PARIS : Il n'a rien fait, rien vu, rien su et il dit d'ailleurs avoir été "choqué" par les attentats. Mardi, au procès des attaques du 13 novembre 2015 à Paris, le Pakistanais Muhammad Usman, qui devait selon l'accusation faire partie des commandos, a usé la patience de la cour.
"Attendez, vous faites tout ce voyage, vous traversez plusieurs pays pour rejoindre le 'Châm' (Syrie, ndlr) parce que vous étiez convaincu que c'était votre mission, vous arrivez-là bas et vous faites... rien".
Le président Jean-Louis Périès fait les questions et les réponses depuis une bonne heure et ne parvient plus à cacher son exaspération face à l'accusé debout dans le box.
Via l'interprète ou parfois en français, Muhammad Usman, crâne rasé, polo à manches longues noires, assure qu'il a découvert le groupe Etat islamique (EI) via un certain "Abu Obeida" qui l'a contacté sur internet pour lui apprendre le "véritable Islam" et lui "retourner le cerveau" pour qu'il rejoigne l'EI.
Malgré l'insistance de la cour, il maintient qu'il n'a, avant cela, "jamais" passé une dizaine d'années au sein d'un groupe djihadiste pakistanais proche d'Al-Qaida, comme l'ont assuré les services de renseignement de son pays: "C'est faux".
Péniblement, la cour le fait revenir sur son trajet entre le Pakistan et la Syrie - "à l'été 2015", selon lui, bien plus tôt selon l'accusation.
Effectivement, il a bien effectué ce périple qualifié par les enquêteurs de "totalement inutile", traversant la Turquie de long en large, principalement à pied. Soit "35 heures de marche par jour", note le président, "ça paraît un peu compliqué".
Une fois sur place, en Syrie comme en Irak, l'accusé assure ensuite qu'il n'a "rien" fait.
"C'était bien Daesh qui vous reçoit, on est d'accord ? En 2015 ils ont des conflits un peu partout, à Falloujah, à Alep, à Raqqa, c'est pour ça qu'ils font venir des gens, des combattants. Et vous, on vous fait venir du Pakistan juste pour lire le Coran et aller la mosquée, pendant trois semaines ?", souffle le président, désabusé.
«Pourquoi vous?»
"Je faisais ce qu'on me disait de faire", répond mollement l'accusé.
La cour abandonne, et passe à la "mission" qui, selon l'accusation, lui sera finalement confiée à Raqqa: participer à un attentat-suicide en France, dans un groupe composé de l'un de ses coaccusés et des deux Irakiens qui se feront exploser au Stade de France.
Le groupe a été séparé sur la route des migrants, quand Muhammad Usman et l'Algérien Adel Haddadi ont été arrêtés et détenus en Grèce pendant un mois, ce qui les aurait empêchés de rejoindre les autres commandos à temps.
"Pourquoi vous ? Sachant que vous ne vous êtes pas entraîné, soit-disant, que vous n'avez participé à aucune bataille ?", insiste la cour. Du bout des lèvres, l'accusé reconnaît - pour la première fois - un entraînement à la kalachnikov de "un ou deux jours" à Raqqa.
"Donc il y avait dans la mission l'utilisation d'une Kalachnikov", tente le président Périès.
"Je ne sais pas, je n'avais pas le détail", répond l'accusé. Pas le détail des objectifs c'est ça ? "Oui". Ni de la manière de procéder ? "Ils m'ont juste dit que quand je serai sur place ils me diront".
Muhammad Usman dit avoir découvert "l'ampleur" des attentats en Autriche, où il est arrêté en décembre 2015.
"Je ne savais pas que ça allait se passer comme ça, j'ai été tellement choqué", avance celui qui voulait juste une "revanche" aux bombardements français sur les civils syriens. "Je ne savais pas que ce serait un si grand attentat. Quand j'ai vu, j'ai été surpris, donc j'ai abandonné la mission".
"C'est quoi un grand attentat par rapport à un petit ?", demande le président. "Le nombre de morts, de blessés ?"
"Oui", répond Muhammad Usman.
"Et jusqu'à quel nombre de morts vous auriez pu accepter de participer ?" Tête baissé, l'accusé élude à nouveau.