PARIS : Après deux ans de crise aiguë, l'industrie touristique retient son souffle face à une nouvelle vague de Covid-19 et la diffusion rapide du nouveau variant Omicron sur tous les continents qui pousse de nombreux pays à restreindre les voyages, menaçant sa reprise.
Alors que le secteur perdra 2 000 milliards de dollars cette année -autant qu'en 2020- du fait des restrictions liées à la pandémie, selon l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), la propagation d'Omicron rend la situation "totalement imprévisible" et pourrait à nouveau provoquer d'"énormes dégâts", estime son secrétaire général, Zurab Pololikashvili.
"Pour peu que les Etats-Unis décident de fermer leurs frontières, et ils en sont capables, que les pays les uns après les autres se barricadent - ce qui d'ailleurs ne change rien -, on est repartis pour une belle crise", considère Didier Arino, président du cabinet spécialisé Protourisme, auprès de l'AFP.
Jugeant qu'il n'y avait "pas de raison de paniquer" face à la propagation du variant Omicron, le président américain Joe Biden a déclaré lundi ne "pas anticiper à ce stade" de nouvelles restrictions aux voyages internationaux.
"Tant qu'on a un tourisme intra européen et que les vols transatlantiques fonctionnent, l'impact est assez limité. Si on a une fermeture des frontières, avec une reprise de la pandémie, alors que les marchés d'Asie étaient déjà fermés, ce sera compliqué", s'inquiète M. Arino.
Selon l'OMT, 46 pays restent totalement fermés aux touristes, soit une destination sur cinq, et 55 partiellement. Nombre d'États d'Asie ou du Pacifique interdisent encore les voyages "non essentiels".
Classé "préoccupant" par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Omicron inquiète: le Japon et Israël ont fermé leurs frontières aux voyageurs étrangers. D'autres pays comme la France, le Royaume-uni, les Etats-Unis, le Canada ou les Philippines refusent les voyageurs provenant d'Afrique australe.
"En septembre, octobre et début novembre, la reprise d'activité a été très forte. Mais la cinquième vague européenne a marqué un palier descendant des réservations. Depuis quelques jours, c'est une chute brutale", dit à l'AFP Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage.
"Dès jeudi soir, les réservations, qui étaient revenues au niveau de 2019, ont chuté de 30%. La psychologie des clients a changé", dit Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde.
Variant Omicron: les hôteliers suisses inquiets pour la saison d'hiver
Les hôteliers suisses s'inquiètent pour la saison d'hiver: ils assistent à une vague d'annulations de réservations, allant jusqu'à 100% pour la clientèle britannique, en raison des quarantaines imposées aux voyageurs face au variant Omicron, a alerté mardi la fédération du secteur.
"Ces derniers jours, la branche de l'hébergement a connu un effondrement du niveau de réservation dans un contexte de détérioration de la situation épidémiologique", a averti HotellerieSuisse, la fédération qui représente les intérêts du secteur, dans un communiqué qui signale aussi des annulations pouvant atteindre jusqu'à 100% pour les clients belges et néérlandais.
Les hôteliers suisses réalisent une grande partie de leur chiffre d'affaires annuel lorsque les amateurs de ski, notamment les Britanniques qui font partie de la clientèle phare, viennent dévaler les pistes.
A l'approche des fêtes, les hôteliers sont de surcroit confrontés ces derniers jours à des "annulations massives d'événements d'entreprise et de célébrations de Noël", s'inquiète HotellerieSuisse, qui appelle les politiques à des mesures pour éviter un confinement et à maintenir les aides pour ce secteur déjà "malmené" depuis le début de la pandémie.
"Des mesures uniformes doivent être prises pour endiguer la pandémie. L'expérience a montré que les initiatives cantonales n'atteignaient pas leur objectif", plaide la fédération hôtelière, alors que le gouvernement suisse avait jusqu'à présent choisi de ne pas durcir les mesures sanitaires malgré la cinquième vague, laissant aux cantons le soin de déterminer les mesures appropriées au niveau local.
Face aux inquiétudes concernant le variant Omicron, le Conseil fédéral (gouvernement) tient mardi une réunion extraordinaire après avoir renforcé les restrictions de voyage durant le week-end.
Lundi soir, quelque 23 pays avaient été placés sur la liste de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), pour lesquels des restrictions s'appliquent à l'entrée en Suisse. Les voyageurs en provenance des pays sur cette liste doivent présenter un test négatif et se placer 10 jours en quarantaine.
«Hyper réactivité» des Etats
"Cette hyper réactivité des Etats provoque une frilosité des voyageurs" mais les annulations se font "uniquement sur les destinations concernées" par les fermetures de frontières, faisant chuter l'activité des agences de voyages à "20% ou 25% d'une semaine normale à cette période", rapporte M. Mas. "Nous sommes particulièrement inquiets", souligne-t-il.
Les professionnels espèrent une politique coordonnée au niveau européen, qui permettrait d'éviter des fermetures de frontières anarchiques.
Pour l'heure, les vacances de fin d'année sont encore préservées, avec "une demande très forte vers les destinations soleil: République dominicaine, Maurice ou îles méditerranéennes...", dit le président de Protourisme.
Ceux qui prévoient de partir aux Antilles françaises, confrontées à des mouvements sociaux, attendent de "voir évoluer la situation: ils savent qu'ils seront remboursés en cas d'annulation", affirme M. Arino.
"Globalement, le tourisme est reparti, l'hôtellerie est repartie, ainsi que la restauration depuis début septembre. (...) Le Covid est un souci mais je ne le contrôle pas, donc je ne vais pas trop passer de temps dessus", a déclaré Sébastien Bazin, le PDG du géant hôtelier Accor, qui exploite plus de 5.000 établissements dans le monde, lundi matin sur BFM Business.
"On va d'abord s'occuper des hommes et des femmes qui travaillent dans l'hôtellerie-restauration: il faut qu'ils soient là pour les vacances de Noël, pour les vacances de ski, parce que la demande sera là, je vous le garantis", a-t-il affirmé.
De fait, le secteur touristique français "s'en sort plutôt mieux" que d'autres, grâce à la fréquentation domestique. "Plus on dépend des clientèles étrangères et lointaines, plus on est affecté" par la crise sanitaire, souligne M. Arino.