Dans la péninsule Arabique, d’anciens secrets d'amour et de bonheur gravés dans la pierre

Dans toute la péninsule Arabique, des inscriptions donnent des indications sur les communautés arabes qui vivaient dans différentes régions. (Shutterstock)
Dans toute la péninsule Arabique, des inscriptions donnent des indications sur les communautés arabes qui vivaient dans différentes régions. (Shutterstock)
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Publié le Mardi 04 janvier 2022

Dans la péninsule Arabique, d’anciens secrets d'amour et de bonheur gravés dans la pierre

  • Les gravures rupestres donnent des indications surprenantes sur les toutes premières cultures de la péninsule Arabique
  • L'écriture dans les sociétés de la péninsule Arabique diffère de celle des autres cultures en raison de ses caractères distinctifs et de la variété des thèmes, estime le Dr Salma Hawsawi, professeure d'histoire ancienne à la King Saud University

LA MECQUE: Des inscriptions anciennes sur des roches dans toute la péninsule Arabique aident à brosser un tableau des premières cultures arabes. Elles permettent de mieux comprendre les conditions économiques et sociales dans lesquelles vivaient les populations de l’époque – et d’en apprendre plus sur leur conception de l'amour, du mariage et du bonheur.

Les gravures fournissent des preuves des premières croyances religieuses et des cérémonies rituelles, ainsi que des détails sur les professions, l'artisanat et les devises locales, tout en soulignant par ailleurs le professionnalisme et l’habileté des graveurs, estime le Dr Salma Hawsawi, professeure d'histoire ancienne à la King Saud University de Riyad.

«L'écriture est une invention humaine», affirme Hawsawi à Arab News. «C'est un moyen d'échanger des idées et des connaissances, ainsi que d'en discuter au sein des sociétés, indépendamment de la classe, des croyances et des sectes.»

Selon elle, les informations historiques glanées à partir de ces inscriptions pouvaient refléter les sentiments d'amour, de peur, de nostalgie, de tristesse et de bonheur ressentis par les habitants à cette époque. «Ces inscriptions sont considérées comme un véritable témoignage de la vie à cette période historique. Elles mettent en lumière la profondeur culturelle de la région», explique-t-elle.

Hawsawi assure que l'écriture et la gravure étaient d’ailleurs considérées comme des professions. «L’écriture, en général, illustre le niveau de civilisation et d’éducation atteint par la société arabe, elle est indissociable des progrès de l’humanité.»

«L'existence de l'écriture dans les civilisations est la preuve de leur importance dans la codification, la communication et les relations entre les sociétés.»

Dr Salma Hawsawi

Elle précise que l'écriture s'est développée en deux temps. «Il y a d’abord eu une étape pré-alphabétique, l'écriture figurative, c’est à dire la représentation de choses matérielles dans l'environnement humain pour désigner les aspects moraux à travers des dessins rupestres. Puis,  la phase du symbolique, avec des sons syllabiques.»

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Les gravures ont également fourni des détails sur les noms et les lieux des tribus, ainsi que sur les professions et l'artisanat, les dispositions relatives au commerce, les devises, les exportations et les importations.

Selon Hawsawi, l'écriture cunéiforme s'est répandue dans toute la Mésopotamie à partir d'environ 3 200 av. J-C., et a été en usage jusqu'à 100 apr. J-C.

L'écriture hiéroglyphique était utilisée en Égypte vers 4 000 av. J.-C., tandis que l'écriture ougaritique était répandue dans le nord de la Syrie. L'écriture sinaïtique remonte à 1400 av. J-C., et a été inventée par un groupe de Cananéens travaillant dans des mines de turquoise et de cuivre dans le désert du Sinaï.

Par ailleurs, l'écriture phénicienne, qui remonte à 1 000 av. J-C., et l'écriture punique se sont étendues dans toute l'Afrique du Nord à partir de 300 av. J-C., et jusqu’à 300 apr. J-C.

«L'existence de l'écriture dans les civilisations est la preuve de leur importance dans la codification, la communication et les relations entre les sociétés», indique Hawsawi.

Dans toute la péninsule Arabique, des inscriptions écrites offrent des indications sur les communautés arabes qui vivaient dans différentes régions. Certaines de ces inscriptions avaient un caractère religieux, se concentrant sur les noms des dieux et des rituels religieux. D'autres avaient une dimension sociale, traitant du statut personnel, du mariage, du divorce et des patronymes.

Les gravures ont également fourni des détails sur les noms et les lieux des tribus, ainsi que sur les professions et l'artisanat, les dispositions relatives au commerce, les devises locales, les exportations et les importations.

