BEYROUTH : Frappé par la pire crise socio-économique de son histoire, le Liban est en négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) pour aboutir à un plan visant à sauver un pays à la dérive depuis deux ans.
Entamées en mai 2020, les premières discussions avaient déraillé deux mois plus tard en raison de divisions politiques.
Les négociations ont repris en septembre 2021 mais le flou règne autour des discussions, et le scénario de sortie de crise n'a pas encore été déterminé.
Où en est l'économie ?
Le vice-Premier ministre Saadé Chami, qui dirige l'équipe de négociations du Liban avec le FMI, a déclaré à l'AFP que les responsables libanais évaluaient les pertes du secteur financier à "environ 69 milliards de dollars", sans autres précisions.
Il s'agit de la première estimation depuis le début de la crise économique du pays, l'une des pires au niveau mondial depuis 1850, selon la Banque mondiale (BM).
Cette dernière indique que le PIB du Liban est passé d'environ 55 milliards de dollars en 2018 à 20,5 milliards de dollars en 2021. Une "contraction brutale" qui est "généralement associée à des conflits ou des guerres", selon la BM.
Conséquence de cette dépression: la livre libanaise a perdu 90% de sa valeur sur le marché noir, le salaire minimum ne dépasse pas l'équivalent de 25 dollars par mois et quatre libanais sur cinq sont considérés en situation de pauvreté, selon l’ONU.
Pour tenter de freiner l'effondrement de la monnaie nationale, la Banque centrale adopte plusieurs taux de change. Elle estime que l'unification de ces taux "n'est pas envisageable avant un accord avec le FMI et une stabilité politique".
Selon Riad Salamé, le gouverneur de cette institution, le Liban aurait besoin "de 12 à 15 milliards de dollars pour relancer son économie".
Quels sont les enjeux d’un accord avec le FMI ?
Une délégation du FMI s’est rendue au Liban début décembre pour discuter "des politiques économiques" du pays avec les responsables libanais, selon M. Chami. Il a dit s'attendre "à des résultats concrets en janvier 2022", sans écarter d'éventuels retards liés à l'évolution de l'épidémie du Covid-19.
Mardi, le Premier ministre libanais a déclaré que la première réunion officielle avec le FMI aurait lieu le 15 janvier.
La délégation du FMI examinera les progrès réalisés par le gouvernement et pourrait revenir début février pour finaliser un accord, a ajouté M. Mikati.
Selon M. Chami, un "plan de sauvetage économique" sera préparé avec le FMI et envoyé au conseil de l'institution pour approbation.
Mais il faudra démontrer "que le gouvernement est vraiment engagé dans les réformes", a précisé le vice-Premier ministre libanais ajoutant qu'un éventuel programme devra être approuvé par le gouvernement.
Or, le gouvernement Mikati, formé en septembre, ne s'est plus réuni depuis le 12 octobre, en raison de tensions autour de l'enquête sur l'explosion meurtrière du 4 août 2020 au port de Beyrouth.
Où en est l’audit de la Banque centrale?
Depuis le début de la crise, un audit de la Banque centrale fait l'objet de tractations politiques et n'a toujours pas abouti. "Nous ne savons pas" si un audit sera nécessaire pour un accord avec le FMI, a déclaré M. Chami.
Mais pour l'ancien vice-gouverneur de la Banque centrale, Nasser Saidi, un tel audit est indispensable avant tout accord avec le FMI. "Il y a une absence totale de transparence", a-t-il dit.
Le gouverneur de la Banque centrale a révélé mardi à l'AFP que les réserves obligatoires en devises étrangères du Liban, qui s'élevaient à 32 milliards de dollars avant la crise de 2019, avaient chuté à 12,5 milliards de dollars.
Ces réserves, que la Banque centrale n'a en principe pas le droit d'utiliser, sont constituées en partie de dépôts des épargnants.
Avant d'espérer obtenir un programme de financement du FMI le Liban "doit mettre de l'ordre dans sa maison fiscale", poursuit M. Saidi. "En fin de compte, le FMI cherchera avant tout des promesses de bonne gouvernance", a-t-il conclu.