Un monde, un film choc sur le harcèlement scolaire

Un monde, le premier long-métrage de Laura Wandel, sort aujourd’hui dans les cinémas en France. (Photo, AFP)
Un monde, le premier long-métrage de Laura Wandel, sort aujourd’hui dans les cinémas en France. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 27 janvier 2022

Un monde, un film choc sur le harcèlement scolaire

Un monde, le premier long-métrage de Laura Wandel, sort aujourd’hui dans les cinémas en France. (Photo, AFP)
  • Avec Un monde, la réalisatrice belge Laura Wandel réalise une parabole immersive à hauteur d’enfant qui dépeint également la brutalité de nos sociétés
  • «J’avais envie de montrer l’enfance, ses découvertes, mais aussi une certaine cruauté, parce que c’est aussi ça, l’enfance», explique à Arab News en français la réalisatrice

ABU DHABI : Ultraréaliste à la manière des frères Dardenne, Un monde, le premier long-métrage de Laura Wandel, sort aujourd’hui dans les cinémas en France. À première vue, le film est un récit maîtrisé de la violence et du harcèlement dans une cour d’école. On y suit Nora, 7 ans, qui entre à l’école primaire et découvre les tourments de son frère aîné Abel. Nora cherche à l’aider, mais elle se trouve prise dans un terrible conflit de loyauté, entre l’amour fraternel et son besoin de s’intégrer. 

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Laura Wandel : Le cinéma pour moi, c’est une fenêtre ouverte sur le monde, qui permet de découvrir d’autres cultures, de me projeter dans la vie de quelqu’un d’autre. (Photo fournie)

À travers une histoire sur le monde impitoyable des enfants, la réalisatrice belge met en lumière celui des adultes. Une parabole immersive à hauteur d’enfant qui dépeint aussi la brutalité de nos sociétés. 

Récompensé au dernier festival de Cannes par le prix Fipresci des critiques internationaux dans la catégorie «Un certain regard», Un monde a été présélectionné cette année pour les Oscars parmi quinze films internationaux. Arab News en français a rencontré Laura Wandel, qui dévoile les coulisses de sa création. 

Un monde peut être vu comme un récit du harcèlement à l’école, mais votre réflexion va bien au-delà, c’est un prétexte pour mener une réflexion plus large sur nos sociétés? 

Mon film ne parle pas seulement de harcèlement à l’école. C’est bien plus que ça. Il était important pour moi de renvoyer le spectateur à ses premiers souvenirs personnels, lorsqu’il a ressenti le besoin d’intégration, de reconnaissance, et d’appartenance. Ce besoin que l’on va retrouver dans notre vie d’adulte. J’ai l’impression que c’est vraiment à l’école, lorsque l’on quitte le cocon familial, que l’on est confronté pour la première fois à toutes ces problématiques. 

Nous passons plus de douze ans de notre vie, huit heures par jour, à l’école, et cela influence notre vision du monde en tant qu’adulte, notre rapport à l’Autre. C’est comme si des choses s’ancraient en nous à ce moment-là. J’aborde ici aussi la question de la territorialité: par exemple, le terrain de foot prend toute la place dans la cour de récréation, et j’ai l’impression que c’est assez universel. Dans la plupart des cours de récréation, les enfants qui n’ont pas envie de jouer au foot ont le droit à de tout petits espaces à côté. C’est assez révélateur de notre société, et je pense profondément que les conflits dans le monde sont liés à tous ces rapports de force. 

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Selon vous donc, le monde est en quelque sorte une grande cour de récréation?  

Oui j’ai l’impression. C’est vraiment un miroir de notre société, de notre monde. 

Vous avez aussi écrit le scénario du film. Comment vous avez eu l’idée de traiter ce sujet? 

Dans mon travail, je pars toujours d’un lieu, et cette fois, j’avais envie d’explorer l’école. C’est un microcosme et j’aime beaucoup les lieux qui représentent un microcosme. J’ai fait le choix de parler d’une enfant qui arrive dans la même école que son frère. J’avais envie de montrer l’enfance, ses découvertes, mais aussi une certaine cruauté, parce que c’est aussi ça, l’enfance.  

