Il y a 70 ans en France, le clergé brûlait le Père Noël dans la ville de Dijon

Dans cette photo d'archives prise le 24 décembre 1951, des enfants regardent une effigie du Père Noël brûlée devant la cathédrale de Dijon en signe de protestation du clergé catholique local contre la paganisation de Noël. (AFP)
Dans cette photo d'archives prise le 24 décembre 1951, des enfants regardent une effigie du Père Noël brûlée devant la cathédrale de Dijon en signe de protestation du clergé catholique local contre la paganisation de Noël. (AFP)
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Publié le Samedi 18 décembre 2021

Il y a 70 ans en France, le clergé brûlait le Père Noël dans la ville de Dijon

  • «Le Père Noël et le sapin se sont introduits dans les écoles publiques alors qu'ils sont la réminiscence de cérémonies païennes qui n'ont rien de chrétiennes » déclarait l'épiscopat
  • L'affaire inspire aussi l'anthropologue Claude Levi-Strauss, avec un essai intitulé «Le Père Noël supplicié»

DIJON : Le 23 décembre 1951, une effigie du Père Noël, considéré comme un usurpateur par le clergé conservateur, est brûlée en place publique à Dijon, dans le centre-est de la France, sous les yeux écarquillés de 250 enfants. L'affaire divise le pays, avec des échos à l'étranger.

«Pour nous, chrétiens, la fête de Noël doit rester la fête anniversaire de la naissance du Sauveur»: c'est par ces mots que le clergé dijonnais explique avoir «brûlé le Père Noël» sur le parvis de la cathédrale Saint-Bénigne de Dijon.

«Le Père Noël a été sacrifié en holocauste. À la vérité, le mensonge ne peut éveiller le sentiment religieux chez l'enfant», souligne le clergé alors très conservateur de la capitale de Bourgogne, après avoir mis le feu à une effigie d'environ trois mètres de haut.

Bien plus tard, le prêtre à l'origine de l'autodafé, Jacques Nourissat, expliquera avoir eu cette idée après avoir vu défiler des Pères Noël faisant la publicité d'un grand magasin dijonnais.

«Pour nous qui étions sur la paille, c'était de la provocation», a-t-il expliqué au magazine L'Obs en 2009, avant sa mort en 2014. «Notre paroisse était la plus pauvre. Des femmes se prostituaient pour survivre, des hommes sortaient de prison. Pour eux, le Père Noël signifiait de l'amour gratuit, un don, alors forcément, celui qui faisait de la réclame pour le commerce, ça ne passait pas», a déclaré le prêtre, surnommé le «curé des clochards» pour l'aide qu'il avait coutume d'apporter aux pauvres.

L'initiative est donc locale mais elle obtient le soutien du clergé national, qui supporte mal la concurrence d'un symbole consumériste venu des États-Unis.

«Le porte-parole de l'épiscopat français a appuyé cette action symbolique sans ambiguïté», rappelle auprès de l'AFP Philippe Poirrier, professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Bourgogne Franche-Comté, à Dijon.

«Le Père Noël et le sapin se sont introduits dans les écoles publiques alors qu'ils sont la réminiscence de cérémonies païennes qui n'ont rien de chrétiennes tandis que, au nom d'une laïcité outrancière, la crèche est scrupuleusement bannie des mêmes écoles», déclarait le porte-parole de l'épiscopat dans le quotidien France-Soir du 24 décembre 1951.

- «Accusé Père Noël, levez-vous !» -

Mais le Père Noël a également ses défenseurs, à commencer par le maire de Dijon, qui n'est autre que le chanoine Kir, inventeur du cocktail du même nom: le prêtre-député, partisan d'un catholicisme social, «s'est désolidarisé du clergé local et a mis en œuvre une contre-manifestation», résume M. Poirrier.

Dès le lendemain du bûcher, le 24 décembre 1951, le chanoine ressuscite symboliquement le Père Noël en faisant apparaître un sapeur-pompier déguisé en Saint-Nicolas sur les toits de l'Hôtel de Ville.

Depuis, chaque 24 décembre à Dijon, un Père Noël descend en rappel depuis la tour Philippe-le-Bon, dominant la mairie, sous les yeux de centaines d'enfants, cette fois émerveillés.

Le bûcher du Père Noël évoque les pratiques du Moyen-Age, quand l’Église brûlait allègrement ceux qu'elle accusait d'usurpation de la gloire divine ou d'hérésie.