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Les gravures témoignent des premières croyances religieuses et des cérémonies rituelles.

«Sur le plan politique, les inscriptions indiquaient les noms des rois et des souverains, les guerres ainsi que la naissance et la chute des États», déclare-t-elle. «Ces inscriptions sont une source importante de connaissances historiques et culturelles de la région. Leur nombre important nous donne une idée du niveau de connaissances et de culture atteint par les sociétés, et de l'attention qu'elles portaient à l'écriture et à la documentation.»

Hawsawi précise que les inscriptions pouvaient se trouver sur les rochers de manière agencée ou aléatoire, selon la personne qui les écrivait, ainsi que sur les façades des temples, des maisons et même des pierres tombales. Certaines ont représenté la société dans des événements importants ou les aphorismes de ses dirigeants.

Dans le sud de la péninsule, l'écriture de l'Arabie du Sud antique a été utilisée à partir d'environ 800 av. J-C. jusqu’en 600 apr. J-C. Les inscriptions sont très répandues et peuvent être trouvées sur des pierres, du bois et des ossements, dans l'est de l'Arabie, à Al-Faw, à Najran et aussi à AlUla.

«L'écriture zabour est également apparue dans le sud et remonte à environ 500 av. J-C. Certains disent que l'ancienne écriture de l’Arabie du sud et l'écriture zabour sont apparues à peu près au même moment», raconte la professeure d’histoire ancienne.

Dans le nord de la péninsule Arabique, l'écriture thamudique était utilisée à partir de 800 av. J-C., et se composait de 29 caractères. Des inscriptions ont été trouvées sur des façades rocheuses le long de la route commerciale, de l'extrême sud à l'extrême nord du monde arabe.

L'écriture safaïtique est similaire à l'écriture thamudique et remonte au premier siècle av. J-C. Datant du IX siècle, l'écriture araméenne compte 22 lettres, tirées de l'écriture phénicienne, et est largement répandue dans le monde antique, notamment en Mésopotamie, en Iran, en Inde, en Égypte et dans le nord de la péninsule Arabique.

Hawsawi souligne que «les écritures dadanite et lihyanite remontent au VI ou V siècle av. J-C. et comprennent 28 lettres, dont certaines ressemblent aux écritures anciennes thamudiques et du sud de l’Arabie. Elles s'écrivent de droite à gauche, les mots étant séparés par une ligne verticale. Les écritures palmyrène et syriaque issues de l'araméen remontent au premier siècle av. J-C. L'écriture nabatéenne est issue de l'araméen. Cependant, certaines de ses lettres ont changé de forme et se sont vu ajouter un point, laissant la place à l'écriture arabe que nous utilisons aujourd'hui.»

La spécialiste indique que l'écriture dans les sociétés de la péninsule Arabique diffère de celle des autres cultures en raison de ses caractères distinctifs et de la variété des thèmes. «La vie et les événements qui y sont associés ont été consignés, à la différence d'autres civilisations qui se sont concentrées sur la codification des événements politiques», conclut-elle.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Un écrivain saoudien attire une foule immense au Salon du livre de Rabat

Cet écrivain de 47 ans, né à Al-Hassa, a passé son enfance aux États-Unis avant de revenir au Royaume pour terminer ses études. (Photo fournie)
Cet écrivain de 47 ans, né à Al-Hassa, a passé son enfance aux États-Unis avant de revenir au Royaume pour terminer ses études. (Photo fournie)
Le ministre marocain de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaid, a invité Osama al-Muslim à organiser des séances de dédicace dans plusieurs grandes villes marocaines. (Photo fournie)
Le ministre marocain de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaid, a invité Osama al-Muslim à organiser des séances de dédicace dans plusieurs grandes villes marocaines. (Photo fournie)
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  • Son premier roman a été refusé par plus de vingt maisons d’édition, ce qui l’a poussé à l’imprimer et à l’autopublier à ses propres frais
  • Aujourd’hui, M. Al-Muslim a déjà publié trente-deux ouvrages, qui vont des séries épiques aux nouvelles

LA MECQUE: La présence de l’auteur saoudien Osama al-Muslim au Salon international de l’édition et du livre de Rabat a suscité l’intérêt des visiteurs de cet événement, qui se tient jusqu’au 19 mai.

La séance de dédicace du livre de M. Al-Muslim a attiré un très grand nombre d’amateurs, notamment des jeunes adultes et des adolescents. La direction du salon a dû écourter la cérémonie de dédicace afin d’éviter que se forme une trop grande foule.