Maya Vanderbeque, la jeune fille qui incarne Nora, capte le spectateur par ses émotions dès les premiers instants du film. Sur quels critères vous avez fait le casting des enfants? 

Pour le rôle de Nora, je savais que j’avais besoin d’une enfant qui ait les épaules pour porter ce film. J’ai vu environ 200 enfants pendant le casting. Mais quand Maya est arrivée, la première chose qu’elle m’a dit a été «je vais donner toute ma force à ce film», alors qu’elle n’avait que 7 ans. Cela m’avait vraiment impressionné. Et devant la caméra, elle dégageait quelque chose d’incroyable et de très beau, juste par son visage. C’est ça aussi la magie du cinéma. C’est quand la caméra arrive à révéler quelque chose que l’on ne voit pas spécialement à l’œil nu. Une fois que nous l’avons choisie, nous avons organisé tout le casting en fonction d’elle et nous avons sélectionné Günter Duret pour le rôle d’Abel, le frère de Nora. 

Quel a été le processus que vous avez mis en place pour préparer les enfants à la thématique du harcèlement? 

J’ai travaillé avec Maya pendant environ deux ans. La première étape a été de lui apprendre à nager. Cela nous a permis de bien nous connaître et de construire une relation de confiance. Ensuite, nous avons mis en place une méthode particulière avec une orthopédagogue. Chaque enfant devait créer la marionnette de son personnage. Il fallait qu’ils fassent bien la distinction entre eux et le personnage, qu’ils ne mélangent pas les deux. C’était une étape très importante. Ensuite, on leur a expliqué le début d’une scène et on leur a demandé d’improviser la suite pour qu’ils puissent aussi engager leur corps et proposer des dialogues par eux-mêmes. Lors de la dernière étape, ils devaient dessiner chaque scène et cela devenu leur scénario visuel, leur propre story-board. 

Les enfants n’ont jamais reçu de scénario, contrairement aux adultes, parce qu’il était très important pour moi qu’ils gardent une part de créativité et qu’il puissent participer à l’histoire. Pendant deux mois avant le tournage, nous avons travaillé avec eux tous les week-ends. 

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Laura Wandel: Les enfants n’ont jamais reçu de scénario, contrairement aux adultes, parce qu’il était très important pour moi qu’ils gardent une part de créativité et qu’il puissent participer à l’histoire. (Photo fournie)

Dans le film, vous explorez aussi le sujet de la fraternité, la relation entre frère et sœur? 

C’était une manière presque symbolique de dire qu’on est tous frères et sœurs, en tant qu’humains, et de montrer jusqu'où l’on peut aller, renier sa propre identité afin de s’intégrer. 

Vous avez fait le choix de positionner votre caméra à hauteur d’enfant. Était-ce pour plonger le spectateur encore plus dans l’histoire? 

Oui, c’est une manière d’immerger le spectateur et de le confronter à la vision d’un enfant. J’ai aussi fait appel au hors champ. Il était très important pour moi que spectateur participe à la narration et j’ai impression que ce choix le permet. C’est aussi le cas pour le fond sonore, qui pourrait paraître placé là par hasard, mais qui a été réalisé avec beaucoup de précision. Je l’ai construit comme une véritable partition musicale. Les ingénieurs du son sont allés capter des vrais sons dans des cours de récréations pendant des mois. L’un travaillait uniquement sur les sons intérieurs et l’autre a enregistré les sons extérieurs. Ensuite, chaque cri et chaque son ont été placés à des endroits très précis pour faire monter ou baisser la tension dans le film. 

Avant sa sortie en salle, Un monde a déjà été visionné par de nombreux enfants dans les écoles. Ce film a-t-il été réalisé dans un but pédagogique? 

Pas au départ, non. Ce film était a priori davantage destiné aux adultes, mais en Belgique et en France, il est beaucoup demandé par les écoles. Il est en fait, en train de devenir un outil pédagogique. C’est quelque chose qui me touche beaucoup, parce que je ne m’y attendais pas. C’est très beau qu’il ne soit plus juste un «objet cinématographique». 

