DUBAΪ: Depuis leur création, au milieu du XIXe siècle, les expositions universelles ont offert aux pays de toutes tailles et de tous niveaux de richesse une rare opportunité: organiser leur propre langage national et projeter leur image préférée – qu’elle appartienne au passé, au présent ou au futur – devant un public mondial.
Des éléments spécifiques du patrimoine, de la culture et de l'économie d'une nation sont ainsi élaborés avec le plus grand soin et exposés dans des pavillons souvent superbes et tentaculaires, conçus pour montrer le caractère et les qualités nationales distinctes du pays. C'est de cette manière, en communiquant à travers leurs pavillons, que les nations participantes se définissent sur la scène mondiale.
Prise dans son ensemble, une exposition universelle peut donc être décrite au mieux comme un miroir rose de la civilisation à un moment précis. Cette «grande représentation» constitue un amalgame de nations dans leur état idéalisé; le monde dépeint comme il voudrait être vu. Et tout le monde est invité.
Le Koweït s'est distingué, avec ambition et panache, à l'occasion de la première exposition universelle organisée dans le monde arabe. L'ampleur de la présence de ce petit royaume du Golfe à l'Expo 2020 de Dubaï indique clairement que beaucoup de réflexion et d'attention ont été consacrées à la conception, au contenu et au sens de son Pavillon.
La ville de Koweït a l'habitude de raconter son histoire à travers son architecture. Elle a subi un certain nombre d’importantes transformations depuis l'avènement de l'urbanisation pétrolière, souvent grâce à des initiatives de développement ambitieuses menées par l'État qui ont constamment cherché à remplacer l'ancien par le nouveau.
Après 1950, presque toutes les structures prépétrolières du centre urbain historique de la capitale ont été transformées pour laisser place à une nouvelle métropole moderne. Et, depuis 2003, un cycle de développement renouvelé a remplacé ce paysage moderniste par quelque chose de plus nouveau encore. À l'Expo 2020, l'ambition du Koweït est en phase avec son passé, son présent et son avenir.
Conçu par l'architecte italien Marco Pestalozza, l’élégant Pavillon koweïtien, d’une superficie de 5 600 mètres carrés, se trouve sur un grand terrain central, près d'Al-Wasl, dans le quartier de la Durabilité. Il se distingue par sa forme irrégulière et presque circulaire ainsi que par ses panneaux extérieurs dorés aux motifs géométriques.
L'architecture du Pavillon est un clin d'œil à l'histoire du développement urbain du Koweït. Un entonnoir, inspiré des tours emblématiques construites pour stocker l'eau dessalée peu après l'indépendance du pays, en 1961, occupe son centre. Il s'étend du niveau du sol jusqu’au toit.
Pendant la journée, le Pavillon ressemble à une pépite d'or non traité qui évoque le terrain vallonné du désert du Koweït. Des écrans projettent des images familières de chameaux qui se promènent sur les dunes.
La nuit, le Pavillon se transforme. L'or ne domine plus, mais un projecteur bleu illumine «l'enveloppe» – le nom donné au large entonnoir en pente situé au sommet du Pavillon.
La transition esthétique du jour à la nuit qu’opère bâtiment montre de quelle manière, simple mais efficace, le Pavillon transmet ses thèmes centraux: connectivité, durabilité et diversification hors du pétrole.
Le pétrole a été découvert en quantités commerciales au Koweït en 1938 et son industrie a commencé en 1946. En 1950, le souverain du Koweït a annoncé son intention d'utiliser la nouvelle richesse pétrolière du pays, qui augmente de façon exponentielle, pour faire de la capitale «la ville la mieux planifiée et la plus socialement progressiste au Moyen-Orient», dévoilant un projet de modernisation mené par l'État et articulé autour du développement urbain et de la protection sociale.
En entrant dans le Pavillon, les visiteurs sont accueillis par un grand écran incurvé sur lequel est diffusé en boucle un film qui explore le patrimoine koweïtien, révèle le présent du Royaume et offre un aperçu de ses futurs jeux. L'histoire est racontée du point de vue d'une fillette de 8 ans, ce qui traduit l'accent mis par le Koweït sur la promotion du rôle des futures générations de femmes dans le cadre de son engagement en faveur du progrès social.
