PARIS : Kenzo résiste au monde « qui s'égare » en tenue d'apiculteur, Gauchere fait résonner la puissance de ses tailleurs avec un tambour, Hermès propose des bijoux seconde peau: la mode à Paris tente de rassurer le consommateur vulnérable face à une crise inédite.
Dans un défilé poétique sur les allées d'un jardin autour d'une fontaine dont le ruissellement apaise, le créateur portugais de la maison Kenzo, Felipe Oliveira Baptista, joue l'optimisme avec une palette de couleurs fraîches et des imprimés floraux sur des vêtements qui tantôt couvrent totalement, tantôt mettent à nu.
Le look phare de cette collection revisite la tenue d'apiculteur avec un chapeau et un voile, un « écho à la fragilité et à la distance imposée et nécessaire aujourd'hui », souligne le créateur dans la note d'intention du défilé.
Les rares invités sont espacés, assis sous des parapluies noirs. Moins de la moitié des 84 maisons sur le calendrier officiel de la Fashion week ont organisé des défilés, les autres optant comme cet été pour des présentations numériques, en pleine épidémie du Covid.
Ils trouvent sur leur siège un pot de miel et un foulard fait pour être enfilé sur le masque chirurgical, désormais obligatoire partout, histoire de le rendre « fashion » et plus joyeux.
Les imprimés abstraits rouge et vert sur du blanc sont comme délavés, de même que les coquelicots et hortensias, sur les tenues.
« Le monde se chagrine tout comme les fleurs trop délicates sur les imprimés », souligne Felipe Oliveira Baptista qui a fait de ce défilé « une ode aux abeilles », « protectrice et rassurantes ».
A l'opposé de la protection totale, un autre look moulant avec un body couleur chair incite à se sentir à découvert et à « oser devant le danger ».
Même en temps de pandémie, Kenzo veut rester fidèle à son ADN, synonyme de la fête.
Bleu électrique, jaune, rouge, des rubans sur des jeans invitent à la décontraction comme des sandales plates et des sacs seaux qui se prolongent en bas avec des conteneurs en tissu fleuri assorti aux tenues.
« Décompression »
La styliste allemande Marie-Christine Statz, fondatrice de la marque parisienne Gauchere, a invité l'artiste John James à jouer du tambour en transformant ainsi son défilé en « une cérémonie de décompression » pour permettre aux convives de mieux se concentrer sur l'expérience.
« Par ces temps inhabituels, regarder une chose à la fois, écouter un son à la fois et laisser une expérience de résonner » est l'inspiration phare de la créatrice, selon une note d'intention de défilé organisé dans un espace blanc.
Dans sa collection habillant la femme puissante moderne, elle fait la part belle au tailleur-pantalon monochrome et à la silhouette cintrée avec des épaules larges pour les vestes et les robes.
Cette saison, elle rajoute au blanc et noir, des nuances plus douces de brique, terre, bleu pierre ou kaki et crée des volumes supplémentaires.
« Prendre soin de soi »
« Lignes sensibles »: la maison du luxe française Hermès qui défile samedi a présenté mercredi une collection de haute joaillerie dessinée par Pierre Hardy, des formes souples et légères qui épousent le corps.
« Je suis parti de ce qui se passe entre le corps et le bijou, comment le bijou peut revenir à la rencontre du corps ou en prendre soin », a déclaré le créateur.
La collection a été présentée dans une salle noire, qui s'éclairait légèrement au cours de la projection du film mettant en scènes des femmes parées de ces bijoux, dans des vêtements simples et au bord de la mer.
Graphiques ou fluides comme un collier ou un bracelet en or et diamants, ces pièces sont « des manifestations en pierres et or » des émotions ou des gestes et se fondent avec la peau.
« Traditionnellement, le bijou était quelque chose fait pour les autres, un marqueur, un signe hiérarchique, de pouvoir. Aujourd'hui, on est très loin de cela. Les femmes ont un rapport très personnel avec les bijoux d'où les formes qui épousent », souligne le créateur.