Combien de temps avez-vous travaille sur ce film? 

J’ai travaillé dessus pendant sept ans, dont cinq ans sur l’écriture du scenario. J’ai passé d’ailleurs énormément de temps à observer les enfants dans des cours de récréation, parce que je ne voulais pas me baser uniquement sur mes souvenirs personnels. J’ai aussi rencontré pas mal d’instituteurs et des parents d’élèves. 

Vous avez terminé le film avant la pandémie, pourtant Un monde sort seulement aujourd’hui au cinéma. Comment avez-vous vécu cette période de la pandémie? 

En effet, le film devait sortir en 2020, mais nous avons décidé de reporter sa sortie, à cause de la Covid-19. D’ailleurs, le dernier jour de la postproduction était le premier jour du premier confinement en Belgique. J’ai vraiment eu peur que ce film n’existe jamais, mais aujourd’hui je ne regrette pas ma décision. 

Pendant la pandémie et les confinements, cela a été difficile pour tout le monde. En revanche, il y a quelques semaines, une très belle chose est arrivée: les salles de cinéma ont résisté face au gouvernement belge qui voulait les fermer à nouveau. Je trouve cela vital parce que la société a besoin de culture et qu’il faut revendiquer ses droits. L’accès à la culture est un droit.

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Laura Wandel: C’était une manière presque symbolique de dire qu’on est tous frères et sœurs, en tant qu’humains, et de montrer jusqu'où l’on peut aller, renier sa propre identité afin de s’intégrer. (Photo fournie)

 Un monde est votre premier long-métrage. Vous avec étudié le cinéma à l’IAD (Institut des arts de diffusion) en Belgique et depuis vous avez tourné plusieurs courts-métrages. Qui sont vos grands maîtres dans le cinéma? 

Je suis entrée à l’IAD tout de suite après l’école secondaire, à 18 ans. Je savais que je voulais faire du cinéma. À la sortie de l’école j’ai beaucoup travaillé sur des tournages, j’avais besoin de me confronter au milieu professionnel. Aujourd’hui, je suis tout d’abord influencée par les frères Dardenne – ma grande référence –, mais aussi par l’Iranien Abbas Kiarostami, Bruno Dumont, un réalisateur français, et le cinéaste autrichien Michael Haneke.  

Laura Wandel, qu’est-ce que le cinéma pour vous? 

Le cinéma pour moi, c’est une fenêtre ouverte sur le monde, qui permet de découvrir d’autres cultures, de me projeter dans la vie de quelqu’un d’autre. C’est ça, pour moi la puissance du cinéma, sa force empathique. Pendant une heure ou deux, on peut rentrer dans la vie de quelqu’un d’autre et comprendre ce qu’il vit. En ce moment, c’est très important et peut-être qu’on ne le fait pas assez. Le cinéma, c’est ce qui me fait vivre. C’est vraiment mon lien à la vie et aux autres. 


Les Émirats arabes unis, protagonistes du film hollywoodien « Now You See Me : Now You Don't »

Le tournage de cette production, qui sortira en novembre, a duré 13 jours et s'est déroulé dans plusieurs lieux emblématiques de la capitale, a indiqué jeudi l'Autorité des médias créatifs. (Instagram)
Le tournage de cette production, qui sortira en novembre, a duré 13 jours et s'est déroulé dans plusieurs lieux emblématiques de la capitale, a indiqué jeudi l'Autorité des médias créatifs. (Instagram)
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  • Les Émirats arabes unis ont décroché un rôle principal dans le prochain film hollywoodien "Now You See Me : Now You Don't", dont les scènes seront filmées dans la capitale Abou Dhabi

DUBAI : Les Émirats arabes unis ont décroché un rôle principal dans le prochain film hollywoodien "Now You See Me : Now You Don't", dont les scènes seront filmées dans la capitale Abou Dhabi.