L’écrivain de 47 ans, né à Al-Hassa, a passé son enfance aux États-Unis avant de revenir au Royaume pour terminer ses études. Il est diplômé du département de littérature anglaise de l’université du roi Faisal.

«Le Salon international de l’édition et du livre est l’une des expositions les plus prestigieuses et j’ai été heureux de m’y rendre pour la première fois afin de rencontrer mes chers lecteurs venus de toutes les régions et villes du Maroc», a confié M. Al-Muslim à Arab News.

«L’affluence a été remarquable, mais je n’ai malheureusement pas pu rencontrer la plupart des personnes présentes, ce qui m’a un peu attristé. Toutefois, il est désormais prévu, à l’aimable invitation du ministre marocain de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaid, d’organiser des séances de dédicace dans plusieurs grandes villes marocaines afin de rencontrer le plus grand nombre possible de lecteurs», a-t-il ajouté.

M. Al-Muslim a évoqué ses origines en tant qu’écrivain, expliquant à quel point il était difficile de débuter dans le secteur. Son premier roman a été refusé par plus de vingt maisons d’édition, ce qui l’a poussé à l’imprimer et l’autopublier à ses propres frais.

«Je l’ai commercialisé moi-même par l’intermédiaire d’une petite boutique en ligne gérée par un jeune Saoudien. Ce qui est drôle, c’est qu’après le succès de la première édition, toutes les maisons d’édition qui avaient rejeté le roman m’ont contacté pour me demander de collaborer avec elles», a-t-il précisé.

Aujourd’hui, M. Al-Muslim a déjà publié trente-deux ouvrages, qui vont des séries épiques aux nouvelles. Plus de quinze de ses livres ont été traduits en anglais, et le reste est en cours de traduction.

«La première partie d’Arabistan Orchards Vergers d’Arabistan»] a été traduite en chinois, avec plus de 50 000 exemplaires imprimés, et des efforts sont en cours pour traduire les autres parties», a-t-il encore précisé.

«En ce qui concerne ma vision culturelle, je pense que les anciens modèles ne sont plus attrayants pour cette génération. Utiliser un langage difficile et complexe et mettre en avant ses compétences linguistiques et cognitives pour défier le lecteur n’est plus attrayant. Les lecteurs d’aujourd’hui ont besoin d’une histoire intéressante, tissée intelligemment et dans un langage fluide», a-t-il ajouté.

M. Al-Muslim n’a «jamais prêté attention aux critiques» parce qu’il connaissait «leurs expériences, leurs orientations et leurs idées».

«Si je les avais écoutés, j’aurais arrêté dès le premier jour. Ils veulent que tout le monde adopte leur point de vue et que personne ne s’écarte des méthodes qu’ils ont établies», a affirmé M. Al-Muslim.

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La séance de dédicace du livre de M. Al-Muslim a attiré une foule immense, notamment des jeunes adultes et des adolescents. (Photo fournie)

«Les histoires fantastiques que je présente allient vérité et imagination. Elles s’appuient sur notre héritage arabe et nos mythes, en particulier ceux de l’Arabie saoudite, plutôt que sur des histoires et des légendes globales qui ne nous appartiennent pas ou ne nous ressemblent pas. Par conséquent, les lecteurs s’attachent à ce genre parce qu’il est issu de leur environnement et qu’il est proche de leurs pensées, de leur personnalité et de leurs sentiments.»

«J’utilise un langage facile et fluide, mais avec une profondeur philosophique et cognitive. Ce style est considéré comme simple, mais il est apprécié et compris par les jeunes et les moins jeunes, et par toutes les couches de la société», a-t-il poursuivi.

En défiant les règles littéraires dépassées, Osama al-Muslim a dit espérer rester en phase avec les idées, les problèmes, les souhaits et les aspirations de la nouvelle génération, affirmant qu’il est «devenu proche d’elle» et qu’il la «comprend très bien».

«Il ne fait aucun doute que l’originalité de mes écrits et l’absence d’imitation offrent quelque chose de nouveau et d’inhabituel, ce qui suscite chez mes lecteurs de l’enthousiasme, de l’attachement et l’envie de découvrir de nouvelles choses», a-t-il indiqué.

L’auteur a évoqué ses projets d’adaptation à l’écran: «Oui, si Dieu le veut – MBC Group a acquis les droits de presque toutes mes publications pour les transformer en séries dramatiques et en films.»

«Environ 80% de la première partie de la série Arabistan Orchards a déjà été réalisée, avec des coûts de production considérés comme les plus élevés du genre fantastique arabe, dépassant les 30 millions de dollars (1 dollar = 0,92 euro).

