PARIS: La chute est sévère: la France métropolitaine a perdu plus de 20% de ses exploitations agricoles en dix ans, notamment sous l'effet des nombreux départs à la retraite d'agriculteurs non remplacés, mais elle a toutefois maintenu la surface dédiée à l'agriculture, révèle vendredi le dernier recensement agricole.
Entre 2010 et 2020, 100.000 exploitations agricoles ont disparu et l'Hexagone n'en compte plus que 389.000, selon les résultats provisoires de ce recensement décennal organisé par le ministère de l'Agriculture.
"La raison principale de cette diminution c'est la pyramide des âges. Il y a eu plus de départs à la retraite que d'installations", a déclaré le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie lors d'une conférence de presse.
"Le défi démographique est énorme", estime-t-il. Si le nombre d'installations d'agriculteurs reste stable, il en manque encore 7.000 par an pour compenser les départs à la retraite, reconnaît-il.
Vingt-cinq pour cent des exploitants agricoles ont 60 ans ou davantage, soit une hausse de 5 points en dix ans.
En revanche, la part d'agriculteurs de moins de 40 ans est restée stable (à 20%). Cela prouve que le secteur "reste attractif", estime Julien Denormandie.
Pour la Confédération paysanne, il s'agit d'un "plan de licenciement silencieux et massif(...) plus qu'alarmant sur le plan social, territorial et écologique". Cela devrait "amener à une réorientation en profondeur des politiques publiques pour soutenir l'emploi paysan", estime-t-elle dans un communiqué.
"Stoppons l'hémorragie", s'exclame le Modef. Le faible nombre d'installations est lié "à la faiblesse des revenus qui ne permettent pas de vivre décemment de ce métier!", considère le syndicat. Il préconise notamment "la mise en place d'un prix garanti fixé par l'Etat".
Agrandissement
Le recensement montre aussi que les exploitations se sont agrandies et font désormais 69 hectares en moyenne, soit 14 hectares de plus qu'en 2010 (+25%).
"C'est plus de trois fois moins que la taille d'une exploitation aux Etats-Unis, c'est peu ou prou la même taille moyenne que celle des exploitations allemandes", a assuré le ministre pour parer aux critiques. "C'est très, très loin de ce que certains voudraient faire croire", notamment en période électorale, "quant à une industrialisation de nos modèles agricoles".
La surface agricole utile française s'est stabilisée, diminuant de 1% seulement en dix ans. Elle représente 26,7 millions d'hectares, soit près de 50% du territoire métropolitain (55 millions d'hectares).
La photographie de la ferme France procurée par le recensement montre une agriculture diversifiée avec des productions végétales désormais majoritaires.
Actuellement, 52% des exploitations sont spécialisées en production végétale contre 45% dix ans plus tôt. Le nombre d'exploitations spécialisées en élevage accuse une chute de 31%.
La dynamique de la qualité est en marche, fait valoir le ministre. En 2020, 106.000 exploitations ont au moins une de leurs productions sous signes de qualité ou d'origine (AOP, IGP, Label Rouge…)
Cela s'accompagne de l'essor de l'agriculture biologique qui compte plus de 47.000 exploitations, soit 12% du total. Le label Haute Valeur environnementale (HVE) -qui suscite des débats- concerne plus de 7% des exploitations.
Le ministère relève aussi que 23% des exploitations commercialisent en circuit courts, en vente directe ou par un seul intermédiaire, soit près de 90.000 exploitations (+6 points en dix ans).
"Cette tendance s'accompagne d’un engouement certain des consommateurs à s'approvisionner localement pour soutenir les producteurs de leurs territoires", note le ministère.
Par ailleurs, le nombre d'exploitations dans les départements d'outre-mer se monte à 26.000. Leur surface moyenne est de 5 hectares. Au total, la France compte donc 416.000 exploitations agricoles.
Opération décennale européenne obligatoire, le recensement a pour objectif d'actualiser les données sur l'agriculture française et de mesurer son poids dans l'agriculture de l'Union européenne. Il est mené par les services de la statistique et de la prospective du ministère.
La collecte des informations s'est déroulée entre le 1er octobre 2020 et le 15 mai 2021. Une grande partie du recensement a été effectuée via internet.