La production, qui sortira en novembre, a terminé un tournage de 13 jours dans plusieurs lieux emblématiques de la capitale, selon l'Autorité des médias créatifs jeudi.

Le film, qui comporte de nombreuses scènes de casse, a été tourné dans des lieux tels que le Louvre Abou Dhabi, le pont Sheikh Zayed, le désert de Liwa, le Ferrari World Abu Dhabi, le CLYMB, le circuit Yas Marina, le W Abou Dhabi - l'île de Yas, ainsi que dans diverses rues de la ville.

Le troisième volet de la célèbre franchise, réalisé par le cinéaste américain Ruben Fleischer, fait revenir Jesse Eisenberg, Woody Harrelson, Dave Franco et Morgan Freeman dans leurs rôles précédents, rejoints par un ensemble d'acteurs comprenant Justice Smith, Dominic Sessa, Ariana Greenblatt et Rosamund Pike.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L’histoire saoudienne mise à l’honneur à la Foire du livre d’Abou Dhabi

Archives photographiques et rapports sur la remise en service du chemin de fer du Hejaz.
Archives photographiques et rapports sur la remise en service du chemin de fer du Hejaz.
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  • Sélection de l'offre du marchand de livres rares Peter Harrington, basé à Londres, à la foire des EAU, du 26 avril au 5 mai

La grande mosquée de La Mecque

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Avec une préface de l'ancien ministre saoudien des Finances Sheikh Mohammed Abalkhail et des photos du photojournaliste africain primé Mohamed Amin, cette "somptueuse production" retrace le quart de siècle de restauration de la grande mosquée et de la Sainte Kaaba à La Mecque au milieu du 20e siècle. "Le texte contient une description historique de la Sainte Kaaba, Masjid al-Haram, un résumé des constructions récentes à l'époque saoudienne et des notes architecturales. Le reste du volume est consacré aux photographies d'Amin, qui présentent des vues détaillées des divers et vastes développements", peut-on lire dans les notes du libraire. Amin a été "le premier photographe à être autorisé à documenter le Hajj et l'un des premiers à photographier des sections des saintes mosquées de La Mecque et de Médine". Pendant trois ans, au cours des années 1970, il a voyagé à dos de chameau, en hélicoptère, en voiture et à pied jusqu'à Médine, Arafat et La Mecque".

Rapports confidentiels des premier et troisième congrès arabes du pétrole

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On ne saurait sous-estimer l'importance historique mondiale du premier congrès arabe du pétrole, qui s'est tenu en 1959. C'est là qu'a été introduite l'idée d'une organisation productrice de pétrole (une idée qui est finalement devenue l'OPEP). "Au cours des débats, l'influente journaliste pétrolière Wanda Jablonski a présenté le Saoudien Abdullah Tariki au Vénézuélien Juan Pablo Perez Alfonzo, tous deux mécontents des récentes baisses de prix. Ils ont rallié les délégués à la signature du pacte secret de Maadi, suggérant la création d'une commission de consultation sur le pétrole pour coordonner les réactions des producteurs. Cette initiative a jeté les bases de la conférence de Bagdad de 1960, au cours de laquelle l'OPEP a été officiellement créée", peut-on lire dans les notes du libraire. Ce groupe de documents contient des rapports internes d'Aramco sur ce congrès et sur le troisième congrès arabe du pétrole en décembre 1961, ainsi que d'autres documents produits par Aramco entre 1956 et 1961.

Archives photographiques et rapports sur la remise en service du chemin de fer du Hedjaz

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Le libraire décrit cette collection comme "des archives uniques relatives à la première tentative d'après-guerre de reconstruire le chemin de fer du Hedjaz et de relier Damas à Médine". Le dernier train à avoir parcouru toute la longueur de la voie ferrée remonte à 1925, après quoi "la ligne au sud de Mudawwara a été emportée, et les conflits qui ont conduit à la création de l'Arabie saoudite en 1932 ont freiné les efforts collectifs de reconstruction". Les archives comprennent des photos inédites et des rapports originaux publiés par l'International Resources Engineering and Exploration Group, qui s'est vu confier la conception du projet en 1956. "La couverture est particulièrement détaillée pour le centre et le nord de l'Arabie saoudite, notamment la région autour de Mada'in Salih et de Khur Himar", indique le vendeur, et comprend des images du parti rencontrant des responsables locaux, notamment les souverains d'AlUla et de Tabuk.

