AMMAN: La Chambre basse du Parlement jordanien a renvoyé mercredi l’accord sur l’échange énergie solaire contre eau conclu avec Israël à sa commission de l’agriculture pour qu’elle consulte des experts avant de donner son avis définitif sur cet accord controversé.
Sur les 130 députés, 91 au total sont montés à la tribune lors de la séance extraordinaire de mercredi consacrée à l’accord, la majorité d’entre eux attaquant le gouvernement pour avoir conclu l’accord avec Israël et suggérant d’autres solutions pour résoudre les problèmes d’eau du pays.
Le 22 novembre, la Jordanie a conclu une déclaration d’intention avec Israël et les Émirats arabes unis afin d’étudier la faisabilité d’un projet conjoint d’échange énergie solaire contre eau. Cette déclaration a été signée à l’Expo 2020 de Dubaï par le ministre jordanien de l’Eau et de l’Irrigation, Mohammed al-Najjar, la ministre émiratie du Changement climatique et de l’Environnement, Mariam al-Mheiri, et la ministre israélienne de l’Énergie, Karine Elharrar.
S’adressant à la Chambre, le Premier ministre Bishr al-Khasawneh a réaffirmé que la déclaration d’intention «n’est pas un accord mais donne seulement le feu vert à la faisabilité de deux projets liés».
Mettant en garde contre des niveaux «sans précédent» de pénurie d’eau en Jordanie, M. Al-Khasawneh a précisé que la Jordanie, pauvre en ressources, recevrait 200 millions de mètres cubes d’eau par an dans le cadre du projet proposé.
Il a ajouté que les ressources annuelles en eau de la Jordanie étaient d’environ 90 mètres cubes par personne, ce qui est inférieur au seuil international de 500 mètres cubes par personne. La Jordanie est classée comme le deuxième pays le plus sec du monde.
«Si la situation de l’eau n’est pas réglée, la part d’eau par habitant en Jordanie atteindra 60 mètres cubes d’ici à 2040.»
Le député vétéran Saleh al-Armouti a critiqué le gouvernement pour avoir signé l’accord avec Israël, expliquant que le pays pourrait résoudre son dilemme de l’eau en mettant en œuvre une série de projets de collecte de l’eau et de dessalement.
Ce député au franc-parler, de tendance islamiste, a appelé à une motion de censure contre le gouvernement pour sa «trahison des constantes nationales, principalement en ce qui concerne la Palestine».
Rejetant toute forme de normalisation avec «l’ennemi sioniste», le député vétéran Khalil Attiyeh a également proposé des solutions alternatives aux problèmes d’eau de la Jordanie, notamment le creusement de plus de puits d’eau souterraine, le dessalement et des projets de traitement des eaux usées.
Le député Ahmed Qatawneh a appelé à la tenue d’un sondage national sur la question de l’échange énergie contre eau, affirmant que le projet prévu affecterait la souveraineté de la Jordanie sur l’eau et l’énergie.
En revanche, certains députés ont rejeté les critiques de leurs collègues à l’égard du gouvernement, affirmant que la Jordanie, pauvre en ressources, n’avait d’autre choix que de coopérer avec Israël pour résoudre ses problèmes d’eau.
Le député Hussein Harasis a souligné que la Jordanie aurait choisi d’autres alternatives à Israël si elles existaient, tandis que son collègue, le député Najeh Odwan, a estimé que le fait de traiter avec les juifs n’avait jamais été un problème, ajoutant que le prophète Mahomet lui-même l’avait fait.
Le président de la Chambre, Abdelkarim al-Dughmi, a demandé à la commission parlementaire de l’agriculture et de l’eau de rencontrer l’ancien ministre de l’Eau, Munther Haddadine, pour une séance de consultations.
M. Haddadine avait auparavant déclaré à la chaîne de télévision gouvernementale Al-Mamlaka que la Jordanie disposait de grandes réserves d’eau souterraine qui pourraient répondre à ses besoins pendant les 500 prochaines années. Il avait de même appelé à l’utilisation de technologies avancées pour creuser plus profondément afin d’atteindre l’eau.
Selon le site d’information américain Axios, un immense parc solaire dans le désert jordanien sera construit dans le cadre du projet et produira une énergie propre qui sera vendue à Israël en échange d’eau dessalée.
Selon Axios, le parc solaire serait construit par Masdar, une société d’énergie alternative appartenant au gouvernement des Émirats arabes unis.
Le plan prévoit que ce parc solaire soit opérationnel d’ici à 2026 et conçu pour produire 2% de l’énergie d’Israël d’ici à 2030, Israël payant 180 millions de dollars (1 dollar = 0,89 euro) par an.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com