La hausse du taux de change par les hôpitaux libanais «tue les gens à domicile»

La Banque du Liban souffre d'une pénurie de réserves en dollars. (Photo, Reuters)
La Banque du Liban souffre d'une pénurie de réserves en dollars. (Photo, Reuters)
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Publié le Vendredi 02 octobre 2020

La hausse du taux de change par les hôpitaux libanais «tue les gens à domicile»

  • La Banque du Liban souffre d'une pénurie de réserves en dollars, ce qui se traduit par une suppression progressive des subventions sur les produits de base
  • Les hôpitaux devront rendre des comptes pour toute mesure prise unilatéralement.

BEYROUTH: Le Centre médical de l’Université américaine de Beyrouth (AUBMC) a adopté le taux de change de 3 900 livres libanaises pour le dollar, taux établi par les banques, et ce dans un nombre de départements. Le taux de change officiel est fixé à 1 507 livres libanaises.

Cette décision a déclenché un état de panique chez les gens, qui craignent que l'ensemble du secteur hospitalier privé ne fasse de même.

D’après une décision de l’administration de l’AUBMC, le droit d’entrée à son service d’urgence est désormais de 600 000 livres libanaises. Ces frais ne dépassaient pas 190 000 livres libanaises auparavant. De plus, une visite chez un médecin dans les cliniques ambulatoires de l’hôpital est passée à 225 000 livres libanaises alors qu’elle plafonnait à 120 000 livres libanaises.

La valeur de la livre libanaise par rapport au dollar s'est effondrée lors de la crise financière à laquelle est confronté le Liban depuis la fin de 2019. Il existe désormais trois taux de change distincts pour le dollar. Celui, officiel, reste à 1507 livres libanaises, et ne s'applique qu'aux importations de carburant, de médicaments et de blé ainsi qu'aux frais d'hospitalisation et aux agences d'assurance. Les banques appliquent un taux de change de 3 900 livres libanaises pour les dépôts en dollars. Le taux de change du dollar sur le marché noir est de 8300 livres libanaises.

La Banque du Liban souffre d'une pénurie de réserves en dollars, ce qui se traduit par une suppression progressive des subventions sur les produits de base, en particulier sur les médicaments.

Le président du Syndicat des hôpitaux privés, Sleiman Haroun, a déclaré : « Il y a des pressions sur les hôpitaux privés, mais nous espérons qu'une partie des cotisations sera payée afin qu'ils puissent s'acquitter de leurs tâches. »

Haroun a averti que « si la subvention sur les équipements médicaux et les médicaments est supprimée, les gens mourront chez eux et non plus aux portes des hôpitaux ».

Il a dit qu'il avait été informé par un importateur que la banque centrale avait supprimé les subventions sur le matériel de stérilisation.

Haroun a souligné que la décision de l’AUBMC, l'un des principaux hôpitaux de la capitale, d'adopter le taux de change du dollar de 3 950 livres libanaises ne s'applique pas aux tarifs officiels avec les services d’assurance.

Catastrophe

Les plus importants de ces services sont la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), la Coopérative des employés de l'État et des dizaines de compagnies d'assurance maladie.

Le directeur général de la Coopérative des employés de l’État, le Dr Yahya Khamis, a averti que l’adoption par les hôpitaux d’un taux de change du dollar de 3 950 livres libanaises signifie qu’une « catastrophe se produira inévitablement ».

Bechara Asmar, président de la Confédération générale des Travailleurs (CGTL), s'attend à ce que d'autres hôpitaux privés suivent l'exemple de l'AUBMC au début de la semaine prochaine. Il a mis en garde contre « la politique de piétinement des droits de la classe ouvrière et des personnes aux revenus limités ».

Il ajoute que « cela signifie la multiplication du coût de la facture hospitalière par trois, et l'effondrement du pouvoir d'achat des citoyens et des garants. La CNSS, la Coopérative des employés de l’État et des secteurs militaires, ainsi que les compagnies d'assurance ne seront plus en mesure de remplir leurs obligations. Les citoyens devront payer la différence, qui équivaut au double de ce que paient les compagnies d’assurances. »

Asmar insiste que « cela conduit à l'effondrement inéluctable du système de santé dans son ensemble ».