Une collection de diapositives sur lanterne magique de Harry St John Bridger Philby et Alec Horace Edward Litton Holt

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L'officier de renseignement britannique Philby - qui fut conseiller du fondateur de l'Arabie saoudite, le roi Abdulaziz Ibn Saoud - et l'ingénieur et explorateur Holt ont parcouru ensemble 600 miles en 1922 à travers le désert via la province d'Al-Jawf en Arabie saoudite "au plus fort des tensions croissantes entre Ibn Saoud et les Hachémites". Selon le libraire, ces 23 diapositives ont probablement été utilisées pour illustrer la présentation qu’ils ont faite de leur voyage devant la Royal Geographic Society, au Royaume-Uni, le 12 février 1923. "La collection montre Holt et Philby en costume arabe, des voitures et des avions Ford à Jidd, des scènes de désert, un condensateur Ford et des labours pour des terrains d'atterrissage, entre autres.

Dossier de presse éducatif d'Aramco

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Pour tenter d'attirer les étudiants et les diplômés américains dans les années 60 et 70, Aramco a produit plusieurs collections de matériel promotionnel comprenant des affiches semblables à celle-ci, qu'elle a distribuées dans les écoles et les universités des États-Unis. "Les affiches, très vivantes, explorent l'histoire de l'Arabie saoudite et les activités de la compagnie, chacune étant illustrée par des photographies de personnages historiques (dont T. E. Lawrence), du personnel de la compagnie, des puits de pétrole et de l'architecture saoudienne", indique le libraire.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Kojo Marfo dévoile «HOME» à Dubaï: une immersion vibrante dans l’identité, l’esprit et l’essence du foyer

HOME: Heart of My Existence est à découvrir à la JD Malat Gallery, Dubaï, du 16 avril au 31 mai 2025. (Photo: Arab News)
HOME: Heart of My Existence est à découvrir à la JD Malat Gallery, Dubaï, du 16 avril au 31 mai 2025. (Photo: Arab News)
HOME: Heart of My Existence est à découvrir à la JD Malat Gallery, Dubaï, du 16 avril au 31 mai 2025. (Photo: fournie)
HOME: Heart of My Existence est à découvrir à la JD Malat Gallery, Dubaï, du 16 avril au 31 mai 2025. (Photo: fournie)
HOME: Heart of My Existence est à découvrir à la JD Malat Gallery, Dubaï, du 16 avril au 31 mai 2025. (Photo: Arab News)
HOME: Heart of My Existence est à découvrir à la JD Malat Gallery, Dubaï, du 16 avril au 31 mai 2025. (Photo: Arab News)
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  • Marfo qualifie «HOME» de tournant introspectif dans son parcours artistique
  • Ce n’est pas qu’une expansion géographique, mais aussi une évolution de sa démarche artistique

DUBAÏ: L'artiste ghanéen-britannique Kojo Marfo présente sa première exposition personnelle aux Émirats arabes unis, HOME: Heart of My Existence, qui se déroule à la JD Malat Gallery de Dubaï. Du 16 avril au 31 mai 2025, cette exposition réunit treize œuvres monumentales et audacieuses, invitant les spectateurs à une réflexion profonde et intime sur la signification réelle du mot «appartenir» et sur l'origine de ce sentiment.

À son arrivée à Dubaï, Marfo a partagé ses premières impressions lors d'un entretien exclusif: «Tout le monde semble très poli et discipliné», a-t-il déclaré. «Cela rend les choses très authentiques, et on se sent plus libre de faire ce que l’on souhaite. L’énergie est incroyable – tout le monde semble positif et profite pleinement de la vie.»

