"J'ai signé mon bail la veille du premier confinement": à l'instar d'Emilie André, patronne d'un café-bar à salades à Montpellier, de nombreux entrepreneurs ont lancé depuis près de deux ans leur activité en dépit de la crise sanitaire.
Les dispositifs d'aide à la création et l'accompagnement reçu de la part du réseau Initiative France ont permis à cette restauratrice de tenir.
Un prêt d'honneur de 10.000 euros et 8.000 euros d'un fonds spécial Covid ont ainsi "fait tampon jusqu'à ce que l’État décide quand même de nous soutenir un peu", alors qu'elle n'avait au départ pas de chiffre d'affaires de référence pour bénéficier du fonds de solidarité, raconte-t-elle.
Le boom de la création d'entreprises en France n'a pas faibli malgré la récession historique subie par l'économie française en 2020. Les nouvelles immatriculations devraient atteindre le million cette année, selon la trajectoire en cours, contre près de 850.000 en 2020, ce qui constituait déjà un record.
"Le Covid a été un catalyseur pour des projets en gestation tout comme il a été un accélérateur de tendances préexistantes dans les entreprises", estime Guillaume Pepy, le président d'Initiative France.
Selon une enquête présentée mardi par le réseau associatif auprès de plus de 1.500 créateurs qu'il a aidés, 30% des moins de 30 ans considèrent même que "la crise sanitaire a agi comme un déclic dans leur décision d'entreprendre".
Loin d'être lancées sur un coup de tête, les créations d'activité sont souvent l'aboutissement d'une longue réflexion.
Pour Emilie André, qui a géré un restaurant en Grande-Bretagne, "c'est un accomplissement personnel, ça fait du bien à l'ego". Même si avec les vagues épidémiques à répétition, "j'ai l'impression qu'à chaque fois que je commence à sortir la tête de l'eau, on me rappuie dessus", dit-elle.
"On avait besoin d'être accompagné financièrement, ça a été notre première recherche", rapporte de son côté Marie-Aurélie Graff, une ancienne journaliste, qui a ouvert avec son mari dans la même rue du Faubourg du Courreau un magasin de fleurs vintage.
En dépit de la baisse du nombre de mariages, "en 2020, ça s'est super bien passé malgré le Covid. On ne s'attendait pas à ça. Les fleuristes ont été reconnus un peu tardivement comme un commerce essentiel, donc on a pu rester ouverts".
Reconversions
Le succès du magasin vient aussi de la nouveauté du concept. "Ce qu'on propose ici, ça ne s'était pas encore vu à Montpellier. On a pris le parti de proposer 80% de fleurs françaises, de travailler directement avec les producteurs locaux".
Privilégier des produits issus de circuits courts, surveiller son empreinte carbone et vendre en ligne sont trois caractéristiques de plus en plus fréquentes des jeunes entreprises.
Mais le désir d'innover ne vient que loin derrière la volonté d'indépendance, le goût d'entreprendre ou la quête de sens parmi les motivations pour créer ou reprendre une entreprise, tandis que seuls 1% des créateurs accompagnés disent y avoir été contraints parce qu'étant sans emploi.
Pour réaliser leur projet, près d'un tiers n'hésitent pas à se reconvertir dans un secteur où ils n'ont aucune expérience, selon l'enquête.
C'est le cas de Julien Zerbib, un passionné de pâtisserie qui a démissionné de son poste de directeur commercial dans le groupe de presse La Dépêche pour se lancer dans la fabrication et la vente de cookies.
Il est parvenu à réunir plusieurs financements, dont 20.000 euros de prêts à taux zéro et 80.000 euros via un prêt bancaire classique.
M. Zerbib, qui se dit lui-même bien informé des démarches à entreprendre, également nombreuses sur le plan administratif, souligne que "pour quelqu'un qui n'est pas entouré de créateurs d'entreprises, savoir quelles sont les étapes et dans quel ordre faire les choses, ça peut être compliqué".
Une source de frustration pour lui a été qu'en France, "l'été, il ne se passe rien. J'ai fait mon montage financier en juin, mais les banques, Initiative Montpellier, le réseau France Active Airdie-Occitanie m'ont tous donné rendez-vous en septembre".
Les "formalités administratives" constituent la difficulté la plus souvent citée par les jeunes entrepreneurs (à 47%), devant le financement (29%), selon l'étude.