Les adeptes de la décision estiment que l'adoption du taux de change du dollar des banques pour la tarification des services hospitaliers est similaire à ce qui se passe avec le panier alimentaire subventionné - cette subvention adopte le taux de change du dollar de 3900 livres libanaises, et non le taux de change officiel fixe de 1507 livres libanaises.

Un responsable d'une compagnie d'assurance affirme que « la situation s'applique à tous les services médicaux dans les hôpitaux, la différence qui résultera de l'adoption par les hôpitaux  et les compagnies d'assurance du taux de change fixe sera payée soit par le citoyen, soit par les compagnies d'assurance, qui facturent toujours les primes d’assurance au taux de change officiel. »

Le chef du Syndicat général du travail a refusé d’accepter « tout tarif caché, comme c'est le cas actuellement, car cela se traduirait par une action immédiate, à savoir manifestations et sit-in ».

Le ministre de la Santé, Hamad Hassan, a souligné jeudi que « les subventions du secteurs de la santé, dont les hôpitaux font partie, les centres médicaux ainsi que le secteur de la médecine ne sont pas affectés à l'heure actuelle, ceci est hors de question ».

Hassan a annoncé qu'un compromis a eu lieu « entre le Syndicat des hôpitaux privés et le ministère de la Santé exigeant que les cotisations soient payées aux hôpitaux privés dans un délai d'un mois pour les patients atteints de coronavirus, grâce à un prêt de 39 millions de dollars de la Banque mondiale ».

Excès de transparence

Hassan a déclaré : « Le ministère de la Santé applique la loi, et tout le monde doit mettre du sien. Il faut arrêter de s’enrichir sur le dos des personnes malades. Les hôpitaux devront rendre des comptes pour toute mesure prise unilatéralement.

L'ancien ministre de la Santé Mohamed Jawad Khalife a cependant déclaré : « La décision de l'AUBMC est un excès de transparence. Tous les hôpitaux facturent les patients sur la base du taux de change du dollar de 3000 livres libanaises sans l'annoncer officiellement. Que le ministre de la Santé regarde un document d’admission de n’importe quel hôpital, il verrait que la différence de 15% entre le prix du ministère de la Santé et celui des hôpitaux est perçue par les hôpitaux, qui facturent aux citoyens 8 000 livres libanaises le dollar.

Il semble que le problème de l'hospitalisation au Liban ne se limite pas à la question financière. Les hôpitaux font face à un nombre accru de démissions de médecins, qui émigrent dans d'autres pays à la suite de l'effondrement du pouvoir d'achat de la monnaie nationale.

L'une des infirmières d'un hôpital réputé de Beyrouth a déclaré : « L'hôpital est en très mauvais état, on le croirait abandonné. Les patients qui venaient de l'étranger pour des soins médicaux au Liban ne peuvent plus venir à cause du coronavirus. Les patients libanais reportent les opérations non urgentes pour après la pandémie. Certains médecins dont les revenus ont diminué en raison de situation ont commencé à émigrer à l'étranger. Parmi eux, il y a des noms très connus ».

Fuite des médecins

L'ancien ministre de la Santé, le Dr Karam Karam, a déclaré : « Dans les années 80, les médecins ont quitté le Liban à cause de la guerre, mais il y avait quand même de l'espoir dans le pays. Actuellement, de nombreux médecins qualifiés quittent le Liban soit pour les États-Unis, soit pour les pays du golfe, et la raison est malheureusement financière. La plupart des enfants de ces médecins poursuivent leurs études à l’étranger et leurs parents ne sont plus en mesure de payer les frais de scolarité en raison du gel de leurs dépôts. »

