L'entreprise européenne ArianeGroup va emboîter le pas aux Américains de SpaceX et développer son propre lanceur réutilisable, a annoncé lundi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire en exposant la stratégie spatiale de la France au-delà de l'emblématique fusée Ariane.
L'Europe a "manqué le virage du lanceur réutilisable, nous n'y avons pas cru, nous avons pris du retard par rapport à nos partenaires américains qui ont développé SpaceX et Falcon 9, et ce retard il faut le rattraper", a concédé M. Le Maire, en présentant la nouvelle stratégie spatiale de la France, soutenue par 1,5 milliard d'euros du plan "France 2030".
Ce lanceur baptisé Maïa "doit pouvoir être opérationnel en 2026", a affirmé M. Le Maire, qui s'exprimait lors d'une visite sur le site d'ArianeGroup à Vernon, dans l'Eure en Normandie, où sont notamment testés les moteurs des grosses fusées Ariane.
Cette stratégie comprend également l'ambition d'aider de "jeunes pousses" à développer des "micro-lanceurs", destinés à mettre en orbite de petits satellites et eux aussi réutilisables.
En bref, il s'agit de "remettre un peu de compétition dans le monde de l'espace", selon M. Le Maire, au moment où les projets de petits lanceurs se multiplient, notamment en Allemagne.
Le site de Vernon, dont les salariés étaient inquiets des retombées des annonces d'ArianeGroup en septembre concernant la suppression de 600 postes en France et en Allemagne, a vocation à voir ses effectifs augmenter, a promis le ministre qui arpentait dans l'Eure ses terres électorales.
"Aujourd'hui il y a un peu plus de 800 emplois sur le site de Vernon, à horizon 2025 il y en aura près de 1.000", a assuré M. Le Maire.
Certes, Vernon va perdre le moteur Vinci, l'un de ceux équipant Ariane 6, mais de l'activité va être apportée par le futur moteur lourd Prometheus et le retour de l'activité "turbopompes", a souligné M. Le Maire.
Vernon sera également le lieu du développement du futur mini-lanceur réutilisable. ArianeGroup ne part pas d'une page blanche puisque outre Prometheus, qui pourra servir plusieurs fois, il a déjà développé un démonstrateur d'étage réutilisable, baptisé "Thémis".
"Il n'était pas question pour nous de dire qu'on faisait une croix sur le lanceur réutilisable", a martelé M. Le Maire: "le meilleur gagnera".
Micro et mini-lanceurs répondent à l'essor des petits satellites (moins de 500 kilos) en orbite basse, soit quelques centaines de kilomètres, une demande qui a contribué à favoriser l'émergence d'acteurs comme SpaceX, première société à réutiliser le premier étage de ses fusées, depuis le milieu des années 2010.
Cette dernière entreprise, qui bénéficie de contrats de la NASA, a abaissé les coûts du secteur en développant une technologie pionnière de lanceurs réutilisables, dont leur fusée vedette Falcon 9, positionnée sur le créneau des lancements moyens ou lourds.
En marge de la visite ministérielle, un accord a été signé lundi entre ArianeGroup et ses maisons mère, Airbus et Safran, afin de développer des activités de propulsion hydrogène pour l'aéronautique à Vernon.
Alors que le transport aérien se retrouve sous pression pour réduire son empreinte carbone, Airbus planche sur le développement d'avions fonctionnant à l'hydrogène, avec pour objectif un aboutissement en série en 2035.
De son côté, le grand chantier d'ArianeGroup est la préparation de ses futurs lanceurs lourds Ariane 6, dont le tir inaugural de qualification est prévu au second semestre de l'année prochaine.
A l'heure actuelle, "Ariane 6 est la bonne solution", elle "va fonctionner et faire la fierté des Français en 2022", s'est enthousiasmé M. Le Maire, en refusant d'opposer sa technologie et celle des lanceurs réutilisables: "les deux sont complémentaires".
En appelant aux pays du Vieux continent pour qu'ils "appliquent la préférence européenne" et recourent aux lanceurs européens pour leurs satellites, le ministre a rappelé qu'Ariane 6 devait effectuer sept lancements par an, dont quatre sont déjà assurés par des commanditaires institutionnels.
"Nous n'aurons aucun mal à trouver les trois lancements privés qui garantiront le modèle économique d'Ariane 6, je suis même convaincu (...) que nous pourrons faire mieux", a assuré M. Le Maire.