A Dijon et au niveau national, le sujet fait débat. Le 26 décembre, Carrefour, un hebdomadaire démocrate-chrétien, titre à sa Une «Accusé Père Noël, levez-vous !», opposant deux écrivains : le très pieux Gilbert Cesbron, pour qui «la crèche passe avant la cheminée», et le très anti-clérical René Barjavel, qui veut «laisser à l'enfance émerveillée son vieux magicien barbu».

L'écho de l'exécution de Dijon dépasse les frontières. L'agence américaine AP y consacre une dépêche publiée dans le New York Times du 25 décembre 1951 sous le titre «Une ville française secouée par un conflit à propos du Père Noël».

L'affaire inspire aussi l'anthropologue Claude Levi-Strauss, avec un essai intitulé «Le Père Noël supplicié».

Sapins illuminés dans les villes, hommes vêtus de costumes rouges... «tous ces usages qui paraissaient puérils et baroques au Français visitant les États-Unis (...) se sont implantés et acclimatés en France avec une aisance et une généralité qui sont une leçon à méditer pour l'historien des civilisations», écrit-il en 1952.


Après les tensions, Paris et Alger entament un nouveau chapitre

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
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  • Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont décidé de relancer les échanges bilatéraux
  • L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique

Après avoir frôlé la rupture, un nouveau chapitre s'ouvre dans les relations entre la France et l'Algérie.

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise.

Le communiqué publié par le palais de l'Élysée fait suite à plusieurs signes récents de rapprochement, notamment l'entretien accordé par Tebboune aux journalistes des médias publics algériens, où il a exprimé sa volonté de renouer le dialogue avec son homologue français et de mettre fin à ce qu'il a qualifié de «période d'incompréhension» entre leurs deux pays.

L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique, centrée sur trois axes prioritaires: la coopération sécuritaire, la gestion des flux migratoires et les questions mémorielles.

Le communiqué conjoint, publié à l’issue de cet échange, souligne la volonté des deux chefs d’État de dépasser les crises récentes pour amorcer une relation apaisée et mutuellement bénéfique.

Premier résultat concret dans le cadre de cette volonté affichée, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot se rend à Alger le 6 avril pour des entretiens avec son homologue algérien Ahmed Attal.

Les ministres devront détailler un programme de travail ambitieux et en décliner les modalités opérationnelles et le calendrier de mise en œuvre.

La coopération sécuritaire doit reprendre sans délai, notamment pour lutter contre le terrorisme au Sahel et sécuriser les frontières de la région.

La gestion des migrations irrégulières et la question des réadmissions de ressortissants algériens en situation irrégulière en France sont au cœur des discussions. 

Cette dynamique s’inscrit dans la continuité de l’engagement du président français, exprimé dès le début de son premier mandat et même avant, lors de sa campagne électorale en Algérie, où il avait qualifié la colonisation de «crime contre l’humanité».

Plus tard et dès son élection en 2017, Macron a affiché sa volonté de regarder «la vérité en face». Sa première visite officielle en Algérie marquait la priorité qu’il entend donner à la relation franco-algérienne, en posant les bases d’un dialogue sincère et apaisé. 

Cet engagement a été réaffirmé par la déclaration d’Alger en août 2022, qui prévoyait la mise en place d’une «commission mixte des historiens» chargée d’examiner les archives et de favoriser une meilleure compréhension mutuelle.

Les enjeux de ce rapprochement, dont l’objectif est la poursuite du travail de refondation des relations bilatérales, dépassent le cadre strictement bilatéral et s’inscrivent dans un contexte géopolitique et sécuritaire complexe.

La coopération entre Paris et Alger est essentielle pour répondre aux défis régionaux, notamment dans le Sahel, où le terrorisme et l’instabilité menacent la sécurité de l’Afrique du Nord et de l’Europe. 

La France et l’Algérie partagent un intérêt commun pour la lutte contre les groupes armés et leur coopération stratégique revêt une importance capitale pour stabiliser la région.

La gestion des flux migratoires reste un point de tension récurrent, car si la France souhaite des mécanismes de réadmission efficaces, l’Algérie demande le respect de la dignité et des droits de ses ressortissants. 

Malgré la volonté de réconciliation affichée, le dossier mémoriel reste un obstacle majeur.