Il a ajouté: « En tant que médecin, ce que je gagne n'est même pas suffisant pour payer le loyer de ma clinique ou le salaire de mon assistant. Pire encore, il y a un certain nombre d'histologistes hautement qualifiés qui quittent également le Liban. La situation est vraiment tragique. Ils ont volé notre argent, nos vies et notre dignité. Ils ont même volé notre sens de patriotisme. C’est un groupe de voleurs, une mafia qui contrôle ce beau pays. Ils nous ont poussé à détester le Liban, à détester même la Palestine à cause de ce qu’ils font en leur nom.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Parlement libanais approuve un projet de loi sur le secret bancaire

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
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  • La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise
  • Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière

BEYROUTH: Le Parlement libanais a approuvé jeudi un projet de loi sur la levée du secret bancaire, une réforme clé réclamée par le Fonds monétaire international (FMI), au moment où des responsables libanais rencontrent à Washington des représentants des institutions financières mondiales.

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri.

La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise imputée à la mauvaise gestion et à la corruption.

La récente guerre entre Israël et le Hezbollah a aggravé la situation et le pays, à court d'argent, a désormais besoin de fonds pour la reconstruction.

Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière.

Ces organismes pourront avoir accès à des informations telles que les noms des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.

Le Liban applique depuis longtemps des règles strictes en matière de confidentialité des comptes bancaires, ce qui, selon les critiques, rend le pays vulnérable au blanchiment d'argent.

En adoptant ce texte, le gouvernement avait précisé qu'il s'appliquerait de manière rétroactive pendant 10 ans. Il couvrira donc le début de la crise économique, lorsque les banquiers ont été accusés d'aider certaines personnalités à transférer d'importantes sommes à l'étranger.

Le feu vert du Parlement coïncide avec une visite à Washington des ministres des Finances, Yassine Jaber, et de l'Economie, Amer Bisat, ainsi que du nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid, pour des réunions avec la Banque mondiale et le FMI.

M. Jaber a estimé cette semaine que l'adoption des amendements donnerait un "coup de pouce" à la délégation libanaise.

En avril 2022, le Liban et le FMI ont conclu un accord sous conditions pour un programme de prêt sur 46 mois de trois milliards de dollars, mais les réformes alors exigées n'ont pour la plupart pas été entreprises.

En février, le FMI s'est dit ouvert à un nouvel accord avec Beyrouth après des discussions avec M. Jaber. Le nouveau gouvernement libanais s'est engagé à mettre en oeuvre d'autres réformes et a également approuvé le 12 avril un projet de loi pour restructurer le secteur bancaire.


Syrie: Londres lève ses sanctions contre les ministères de la Défense et de l'Intérieur

Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
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  • "Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor
  • Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier

LONDRES: Le Royaume-Uni a annoncé jeudi avoir levé ses sanctions contre les ministères syriens de l'Intérieur et de la Défense ainsi que contre des agences de renseignement, qui avaient été imposées sous le régime de Bachar al-Assad.

"Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor.

Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier.

Ces autorités, issues de groupes rebelles islamistes, ont pris le pouvoir le 8 décembre.

Le Royaume-Uni avait début mars déjà levé des sanctions à l'égard de 24 entités syriennes ou liées à la Syrie, dont la Banque centrale.

Plus de trois cents individus restent toutefois soumis à des gels d'avoirs dans ce cadre, ainsi qu'une quarantaine d'entités, selon le communiqué du Trésor.

Les nouvelles autorités syriennes appellent depuis la chute d'Assad en décembre dernier à une levée totale des sanctions pour relancer l'économie et reconstruire le pays, ravagé après 14 années de guerre civile.


1983 – L'attaque contre les Marines américains à Beyrouth

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  • Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines
  • Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang

BEYROUTH: Le 23 octobre 1983, aux alentours de 6h25, une violente déflagration secoue Beyrouth et sa banlieue, jusque dans les hauteurs montagneuses. Le souffle, sourd et diffus, fait d’abord penser à un tremblement de terre.

Mais sept minutes plus tard, une seconde explosion, bien plus puissante, déchire la ville et ses environs, dissipant toute confusion: Beyrouth venait de vivre l’un des attentats les plus meurtriers de son histoire.