Du rez-de-chaussée, les visiteurs gravissent un escalier incurvé et ils sont accueillis par une nouvelle vidéo qui offre une vue imprenable sur la ville actuelle de Koweït vue de la chaussée cheikh Jaber al-Ahmed al-Sabah. Dans ce film, la foisonnante vie marine du Koweït figure également en bonne place, notamment avec des photos de dauphins qui jouent dans les vagues.
Quittant le présent, l'histoire que raconte le Pavillon se déplace vers le passé. Les visiteurs sont guidés à travers une série d'expositions qui explorent le patrimoine culturel et le riche héritage du Koweït, remontant à environ sept mille ans. Des artefacts minutieusement recréés de l'île de Failaka – dont le nom dériverait d’un mot grec ancien signifiant «avant-poste» – constituent le point culminant de ce voyage dans le passé.
Ces images contrastent avec l'histoire du Koweït en tant que nation progressiste postpétrole: elles décrivent les changements substantiels que le pays a subis. De la ville portuaire à la puissance pétrolière à la démocratie arabe naissante, qui a donné naissance à une société culturelle dynamique, en passant par l'invasion irakienne et le krach économique du Koweït, il ne fait aucun doute que l'histoire nationale du Koweït est aussi riche que variée.
Si l’on excepte le Qatar, le Koweït est le seul pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) dont le pavillon est situé dans le quartier de la Durabilité de l'exposition. Ce choix peut paraître insolite si l’on considère l’apparente contradiction entre son pilier économique, l'industrie pétrolière, et la nécessité de passer à d'autres sources d'énergie plus durables.
Cependant, les concepteurs du Pavillon du Koweït assument pleinement cette apparente dichotomie; ils soulignent le véritable désir du Royaume de se diversifier. Peut-être plus que la plupart des autres, ce Pavillon offre une photographie d'une nation disposée à embrasser le changement dans le présent comme dans l'avenir.
En effet, l'avenir figure en bonne place dans les expositions du Pavillon. Pour éviter une trop grande utilisation des écrans tactiles pendant la pandémie, les concepteurs ont choisi d'utiliser la technologie de détection de mouvement pour que les visiteurs puissent explorer la Vision 2035 du Koweït sans le moindre contact physique avec les équipements.
Les sept piliers de la Vision 2035 ont pour mission de consolider le leadership du Koweït dans la région, de la diversification de son économie et du développement de ses infrastructures de soin à la mise en valeur de son capital humain en passant par son positionnement mondial. La notion de durabilité est présente à travers chacun des piliers, comme dans chaque facette des expositions du Pavillon.
L'un des aspects les plus remarquables du Pavillon koweïtien réside dans la place réservée à la connectivité, conformément au thème général de l'Expo 2020 de Dubaï: «Connecter les esprits, créer l'avenir». L'objectif fondamental, à travers cette architecture étonnante et ce récit captivant, est de connecter les gens les uns aux autres en mêlant l'environnement et les meilleurs aspects de l'humanité.
Bien qu’il s’agisse, bien sûr, un clin d'œil au thème de l'Expo d'aujourd'hui, il fait également référence à l'histoire du Koweït en tant que connecteur de peuples et de cultures. Port actif et animé, sa capitale est une ville cosmopolite et connectée depuis des siècles.
Et cela continue d'être le cas. L'Autorité publique koweïtienne pour l'information civile estime que la population du pays était d'environ 4,4 millions d'habitants en 2019, les non-Koweïtiens représentant près de 70% de ce total.
Le dialecte, la nourriture et la musique du Koweït contiennent des traces des riches influences de l'Irak, de l'Iran, de Zanzibar, d'Oman et des autres cultures avec lesquelles le peuple koweïtien est entré en contact au cours de siècles entiers de commerce, de voyages, d'immigration et d'acculturation.
À l'Expo 2020, l'histoire que le Koweït a choisi de raconter à travers son Pavillon est multiforme. Elle reflète la nature diversifiée de sa société, de l'accent mis sur la durabilité à l'autonomisation de ses jeunes pour diriger le pays et son peuple vers l'avenir.
Le Koweït présente des antécédents de transformations culturelles. À l'Expo 2020, la nation montre qu'elle a l'intention de faire avancer son programme de développement Vision 2035 sous l'angle de la durabilité.
Visiter ce Pavillon offre aux invités une compréhension plus critique de la situation actuelle du Koweït – et, peut-être plus important encore, de sa vision d’avenir.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com