La question des excuses officielles pour les crimes coloniaux demeure sensible. Si Emmanuel Macron a reconnu des «crimes contre l’humanité» en 2017, les demandes d’excuses formelles de l’Algérie n’ont pas encore été pleinement satisfaites. 

Les travaux de la commission mixte des historiens, lancés à l’été 2022, doivent permettre d’approfondir la recherche sur cette période sombre et de poser les bases d’un dialogue apaisé.

Malgré les gestes d’ouverture, les relations entre Paris et Alger restent fragiles, en partie en raison d’une méfiance réciproque, alimentée par des perceptions contradictoires des enjeux bilatéraux.

L’un des points de friction les plus marquants est la question du Sahara occidental. La position française, perçue comme favorable au Maroc, a suscité des crispations du côté algérien, allant jusqu’au rappel de l’ambassadeur d’Algérie en France. 

Pour Alger, le soutien implicite de Paris au plan d’autonomie marocain est perçu comme un alignement qui remet en cause l’équilibre diplomatique régional.

Bien que la France ait tenté de clarifier sa position, en affirmant vouloir accompagner une dynamique internationale de sortie de crise, ce dossier demeure une source de tension. 

Au-delà des relations diplomatiques, les opinions publiques des deux pays jouent un rôle crucial dans l’évolution du partenariat.

En Algérie, une partie de la population reste méfiante vis-à-vis des intentions françaises, nourrie par un sentiment de souveraineté exacerbée et par la mémoire toujours vive des exactions coloniales. 

En France, la question algérienne suscite également des clivages politiques. Certains considèrent les gestes mémoriels comme une forme de repentance excessive, tandis que d’autres appellent à une reconnaissance plus franche des torts commis pendant la colonisation. 

La relance des relations entre la France et l’Algérie repose sur un équilibre délicat entre la reconnaissance du passé, la gestion des défis actuels et la mise en œuvre d’une coopération tournée vers l’avenir. 

Malgré la volonté politique manifeste, la concrétisation de ce partenariat dépendra de la capacité des deux dirigeants à dépasser les clivages historiques et à impulser une dynamique durable.


Paris entend résoudre les tensions avec Alger « sans aucune faiblesse »

le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
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  • Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ».
  • « L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

PARIS : Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ». Il s'exprimait au lendemain d'un entretien entre les présidents français et algérien, qui visait à renouer le dialogue après huit mois de crise diplomatique sans précédent.

« Les tensions entre la France et l'Algérie, dont nous ne sommes pas à l'origine, ne sont dans l'intérêt de personne, ni de la France, ni de l'Algérie. Nous voulons les résoudre avec exigence et sans aucune faiblesse », a déclaré Jle chef de la diplomatie française devant l'Assemblée nationale, soulignant que « le dialogue et la fermeté ne sont en aucun cas contradictoires ».

« L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

Les Français « ont droit à des résultats, notamment en matière de coopération migratoire, de coopération en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme et au sujet bien évidemment de la détention sans fondement de notre compatriote Boualem Sansal », a affirmé le ministre en référence à l'écrivain franco-algérien condamné jeudi à cinq ans de prison ferme par un tribunal algérien. 


Algérie: Macron réunit ses ministres-clés au lendemain de la relance du dialogue

Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
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  • Emmanuel Macron  réunit mardi plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune
  • Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales.

PARIS : Emmanuel Macron  réunit mardi à 18H00 plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune pour relancer le dialogue, a appris l'AFP de sources au sein de l'exécutif.

Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales après des mois de crise, selon le communiqué conjoint publié lundi soir.

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, effectuera de même une visite prochainement pour relancer la coopération judiciaire.

Le communiqué ne mentionne pas en revanche le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, figure du parti de droite Les Républicains, partisan d'une ligne dure à l'égard de l'Algérie ces derniers mois, notamment pour obtenir une nette augmentation des réadmissions par le pays de ressortissants algériens que la France souhaite expulser.

Bruno Retailleau sera présent à cette réunion à l'Élysée, avec ses deux collègues Barrot et Darmanin, ainsi que la ministre de la Culture, Rachida Dati, et celui de l'Économie, Éric Lombard, ont rapporté des sources au sein de l'exécutif.

 Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on affirme à l'AFP que si la relance des relations décidée par les deux présidents devait bien aboutir à une reprise des réadmissions, ce serait à mettre au crédit de la « riposte graduée » et du « rapport de force » prônés par Bruno Retailleau.