Un cadre qui correspond parfaitement à HOME, une série que Marfo qualifie de tournant introspectif dans son parcours artistique. Célèbre pour son style vibrant, qu'il désigne sous le nom d'AfroGenesis, l'artiste mêle les influences de son héritage ghanéen – en particulier les artefacts et sculptures Akan – avec des courants artistiques occidentaux comme le cubisme et les techniques des grands maîtres. Cela donne naissance à un langage visuel unique, où des figures monumentales et colorées, à la fois énigmatiques et profondément expressives, prennent forme.

Une conversation en couleurs et en formes

Si les couleurs éclatantes et les formes stylisées captivent au premier regard, c’est le message profond de l’exposition qui demeure. «Il s’agit de lancer des conversations», explique Marfo. «On pense qu’on sait tout, mais ce n’est pas vrai. Nous vivons constamment dans nos pensées – c’est notre esprit qui nous guide, qui nous dicte nos émotions. L’espace physique devient insignifiant lorsque l’esprit est en chaos.»

L’idée de HOME ne se limite pas à un lieu physique. Pour Marfo, le foyer est une notion intérieure, façonnée par l’émotion, l’expérience et la mémoire. «Peu importe ce qu’on fait, on pense que notre “chez soi”, ce sont quatre murs, un toit et une serrure – mais ce n’est pas ça», dit-il. «Cette exposition est une invitation à regarder en soi. Il faut apprendre à se connaître, à s’accepter, et à en tirer des leçons.»

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Kojo Marfo - Fury and Freedom, 2025. (Photo: Arab News) 

L’une des œuvres phares de l’exposition, intitulée Fury and Freedom, illustre ce tumulte intérieur. «On voit à quel point tout est chaotique», commente Marfo. «Il y a un bouclier – c’est ce que la société appelle porter un masque. Il nous protège des agressions inutiles. C’est notre manière de vivre.» Pour l’artiste, ce masque symbolise les identités changeantes de l’humanité, ses mécanismes de défense émotionnels, et l’équilibre délicat entre expression de soi et protection de soi.

Une évolution artistique

Bien que Marfo ait exposé dans des villes majeures comme Paris, Tokyo ou Londres, cette exposition à Dubaï représente un moment charnière. «Quand la galerie m’a contacté, je me suis dit que j’allais apporter quelque chose de différent ici», se souvient-il. «La plupart de ces œuvres n’ont jamais été exposées. Mon objectif principal était de créer un dialogue à Dubaï.»

Ce n’est pas qu’une expansion géographique, mais aussi une évolution de sa démarche artistique. Puisant son inspiration dans les interactions humaines et les comportements, Marfo crée avec une histoire à l’esprit. «Parfois je peins d’abord, puis j’essaie de construire une histoire – mais c’est plus difficile. Je préfère m’inspirer des échanges, les faire miens, puis peindre.»

Bien qu’il ait été influencé à ses débuts par Picasso, Marfo a su se détacher des modèles pour forger son propre univers esthétique. «Avec le temps, j’ai développé mon propre style, mes propres idées – je l’appelle AfroGenesis. Ça sonne comme un mouvement, mais pour moi, c’est juste ma façon de dire que je suis original. Je ne cherche pas à lancer un mouvement – je suis juste là pour dire: “Je suis authentique.”»

Un échange culturel

HOME ne met pas seulement en lumière la maîtrise technique et la voix créative de Marfo – elle crée un pont. Entre les continents, entre les traditions culturelles, entre paysages intérieurs et réalités extérieures. Cette première immersion dans le monde de l’art moyen-oriental est à la fois une célébration et une invitation: une méditation universelle sur l’identité, le foyer et la condition humaine.

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Kojo Marfo - Stranger, 2023. (Photo: Arab News) 

«Je crée des œuvres vivantes et colorées pour capter l’attention», explique-t-il. «Mais mon but n’est pas que les gens se contentent de les observer – je souhaite qu’ils s’approchent et découvrent l’histoire qui se cache derrière. »

Et avec HOME, les amateurs d’art à Dubaï sont invités à bien plus qu’une simple visite de galerie – c’est une exploration réfléchie, intensément humaine, de ce que signifie être au monde.