PARIS: Vingt-sept ans après la condamnation du jardinier marocain Omar Raddad pour le meurtre d'une riche veuve, Ghislaine Marchal, sur la Côte d'Azur (sud-est), la justice française a décidé jeudi de rouvrir le dossier, première étape vers une éventuelle révision du procès, a-t-on appris de source judiciaire.
Saisie par Omar Raddad d'une requête en révision, la commission d'instruction a ordonné un complément d'information, a précisé cette source.
"Cette décision est un pas vers la révision", a déclaré à la presse l'avocate d'Omar Raddad, Sylvie Noachovitch. "La bataille n'est pas terminée", a-t-elle lancé.
«Omar m'a tuer»: les grandes dates de l'affaire Raddad
Du meurtre de la riche veuve Ghislaine Marchal en 1991, pour lequel le jardinier marocain Omar Raddad a été condamné puis gracié partiellement, à la décision jeudi de la justice de procéder à de nouvelles investigations, les grandes dates d'une affaire judiciaire à rebondissements.
Meurtre d'une riche veuve
Le 23 juin 1991, la veuve d'un industriel en équipements pour l'automobile, Ghislaine Marchal, 65 ans, est tuée à coups de chevron de bois et de couteau. Une importante somme d'argent est dérobée dans son sac.
Son corps est découvert le lendemain dans une pièce en sous-sol de sa villa de Mougins (Alpes-Maritimes) dont la porte a été barricadée et où l'on trouve deux inscriptions en lettres de sang: "Omar m'a tuer" et "Omar m'a T.".
Omar Raddad inculpé
Omar Raddad, jeune jardinier marocain employé depuis 1987 par Mme Marchal, est inculpé d'homicide volontaire le 27 juin et écroué à Grasse. Il conteste les faits qui lui sont reprochés.
Le 23 août 1991, les résultats d'une première expertise graphologique sur les inscriptions tendent à prouver qu'elles sont bien de la main de la victime.
18 ans de réclusion
Le 2 février 1994, la cour d'assises des Alpes-Maritimes déclare Omar Raddad coupable du meurtre. Le jardinier défendu par Me Jacques Vergès continue de clamer son innocence. Il est condamné à 18 ans de réclusion criminelle.
Le 9 mars 1995, le pourvoi en cassation est rejeté.
Grâce partielle
Le 23 mai 1996, le président Jacques Chirac signe un décret pour accorder une grâce partielle à Omar Raddad: sa peine est réduite de quatre ans et huit mois.
Omar Raddad est libéré le 4 septembre 1998 de la centrale de Muret (Haute-Garonne) après avoir purgé plus de sept ans de prison.
Première demande de révision
Le 27 janvier 1999, Me Vergès dépose une requête en révision portant notamment sur l'absence de recherches d'empreintes sur le chevron de bois, sur la destruction de photos et sur les expertises graphologiques.
Nouvelles expertises
Le 31 octobre 2000, deux graphologues désignés par la commission de révision de la Cour de cassation mettent en doute l'identité de l'auteur de l'inscription. "Il n'est pas sûr que ce soit Mme Marchal qui ait écrit +Omar m'a tuer+", estiment-ils.
Le 27 décembre, une nouvelle expertise de police scientifique conclut que la trace de main ensanglantée accompagnant l'inscription "Omar m'a tuer" est faite du sang de Mme Marchal mêlé à un sang masculin.
Une analyse détermine le 20 février 2001 que cet ADN masculin n'est pas celui de M. Raddad.
Refus de rejuger
Le 20 novembre 2002, la Cour de révision rejette la demande d'un nouveau procès, estimant que la défense d'Omar Raddad n'a pas apporté d'élément nouveau suffisant pour un procès en révision.
Nouvelles traces d'ADN
Des traces d'ADN exploitables sont mises en évidence sur de nouveaux prélèvements effectués à la demande de la nouvelle avocate d'Omar Raddad, Me Sylvie Noachovitch, annonce le 5 novembre 2015 le parquet de Nice.
Ces investigations s'appuient sur la loi du 20 juin 2014 assouplissant les critères de révision d'un procès.
Le 10 octobre 2016, les analyses concluent que ces nouvelles traces d'ADN ne sont pas celles de M. Raddad.
Ces nouvelles empreintes génétiques correspondent à quatre hommes non-identifiés, deux empreintes parfaitement exploitables et deux autres partiellement, trouvées sur deux portes et un chevron de la scène du crime.
Nouvelle requête en révision
Le 24 juin 2021, trente ans après le meurtre, Me Noachovitch dépose une nouvelle requête en révision sur la base de nouvelles analyses de ces traces d'ADN. Selon un rapport d'expert de 2019, ces dernières renforcent l'hypothèse d'un dépôt des empreintes au moment des faits, et non d'une "pollution" ultérieure, notamment par les enquêteurs.
Cette requête est examinée à huis clos le 25 novembre par la commission d'instruction de la Cour de révision.
Le 14 décembre, elle ordonne un complément d'information, décision saluée par l'avocate d'Omar Raddad comme "un pas vers la révision".
Désigné par l'inscription "Omar m'a tuer", tracée avec le sang de la victime sur la scène de crime, l'ex-jardinier avait essuyé un premier rejet d'une demande de révision en 2002.
Sa nouvelle requête, dans l'une des affaires criminelles les plus énigmatiques et controversées de France, s'appuie sur les progrès de la science en matière d'ADN et sur une loi votée en juin 2014 qui assouplit les critères permettant d'obtenir la révision d'un procès.
Ce sont "des éléments probants mettant en doute la culpabilité d'Omar Raddad", avait assuré Me Noachovitch avant le rendu de la décision.