Je travaillais alors pour le journal libanais As-Safir en tant que correspondant de guerre. Beyrouth était assiégée, dans sa banlieue sud, dans les montagnes et dans la région du Kharoub, par des affrontements entre le Parti socialiste progressiste et ses alliés d'une part, et les Forces libanaises d'autre part, dans ce que l'on appelait la «guerre des montagnes».

Le sud du pays a également été le théâtre de la résistance armée des combattants libanais contre l'occupation israélienne. Ces combattants étaient liés à des partis de gauche et, auparavant, à des factions palestiniennes.

Des forces multinationales, notamment américaines, françaises et italiennes, avaient été stationnées à Beyrouth après le retrait des dirigeants et des forces de l'Organisation de libération de la Palestine, à la suite de l'agression israélienne contre le Liban et de l'occupation de Beyrouth en 1982.

Quelques minutes après les explosions, la réalité s’impose avec brutalité: le quartier général des Marines américains, situé sur la route de l’aéroport de Beyrouth, ainsi que la base du contingent français dans le quartier de Jnah, ont été ciblés par deux attaques-suicides coordonnées.

Les assaillants, non identifiés, ont lancé des camions piégés – chargés de plusieurs tonnes d’explosifs – contre les deux sites pourtant fortement sécurisés, provoquant un carnage sans précédent.

Comment nous l'avons écrit

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Au lendemain des attentats, Arab News faisait état de 120 morts parmi les Marines et de 20 morts parmi les Français, un chiffre nettement inférieur au décompte final.

L'attaque de la base américaine a tué 241 militaires américains – 220 Marines, 18 marins et trois soldats – et en a blessé des dizaines. Le bombardement du site militaire français a tué 58 parachutistes français et plus de 25 Libanais.

Ces attentats étaient les deuxièmes du genre à Beyrouth; un kamikaze avait pris pour cible l'ambassade des États-Unis à Aïn el-Mreisseh six mois plus tôt, le 18 avril, tuant 63 personnes, dont 17 Américains et 35 Libanais.

Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines. Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang, des morceaux de corps et de la confusion. Voici ce que nous, journalistes, avons pu voir au milieu du chaos qui régnait immédiatement après la catastrophe, et ce qui reste gravé dans ma mémoire plus de 40 ans plus tard.

La nuit précédente, un samedi, les Marines avaient fait la fête, divertis par un groupe de musique qui avait fait le voyage depuis les États-Unis pour se produire devant eux. La plupart dormaient encore lorsque la bombe a explosé.

Aucun groupe n'a revendiqué les attentats ce jour-là, mais quelques jours plus tard, As-Safir a publié une déclaration qu'il avait reçue et dans laquelle le «Mouvement de la révolution islamique» déclare en être responsable.

Environ 48 heures après l’attentat, les autorités américaines pointent du doigt le mouvement Amal, ainsi qu’une faction dissidente dirigée par Hussein al-Moussawi, connue sous le nom d’Amal islamique, comme étant à l’origine de l’attaque.

Selon la presse locale de l’époque, la planification de l’attentat aurait eu lieu à Baalbeck, dans la région de la Békaa, tandis que le camion utilisé aurait été aperçu garé devant l’un des bureaux du mouvement Amal.

Le vice-président américain, George H.W. Bush, s'est rendu au Liban le lendemain de l'attentat et a déclaré: «Nous ne permettrons pas au terrorisme de dicter ou de modifier notre politique étrangère.»

La Syrie, l'Iran et le mouvement Amal ont nié toute implication dans les deux attentats.

En riposte à l’attaque visant leurs soldats, les autorités françaises ont lancé une opération militaire d’envergure: huit avions de chasse ont bombardé la caserne Cheikh Abdallah à Baalbeck, que Paris considérait comme un bastion de présences iraniennes.

À l’époque, les autorités françaises ont affirmé que les frappes avaient fait environ 200 morts.

