rurale" mercredi soir sur des sites de la Mutualité sociale agricole (MSA), visée par des dépôts sauvages, et de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), ciblée par un incendie "volontairement déclenché" dans son enceinte.

Sur Europe1/Cnews, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a redit que les agriculteurs avaient "parfaitement le droit de manifester", mais qu'il y avait "des lignes rouges" à ne pas dépasser: "pas d'enkystement", "pas de blocage".

A l'autre bout de la France, à Strasbourg, des membres de la CR se sont installés dans le centre avec une dizaine de tracteurs pour y distribuer 600 kilos de pommes aux passants.

"Nous, on propose un pacte avec le consommateur, c'est-à-dire lui fournir une alimentation de qualité en quantité suffisante et en contrepartie, le consommateur nous paye un prix correct", a souligné le président de la CR départementale, Paul Fritsch.

Les autorités constatent une "légère baisse" de la mobilisation à l'échelle du pays par rapport au début de la semaine, quand les syndicats majoritaires FNSEA et JA étaient aussi sur le terrain.

Ce nouvel épisode de manifestations agricoles intervient à quelques semaines d'élections professionnelles. La CR, qui préside aujourd'hui trois chambres d'agriculture, espère à cette occasion briser l'hégémonie de l'alliance FNSEA-JA et ravir "15 à 20 chambres" supplémentaires.

Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a annoncé mercredi que les prochaines manifestations emmenées par ses membres auraient lieu la semaine prochaine, "mardi, mercredi et jeudi", "pour dénoncer les entraves à l'agriculture".

FNSEA et JA avaient prévenu qu'ils se mobiliseraient jusqu'à la mi-décembre contre l'accord le Mercosur, contre les normes selon eux excessives et pour un meilleur revenu.

Troisième syndicat représentatif, la Confédération paysanne organise aussi des actions ponctuelles, contre les traités de libre-échange ou les installations énergétiques sur les terres agricoles.


Les députés approuvent en commission l'abrogation de la réforme des retraites

L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
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  • La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.
  • La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation.

PARIS : La gauche a remporté mercredi une première victoire dans son offensive pour abroger la très décriée réforme des retraites : sa proposition de ramener l'âge de départ de 64 à 62 ans a été adoptée en commission des Affaires sociales, avant son arrivée dans l'hémicycle le 28 novembre.

Le texte, présenté par le groupe LFI dans le cadre de sa niche parlementaire, a été approuvé par 35 voix (celles de la gauche et du Rassemblement national), contre 16 (venues des rangs du centre et de la droite).

La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.

Le Rassemblement national, qui avait présenté une proposition similaire fin octobre, mais que la gauche n'avait pas soutenue, a voté pour le texte de La France insoumise. « C'est le même que le nôtre et nous, nous ne sommes pas sectaires », a argumenté le député Thomas Ménagé.

La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation : celle-ci est ramenée de 43 à 42 annuités, ce qui revient à abroger également la réforme portée en 2013 par la ministre socialiste Marisol Touraine pendant le quinquennat de François Hollande.

Un amendement, présenté par les centristes du groupe Liot pour préserver la réforme Touraine, a été rejeté. Les socialistes, qui auraient préféré conserver cette réforme de 2013, ont décidé d'approuver le texte global malgré tout.

La gauche affirme qu'elle est en mesure de porter sa proposition d'abrogation jusqu'au bout : après l'examen du texte dans l'hémicycle la semaine prochaine, elle a déjà prévu de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat le 23 janvier, à l'occasion d'une niche communiste, puis en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 6 février, cette fois dans un créneau dédié aux écologistes.

Les représentants de la coalition gouvernementale ont mis en garde contre un texte « pas sérieux » ou « irresponsable ».

« Il faut être honnête vis-à-vis des Français : si cette réforme des retraites est abrogée, certes ils pourront partir à 60 ans, mais avec une retraite beaucoup plus basse », a ainsi argumenté la députée macroniste Stéphanie Rist.