«Le début du travail sur la trilogie Fear [«Peur»], mon œuvre la plus célèbre, a également été annoncé. En outre, nous envisageons de produire un film basé sur l’un de mes romans courts, que le groupe annoncera plus tard.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Des ONG mettent en garde Elon Musk contre une «punition collective» en cas de fermeture de Starlink au Soudan

Starlink de SpaceX est sous pression pour maintenir sa connexion depuis que le conflit a éclaté au Soudan en avril 2023. (AFP)
Starlink de SpaceX est sous pression pour maintenir sa connexion depuis que le conflit a éclaté au Soudan en avril 2023. (AFP)
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  • En août, un groupe de pirates informatiques appelé «Anonymous Soudan» a mis X hors ligne dans plus d’une douzaine de pays pour faire pression sur Elon Musk afin qu’il ouvre officiellement Starlink au Soudan
  • Ces derniers mois, l’entreprise a été au centre d’un débat public sur son rôle à assurer la liaison entre les zones ravagées par la guerre à travers le monde

LONDRES: Le fondateur de Starlink, Elon Musk, a été invité à ne pas fermer le service Internet par satellite au Soudan, car cela pourrait «punir collectivement» des millions de Soudanais. 

Dans un appel au milliardaire américain, près de cent organisations humanitaires, de la société civile, de défense des droits humains et de membres de la coalition #KeepItOn ont souligné le rôle essentiel que joue Starlink en tant que bouée de sauvetage pour les organisations sur le terrain opérant dans ce pays africain ravagé par la guerre. Ils préviennent que l’interruption du service pourrait avoir des conséquences fatales. 

«Toute fermeture des services de télécommunications constitue une violation des droits de l’homme et peut être considérée comme une punition collective qui non seulement isolera les individus de leurs réseaux de soutien, mais aggravera également la situation économique déjà désastreuse à laquelle sont confrontés des millions de personnes», a déclaré la coalition, qui comprend Save the Children, l’Islamic Relief Worldwide et Action contre la faim, entre autres. 

Le communiqué ajoute: «La fermeture potentielle de Starlink aurait une incidence disproportionnée sur les civils et les organisations humanitaires qui tentent de les aider.» 

Le Soudan est confronté depuis plusieurs mois à une panne généralisée des télécommunications, limitant considérablement les services d’urgence et humanitaires ainsi que l’accès aux transactions de base telles que les transferts d’argent depuis l’étranger. 

Starlink, qui peut opérer au-delà des frontières grâce à son service par satellite, a annoncé, plus tôt ce mois-ci, qu’il cesserait ses services au Soudan en limitant l’itinérance dans les juridictions où il ne dispose pas de licence. 

Si elle est confirmée, cette décision risque de provoquer une coupure permanente des télécommunications à l’échelle nationale, similaire à celle de février 2024, à l’issue de laquelle près de 30 millions de Soudanais se sont retrouvés privés d’accès à Internet ou aux appels téléphoniques pendant plus d’un mois. 

La situation est encore aggravée par la destruction des infrastructures de communication, ciblées à la fois par les Forces de soutien rapide (FSR) et par l’armée soudanaise. 

La coalition, qui s’appuie sur un accès Internet par satellite coûteux et rare dans les zones où les télécommunications officielles ne fonctionnent pas, a également exhorté les factions belligérantes à réparer les infrastructures. 

Starlink de SpaceX est sous pression pour maintenir sa connexion depuis que le conflit a éclaté au Soudan en avril 2023. 

En août, un groupe de pirates informatiques appelé «Anonymous Soudan» a mis X hors ligne dans plus d’une douzaine de pays pour faire pression sur Elon Musk afin qu’il ouvre officiellement Starlink au Soudan. 

Ces derniers mois, l’entreprise a été au centre d’un débat public sur son rôle à assurer la liaison entre les zones ravagées par la guerre à travers le monde. 

Plus tôt ce mois-ci, Bloomberg a rapporté que SpaceX était sur le point de conclure un accord avec le gouvernement yéménite pour fournir Internet par satellite au pays, ce que les experts ont décrit comme une «victoire» sur la milice houthie. 

En septembre 2023, plusieurs médias ont rapporté qu’Elon Musk avait rejeté une demande ukrainienne d’étendre la couverture de Starlink à la Crimée lors d’une attaque surprise. 

Bien que les affirmations selon lesquelles Elon Musk aurait «désactivé» la couverture de Starlink en Crimée se soient avérées erronées, cela a soulevé des inquiétudes quant au rôle du service pendant les conflits. 