Un responsable de l'Amal islamique a nié que l'Iran disposait d'un complexe dans la région de Baalbeck. Toutefois, il a reconnu le lien idéologique fort unissant son groupe à Téhéran, déclarant: «L’association de notre mouvement avec la révolution islamique en Iran est celle d’un peuple avec son guide. Et nous nous défendons.»

Le 23 novembre, le cabinet libanais a décidé de rompre les relations avec l'Iran et la Libye. Le ministre libanais des Affaires étrangères, Elie Salem, a déclaré que la décision «a été prise après que l'Iran et la Libye ont admis qu'ils avaient des forces dans la Békaa».

Un rapport d'As-Safir cite une source diplomatique: «Les relations avec l'Iran se sont détériorées en raison des interventions, pratiques et activités illégales qu'il a menées sur la scène libanaise, malgré de nombreux avertissements.»

Les attentats du 23 octobre étaient jusqu'alors le signe le plus évident de l'évolution de l'équilibre des forces régionales et internationales au Liban et de l'émergence d'un rôle iranien de plus en plus important dans la guerre civile.

Le chercheur Walid Noueihed m'a expliqué qu'avant 1982, Beyrouth avait accueilli toutes les formes d'opposition, y compris l'élite éduquée, appelée «opposition de velours», et l'opposition armée, dont les membres étaient formés dans des camps ou des centres d'entraînement palestiniens dans la vallée de la Békaa et au Liban-Sud.

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Vue aérienne de l'ambassade américaine à Beyrouth après l'explosion qui a fait 63 morts, dont 46 Libanais et 17 Américains. (AFP)

Il a indiqué que l'opposition iranienne au chah était présente parmi ces groupes et a décrit Beyrouth comme une oasis pour les mouvements d'opposition jusqu'en 1982. Toutefois, cette dynamique a changé lorsqu'Israël a envahi le Liban et assiégé Beyrouth, ce qui a entraîné le départ de l'OLP en vertu d'un accord international qui exigeait en échange qu'Israël s'abstienne de pénétrer dans Beyrouth.

Si les factions palestiniennes ont quitté le Liban, ce n'est pas le cas des combattants libanais associés à l'OLP, pour la plupart des chiites qui constituaient la base des partis de gauche libanais.

Les attaques contre les bases militaires américaines et françaises ont entraîné le retrait des forces internationales du Liban, explique M. Noueihed, laissant une fois de plus Beyrouth sans protection. Les opérations de résistance se sont multipliées, influencées par des idéologies distinctes de celles de la gauche traditionnelle, des groupes comme l'Amal islamique affichant ouvertement des slogans prônant la confrontation avec Israël.

En 1985, le Hezbollah est officiellement créé en tant qu'«organisation djihadiste menant une révolution pour une république islamique». Il s'est attiré le soutien des partis de gauche libanais et palestiniens, en particulier après l'effondrement de l'Union soviétique.

Selon M. Noueihed, l'émergence du Hezbollah a coïncidé avec le déclin des symboles existants de la résistance nationale, ce qui semble indiquer une intention d'exclure toutes les autres forces du pays du mouvement de résistance, laissant le Hezbollah comme parti dominant.

L'influence iranienne au Liban est devenue évidente lors des violents affrontements entre le Hezbollah et Amal, qui ont fait des dizaines de victimes et se sont terminés par la consolidation du contrôle du Hezbollah au milieu de la présence des forces militaires syriennes.

Beyrouth se vide peu à peu de son élite intellectuelle, a souligné M. Noueihed. Des centaines d’écrivains, d’intellectuels, de chercheurs et de professionnels des médias ont fui vers l’Europe, redoutant pour leur sécurité, laissant derrière eux une ville désertée par ceux qui faisaient autrefois vibrer sa vie culturelle et académique.

Najia Houssari est rédactrice pour Arab News, basée à Beyrouth. Elle était correspondante de guerre pour le journal libanais As-Safir au moment du bombardement de la caserne des Marines américains.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com