Censure du gouvernement : Le Pen fait monter la pression avant sa rencontre avec Barnier

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
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  • "Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure"
  • Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget

PARIS: Marine Le Pen fait monter la pression sur Michel Barnier, avant leur rencontre lundi à Matignon : elle assure que son parti n'hésitera pas à censurer le gouvernement à la veille de Noël si "le pouvoir d'achat des Français est amputé" dans le projet de budget 2025.

"Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure", a affirmé mercredi la cheffe de file des députés du Rassemblement national sur RTL.

Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget de l'Etat.

Si le RN et la gauche votaient conjointement cette motion alors la coalition Barnier, fragile attelage entre LR et la macronie, serait renversée et le projet de budget rejeté.

Si elle n'a pas détaillé la liste précise de ses revendications, Marine Le Pen a en particulier jugé "inadmissible" la hausse envisagée par le gouvernement pour dégager trois milliards d'euros des taxes sur l'électricité, une mesure toutefois supprimée par l'Assemblée nationale en première lecture.

"Taper sur les retraités, c'est inadmissible", a-t-elle aussi affirmé, insatisfaite du compromis annoncé par le LR Laurent Wauquiez. Celui-ci prévoit d'augmenter les retraites de la moitié de l'inflation au 1er janvier, puis d'une deuxième moitié au 1er juillet pour les seules pensions sous le Smic.

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. Si elles étaient suivies, celles-ci pourraient empêcher Mme Le Pen de participer à une quatrième élection présidentielle.

Face à cette menace de censure, Michel Barnier va recevoir en début de semaine prochaine, un par un, l'ensemble des présidents de groupes parlementaires, à commencer par Marine Le Pen dès lundi matin.

Ce premier tête à tête, depuis son entrée à Matignon, suffira-t-il ?

"Et-ce que M. Barnier va respecter l’engagement qu’il a pris, que les groupes d’opposition puissent reconnaître dans son budget des éléments qui leur paraissent essentiels ?", s'est interrogée la cheffe de file des députés RN.

Les demandes de notre parti étaient "de ne pas alourdir la fiscalité sur les particuliers, de ne pas alourdir sur les entrepreneurs, de ne pas faire payer les retraités, de faire des économies structurelles sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat", a-t-elle récapitulé. "Or nous n'avons pas été entendus, nous n'avons même pas été écoutés".

Poker menteur 

Alors qu'il a déjà lâché du lest sur les économies demandées aux collectivités locales, aux retraités et aux entreprises face aux critiques de sa propre majorité, le Premier ministre, confronté à la colère sociale des agriculteurs, des fonctionnaires ou des cheminots, a très peu de marge de manoeuvres.

"L'objectif est d'arriver à un équilibre entre les ambitions des groupes parlementaires et les impératifs de rigueur" budgétaire, répète Matignon, alors que le déficit public est attendu à 6,1% du PIB fin 2024 contre 4,4% prévu initialement.

L'exécutif agite, à destination du RN mais aussi des socialistes, la menace du chaos.

"Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera le pays d'un budget et le précipitera dans le désordre et la chienlit", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur CNews.

"Le pire pour le pouvoir d'achat des Français, ce serait une crise financière", a alerté de son côté sur LCI sa collègue Astrid Panosyan-Bouvet (Travail).

Une question demeure: le RN bluffe-t-il ?

"Si le gouvernement tombe, il faudra attendre juin pour qu'il y ait des élections législatives parce qu'il ne peut pas y avoir de dissolution pour le moment!", a semblé nuancer le porte-parole du RN Julien Audoul.

Dans tous les cas, ce jeu de poker menteur risque de durer jusque la veille de Noël, lorsque l'Assemblée nationale aura à se prononcer définitivement sur le projet de budget 2025 de l'Etat.

Le RN n'entend, en effet, pas déposer ou voter de motion de censure sur les deux autres textes (fin de gestion de 2024 et projet de budget de la Sécurité sociale) qui pourraient être adoptés par 49.3 avant.