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


Balayeur du Festival de Cannes, il devient réalisateur sélectionné

Le compositeur français Michel Legrand arrive pour la projection du film «La Rançon de la Gloire» présenté en compétition au 71e Festival du Film de Venise le 28 août 2014 au Lido de Venise. (AFP)
Le compositeur français Michel Legrand arrive pour la projection du film «La Rançon de la Gloire» présenté en compétition au 71e Festival du Film de Venise le 28 août 2014 au Lido de Venise. (AFP)
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  • «Il était une fois Michel Legrand» couvre les deux dernières années de la vie du musicien et revient sur la carrière du compositeur des «Parapluies de Cherbourg»
  • «L'adulte que je suis a pris l'enfant qu'il était par la main pour réaliser son rêve», glisse David Hertzog Dessites

CANNES: Comme une belle histoire de cinéma: balayeur à 20 ans des marches du Festival de Cannes, David Hertzog Dessites les montera samedi, à 51 ans, pour y présenter un documentaire qu'il a réalisé.

"L'adulte que je suis a pris l'enfant qu'il était par la main pour réaliser son rêve", glisse à l'AFP David Hertzog Dessites, origine de cette ville du sud de la France, qui signe "Il était une fois Michel Legrand", documentaire sur le célèbre musicien français.

"Il était une fois Michel Legrand" couvre les deux dernières années de la vie du musicien et revient sur la carrière du compositeur des "Parapluies de Cherbourg", disparu en 2019 à 86 ans.

Quand il a appris qu'il était sélectionné dans la section Cannes Classics, axée autour de copies restaurées et de documentaires, ce barbu athlétique a eu du mal à réaliser. Et une scène forte lui est revenue en tête.

"Un matin vers 4h00, dans ma tenue de balayeur, il n'y avait pas de gardien à l'époque sur les marches, je me suis allongé sur le tapis rouge en me disant +je reviendrai ici avec mon film+".

Gamin, sa mère l'accompagnait aux abords du Palais des Festivals voir sur le tapis rouge les stars d'Hollywood, comme Kirk Douglas ou Robert Mitchum. Sa vie bascule quand, à 20 ans, sa mère, employée municipale, décède à 48 ans. La ville de Cannes propose alors au jeune homme, se retrouvant seul, un emploi de balayeur. Qui fait donc parfois la tranche 3-8 h du matin sur le tapis rouge et aux abords.

«Festival en clandestin»

Des copains travaillant pour le plus grand rendez-vous mondial du 7e art permettent alors à ce fan de ciné de vivre le "festival en clandestin", en entrant en cachette.

Un matin, en séance de 11h00, il se faufile à la projection de "Pulp fiction" de Quentin Tarantino. "J'ai vu Clint Eastwood (président du jury) se prendre le visage dans les mains tellement il était mort de rire".

La disparition de sa mère est un "véritable booster", David Hertzog Dessites transformant "cette peine en énergie positive". En autodidacte, il achète une première caméra. "J'enviais des copains en école de cinéma, et eux m'enviaient en m'assurant que mon point de vue n'était pas conditionné".

Un premier tournant arrive en 1999. David Hertzog Dessites part sur ses deniers aux USA filmer les inconditionnels de "Star wars" qui attendent la sortie de l'épisode intitulé "La menace fantôme". "Les fans à Hollywood, New York, étaient dingues, attendaient dans des tentes aux abords des cinémas pour être les premiers à voir le film". Son documentaire attire les regards.

«Formidable cette histoire»

Michel Legrand, c'est encore une belle histoire. "Sa musique a bercé la grossesse de ma maman, mes parents se sont rencontrés en allant voir +L'affaire Thomas Crown+ et avaient acheté le 45 tours de la musique composée par Michel". Les séries télé qu'il voit enfant, "Il était une fois... la vie", "Oum le dauphin blanc", sont signées du même compositeur. Et la B.O. de "Yentl" avec Barbra Streisand est pour le cinéphile et mélomane "un choc".

David Hertzog Dessites finit par rencontrer ce "génie" en 2017 quand le pianiste donne un concert dans le cadre du Festival de Cannes.

Assis au pied du piano -"comme un gamin devant le sapin de Noël"- pendant le récital, le réalisateur lui adresse la parole à la fin: "si j'existe, c'est un peu grâce à vous". "C'est formidable cette histoire, j'adore", lui rétorque Michel Legrand.

Qui se laisse convaincre pour un documentaire et lui donne carte blanche. "Il m'a dit qu'il ne contrôlerait rien, sachant son exigence et le personnage complexe que c'était, c'est le plus beau cadeau qu'il pouvait me faire", souffle David Hertzog Dessites.