DUBAÏ, Emirats arabes unis: Dans une région instable et avec l'incertitude liée à la pandémie de Covid-19, la jeunesse arabe se tourne vers les nouvelles technologies financières, ou "fintechs", pour gérer leurs dépenses et budget, une pratique jusqu'ici plutôt délaissée.
Avant de quitter son Liban natal pour s'installer aux Emirats arabes unis il y a deux ans, Mayar Akrameh, 29 ans, n'avait qu'une idée en tête: pour vivre bien, il faut travailler beaucoup et être bien payé.
"C’est du moins ce qu'on pensait", dit cette consultante en gestion dont le pays est en proie depuis fin 2019 à une crise économique et financière inédite, marquée par un assèchement des liquidités en dollars et une dévaluation historique de sa monnaie.
Aujourd'hui, la jeune femme a décidé de mieux gérer ses épargnes et investissements en ayant recours à une application qui propose des services financiers via les technologies numériques.
Grâce à cet outil, elle peut visualiser ses économies en un seul clic, avec pourcentages et graphiques à l'appui.
"L'application calcule votre épargne et vous propose différents moyens de l'investir", explique Mme Akrameh qui peut ainsi abandonner le fichier Excel avec lequel elle avait tenté de gérer son budget avant d'être "très vite découragée".
- Des «fintechs» en croissance -
Selon un rapport de la Banque mondiale, seulement 7% des adultes dans le monde arabe avaient épargné pour leur retraite en 2016.
Aujourd'hui, le secteur des "fintech" est en pleine croissance au Moyen-Orient, indique l'Institut Milken, un think tank.
Dans une étude, il estime que 465 entreprises financières technologiques de la région vont générer plus de deux milliards de dollars (environ 1,78 milliard d'euros) d'ici 2022, contre 30 entreprises en 2017 pour près de 80 millions de dollars.
Et selon S&P Global, cette croissance n'est pas prête à ralentir, surtout dans les pays du Golfe où la clientèle est en forte demande de services bancaires numériques, selon un rapport de 2019.
Dans la culture arabe, on "pense que c'est le salaire qui enrichit, et non le capital", explique Mark Chahwan, PGD de Sarwa, une compagnie de consultation financière automatisée basée à Dubaï.
Pendant longtemps, la plupart des riches monarchies pétrolières du Golfe versaient des retraites financées par l'État à leurs citoyens.
Mais des responsables saoudiens ont mis en garde, selon Bloomberg, contre la viabilité de ce système, d'autant que Ryad cherche à diversifier son économie en réduisant sa dépendance au pétrole.
- Les petits investisseurs -
Selon M. Chahwan, le comportement financier dans la région semble avoir changé depuis un an, en raison notamment de la pandémie, qui a anéanti certaines industries et un grand nombre d'emplois.
Depuis le premier trimestre 2020, le nombre de comptes de sa société, spécialisée dans les investissements en ligne, a bondi de 80%, avec plus de 45.000 nouveaux clients âgés entre 25 et 45 ans.
Mais selon lui, "investir sur le long terme" ne fait pas partie de la culture financière du monde arabe. Les clients préfèrent des bénéfices rapides à un rendement plus avantageux sur une période plus longue.
Et les convaincre du contraire est un véritable défi, dit M. Chahwan.
L'autre problème dans la région est le manque de propositions d'investissement pour les petits porteurs, le paysage financier étant dominé par les grosses fortunes, avec des actifs de plus d'un million de dollars.
"Ceux qui souhaitent investir 1.000 ou 10.000 dollars n'ont pas beaucoup d'options", explique Haitham Juma, gestionnaire de placements à la National Bank de Foujaira aux Emirats arabes unis.
"Nous en sommes encore au tout début", affirme M. Juma, ajoutant que plusieurs banques et entreprises locales ouvrent des plateformes en ligne pour éduquer leurs clients et simplifier le processus d'investissement.
C'est le pari qu'a fait Lune, une plateforme financière lancée aux Emirats en juillet. Plus d'un millier d'utilisateurs s'en servent déjà pour consulter de façon instantanée leurs dépenses et gérer leur épargne en un seul clic.
Et bientôt, la plateforme permettra à ses clients de comparer leurs performances à celles d'autres utilisateurs du même âge, indique son cofondateur Alexandre Soued.